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La tarification du carbone n'est pas une solution de libre marché

Dans une récente chronique, Stephen Gordon accuse les conservateurs de «gaspiller ce qui leur reste de capital intellectuel sur le plan économique» en s'opposant à une taxe fédérale sur le carbone ou à une bourse du carbone. Un parti favorable aux solutions de marché devrait au contraire, selon lui, promouvoir ces «politiques fondées sur le marché». Permettez-moi de ne pas partager cet avis.
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Dans une récente chronique intitulée « Conservatives are dismantling their credibility in economics by campaigning against carbon pricing » publiée dans le National Post du 1er août dernier, Stephen Gordon accuse les conservateurs de « gaspiller ce qui leur reste de capital intellectuel sur le plan économique » en s'opposant à une taxe fédérale sur le carbone ou à une bourse du carbone. Un parti favorable aux solutions de marché devrait au contraire, selon lui, promouvoir ces « politiques fondées sur le marché ». Permettez-moi de ne pas partager cet avis.

Tout d'abord, il y a une énorme confusion sur le sens des mots ici. Il est vrai que d'imposer un prix et de laisser ensuite les acteurs du marché s'adapter au changement de la manière qu'ils jugent appropriée est une façon plus souple et moins intrusive d'intervenir qu'une réglementation stricte qui leur dit exactement ce qu'il faut faire et comment le faire. Mais cela n'en fait pas une « politique fondée sur le marché ». Pas plus que d'imposer un salaire minimum n'est une politique fondée sur le marché simplement parce que le gouvernement permet aux entreprises de décider combien de personnes elles engageront ou mettront à pied au nouveau salaire au lieu d'imposer des quotas.

Une bourse du carbone est un marché artificiel extrêmement compliqué dont les caractéristiques de base sont toutes déterminées par l'intervention du gouvernement. Lorsque la quantité de quelque chose est déterminée arbitrairement par des bureaucrates, ou lorsque vous pouvez faire pression sur le gouvernement pour obtenir une exemption ou de meilleures conditions pour votre industrie, nous sommes très loin d'un marché.

De plus, lorsque le mécanisme de tarification est une taxe, il devrait être tout à fait évident que nous ne parlons pas d'un mécanisme réel de fixation de prix basé sur la propriété privée et le libre marché, mais d'une mesure gouvernementale. Dans le cas d'une taxe sur le carbone, presque tous les paramètres sont déterminés par le gouvernement, de son niveau arbitraire qui peut changer sans aucun lien avec l'offre et la demande, à ce à quoi elle s'applique et à ce qu'on fait avec les revenus perçus.

Les partisans de la tarification du carbone devraient donc cesser de prétendre que ces politiques sont nécessairement compatibles avec une approche conservatrice de libre marché et appeler un chat un chat. Au lieu de politiques fondées sur le marché, parlons de mesures diverses imposées par le gouvernement pour lutter contre les émissions de carbone, dont certaines peuvent être plus intrusives et d'autres plus flexibles.

Il n'y a évidemment aucun moyen d'établir des droits de propriété sur l'atmosphère de la planète, et un véritable mode de tarification des externalités que sont les émissions de carbone ne pourra donc jamais être fixé en fonction du marché. Une mesure imposée par le gouvernement est probablement la seule façon de lutter contre les émissions de carbone, tout comme on l'a fait avec les pluies acides et la protection de la couche d'ozone. Mais cela ne signifie pas que l'adoption d'une telle mesure au niveau fédéral soit la meilleure façon de procéder.

Permettez-moi de donner à M. Gordon quelques raisons pour lesquelles un conservateur favorable au libre marché ne voudrait pas que cela se produise.

La première et la plus importante est que pour avoir un impact vraiment substantiel sur le comportement des gens et, en fin de compte, sur les émissions canadiennes de carbone -- ce qui aurait malgré tout un effet à peine perceptible à l'échelle planétaire, étant donné que le Canada est responsable de seulement 1,6 % des émissions mondiales -- la taxe sur le carbone devrait être beaucoup plus élevée que 20 $ ou 30 $ la tonne. Et si elle est nettement plus élevée, elle aura un impact très négatif sur l'économie du Canada et le niveau de vie des Canadiens.

Cette alternative entre une mesure ou bien inefficace, ou bien qui aura des conséquences économiques désastreuses, est quelque chose que les partisans de la taxe sur le carbone ne reconnaissent jamais ouvertement lorsqu'ils nous parlent de façon idéalisée de politique favorable au marché. Celle-ci est simplement censée nous aider à atteindre les objectifs de réduction des émissions sans être trop coûteuse et tout en nécessitant seulement une modeste adaptation à notre mode de vie. Je trouve cette position franchement hypocrite.

Notre prospérité est, et restera pendant des décennies à venir, dépendante des combustibles fossiles dans une large mesure. Mis à part certains militants écolos extrémistes, très peu de Canadiens veulent voir leur niveau de vie considérablement réduit pour contribuer de façon négligeable à la lutte mondiale contre le changement climatique. Et il est tout à fait logique de vouloir faire croître le plus possible notre économie afin de mieux faire face aux conséquences des changements climatiques plutôt que de nuire à notre économie maintenant et de compromettre notre capacité d'adaptation dans l'avenir.

Une deuxième raison est que les provinces expérimentent déjà différents moyens de réduire les émissions. Certaines ont une taxe sur le carbone, d'autres ont une bourse du carbone, d'autres se concentrent sur la séquestration du carbone ou sur une réglementation plus directe. Plusieurs ont également des programmes pour subventionner les voitures électriques ou les énergies renouvelables qui ne semblent avoir pour effet qu'un gaspillage d'argent et une augmentation des coûts pour les entreprises et les consommateurs.

Nous verrons à mesure que le temps passe lequel de ces modèles est le plus efficace pour réduire les émissions et le moins préjudiciable à notre économie. Mais il n'y a aucune raison pour qu'Ottawa impose une autre couche d'intervention étatique sur un ensemble de politiques déjà complexes et coûteuses dont l'efficacité n'a pas encore été démontrée.

Une troisième raison est que la transition vers d'autres sources d'énergie est déjà en train de se produire, les entreprises répondant de plus en plus à la demande des consommateurs pour des produits plus respectueux de l'environnement. Le gouvernement fédéral devrait donner un coup de pouce à ce processus en réduisant les taxes, les obstacles à l'innovation et à la concurrence, et la réglementation inefficace et coûteuse. Voilà une vraie politique fondée sur le marché que les conservateurs devraient appuyer.

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