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Aujourd'hui, on s'époumone contre le fait qu'une personne ayant étudié aux frais de l'État et qui gagne aujourd'hui 200 000 $ (et disons 175 000 $ en revenu imposable) doive payer 1 600 $ de plus... On dénonce la potentielle fuite de cerveaux alors qu'on applaudissait une hausse des frais de scolarité qui en aurait découragé plus d'un d'étudier!
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Young caucasian woman with empty wallet - broke
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Young caucasian woman with empty wallet - broke

Le Parti québécois souhaite ajouter deux paliers d'imposition afin de compenser l'abolition de la taxe santé. C'était sa promesse électorale et, maintenant qu'il forme l'exécutif, il souhaite transférer le fardeau de la taxe santé vers les mieux nantis. Il n'en fallait pas plus pour que la mesure soit vivement décriée, à tort ou à raison, par de nombreux chroniqueurs et blogueurs. Au-delà du discours alarmiste de certains (entre autres François Legault qui affirmait sur Twitter que 3 des 10 plus grandes entreprises québécoises souhaitent quitter le Québec... sans vouloir les nommer), il faudrait rectifier certaines informations. Bien qu'une hausse d'impôt ne soit jamais bien accueillie et puisse légitimement être critiquée, celle proposée par le Parti québécois n'a rien de déraisonnable.

Problème numéro un selon de nombreux commentateurs : la hausse rétroactive « cachée »

Affirmer qu'elle était cachée est tout simplement faux, bien que plusieurs (moi inclusivement) n'aient pas fait le lien. Le Parti québécois avait promis d'abolir la taxe santé et la remplacer par une hausse d'impôt pour les mieux nantis aussitôt élu. C'est donc pour le rapport d'impôt 2012 que les Québécois n'auront pas à payer la taxe santé, ce qui signifie également que ce manque à gagner sera compensé par une hausse d'impôt pour les mieux nantis dans ce même rapport d'impôt 2012. Une hausse rétroactive était donc implicitement annoncée, bien que personne n'y ait porté attention. Comme plusieurs, j'éprouve un certain malaise face à la rétroactivité de ces hausses, mais considérant que Raymond Bachand a lui-même admis qu'il y aura un trou « caché » de 800 millions de dollars (sans compter que la croissance économique est beaucoup moins forte que prévu par l'ancien gouvernement libéral et que ce trou sera donc vraisemblablement beaucoup plus élevé, dépassant largement le milliard de dollars), le Parti québécois n'a pas vraiment d'autres alternatives pour respecter sa promesse. La CAQ propose de couper « dans le gras » (ce que j'appuie), mais aller chercher 2 milliards de dollars en coupant des postes par attrition est tout simplement impossible à court terme. Pour atteindre ce 2 milliards, il faudrait couper jusqu'à 30 000 postes, ce qui est irréaliste en un an. Une hausse rétroactive (à moins de préférer un déficit de deux ou trois milliards) est l'une des seules alternatives à la taxe santé, alors qu'une compression des dépenses pourrait permettre d'aller chercher l'autre milliard.

Deuxième problème derrière cette hausse d'impôt selon plusieurs : ce serait une taxe injuste pour ceux qui paient déjà leur juste part

Évidemment, beaucoup a été dit sur la soi-disant injustice derrière l'ajout de deux paliers d'imposition. Le hic est que cette augmentation est marginale pour l'immense majorité des « nantis », nonobstant ce que certains alarmistes tentent de nous faire croire. On laisse même croire qu'une personne gagnant plus de 130 000 $ travaillera moins pour éviter d'être surtaxée. Pourtant, les nouveaux paliers d'imposition seraient de 4 % additionnels pour une tranche de revenus entre 130 000 et 250 000 $ et de 7 % additionnels (par rapport à aujourd'hui ou +3% par rapport au 4% du pallier précédent) pour la tranche supérieure à 250 000 $. Autrement dit, quelqu'un qui déclare 130 000 $ ne paiera absolument rien de plus, même qu'il s'enrichira par rapport à ce que prévoyait le dernier budget Bachand (-200 $). Pour quelqu'un qui gagne 140 000 $ (imposable), c'est le montant supérieur à 130 000 $ (donc ici 10 000 $) qui sera imposé à 4 % de plus. Pour cette personne, ce serait donc une augmentation de 400 $. Mais pour ce cas précis, il faut considérer l'abolition de la taxe santé (-200 $), ce qui signifie une augmentation de seulement 200 $ (ou 50 cents par jour pour ceux qui aimaient rappeler le montant de la hausse des frais de scolarité pour l'année 2012). Si cette personne a une conjointe qui gagne moins de 130 000 $, l'augmentation d'impôt n'aura aucun effet sur les finances du couple puisque la conjointe épargnera aussi 200 $ grâce à l'abolition de la taxe santé (la hausse d'impôt ne touche que le salaire individuel et non le salaire du couple). Pour quelqu'un gagnant 200 000 $ annuellement en revenu imposable, ce sera 70 000 $ qui sera taxé à quatre points de pourcentage additionnels, ce qui donne 2 600 $ d'augmentation après avoir soustrait la taxe santé.

Et encore faut-il le mentionner : ceci est le salaire imposable. De nombreux commentateurs sont venus à la télévision pour dénoncer la hausse d'impôt en parlant de leurs amis ou de leurs conjoint(e)s qui gagnent 150 000 $ grâce à leur travail acharné et qu'ainsi ils seront pénalisés pour avoir travaillé fort. Le hic encore une fois est qu'à moins d'avoir un comptable particulièrement incompétent, cette personne ne paiera pas un sou supplémentaire dans son prochain rapport d'impôt. Une personne peut très bien gagner 180 000 $ et diminuer son revenu imposable à 130 000 $ grâce à de nombreuses (et généreuses) déductions, notamment les RÉER, les CÉLI (Compte d'épargne libre d'impôt, donc complètement à l'abri de l'impôt) et les REÉÉ, pour ne nommer que celles-ci. Pour qu'une personne gagnant 150 000 $ observe une augmentation de son impôt payé, il faudrait qu'elle soit particulièrement mal conseillée ou qu'elle réalise son rapport d'impôt elle-même sans connaître les déductions possibles.

Donc, pour reprendre le cas d'un individu qui déclare 200 000 $ en revenu imposable, le salaire brut sera probablement davantage dans l'ordre du 250 000 $. Il paierait donc 2 600 $ de plus, ce qui représente 1 % de son revenu total. Ce n'est pas rien, mais loin d'être la saignée tant décriée. D'autant plus que le gouvernement Charest, lors des élections 2007, avait reçu du gouvernement fédéral un transfert additionnel de 1,25 milliard de dollars, qu'il a immédiatement utilisé pour baisser les impôts... avant de finalement hausser les tarifs d'électricité, d'ajouter la taxe santé, d'augmenter les frais de scolarité et les autres taxes qu'a eu à absorber la classe moyenne pour cette baisse d'impôt. Peu de chroniqueurs se sont déchirés la chemise pour ces mesures, bien au contraire, la plupart trouvaient tout à fait normal par exemple qu'un étudiant gagnant 10 000 $ annuellement paie 1775 $ de plus annuellement pour étudier. Aujourd'hui, on s'époumone contre le fait qu'une personne ayant étudié aux frais de l'État et qui gagne aujourd'hui 200 000 $ (et disons 175 000 $ en revenu imposable) doive payer 1 600 $ de plus... On dénonce la potentielle fuite de cerveaux alors qu'on applaudissait une hausse des frais de scolarité qui en aurait découragé plus d'un d'étudier!

La taxation de 75 % sur les gains en capital (qui ne sera vraisemblablement pas appliquée de manière rétroactive) peut paraître énorme, mais est en réalité raisonnable. Ce n'est pas 75 % des gains qui vont être repris par l'État, c'est 75 % des gains qui devront être ajoutés à vos revenus imposables. Vous faites un gain de 100 000 $ pour la vente d'un chalet, vous devrez déclarer 75 000 $ additionnels à votre revenu imposable. Pour quelqu'un qui gagne 50 000 $ annuellement, le gain en capital demeure largement plus intéressant que son propre salaire.

Outre la rétroactivité des hausses, la véritable problématique derrière cette hausse d'impôt est davantage qu'elle risque de manquer sa cible, non pas parce que de nombreux riches quitteront le Québec, mais plutôt parce que de nombreuses déductions leur permettront de mettre leur revenu à l'abri de l'impôt. 600 millions sur papier grâce à l'ajout de deux paliers pourraient bien s'avérer être 400 millions en réalité. Il faudra couper dans les dépenses, ce qu'heureusement le PQ a promis en affirmant vouloir freiner la croissance des dépenses. Malgré tout, il faudra considérer le transfert d'une partie du fardeau fiscal vers les mieux nantis comme une mesure nécessaire à court terme, tout en visant une diminution du gaspillage à moyen et long terme. La plupart des mieux nantis ont été supportés à un moment ou un autre par l'État (généreuses subventions à leurs entreprises, faible taxation des entreprises, employés par l'État, juteux contrats gouvernementaux, formation universitaire payée par l'État, etc.) et leur demander de revenir à un taux d'imposition similaire à l'avant 2007 pour la plupart de ceux-ci n'est pas déraisonnable, pourvu que le gouvernement s'engage également à faire son bout de chemin. En allégeant le fardeau de la classe moyenne, celle-ci dépensera plus, ce qui aidera à stimuler notre activité économique et contribuera à la croissance économique du Québec (ce dont nous avons bien besoin). Oui, certains « riches » travaillent fort, tout comme certains « pauvres » et certains membres de la classe moyenne. Ce n'est pas de diaboliser les « riches » que de dire qu'il faut maintenant trouver 2 milliards de dollars et que malheureusement l'argent ne pousse pas dans les arbres!

Les promesses du PQ

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