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J’ai subi une double mastectomie à cause d'un résultat positif... erroné

Vous connaissez votre corps mieux que personne. Alors, tant que les réponses et les avis que vous obtenez ne vous satisfont pas, continuez à en chercher d'autres.
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Maureen Boesen, un mois avant de recevoir les résultats de son nouveau test génétique, fière d'être porteuse de la mutation BRCA et «prévivante».
Avec l'aimable autorisation de Maureen Boesen
Maureen Boesen, un mois avant de recevoir les résultats de son nouveau test génétique, fière d'être porteuse de la mutation BRCA et «prévivante».

À 18 ans, j'ai découvert la mise en musique que Baz Luhrmann avait faite de l'essai de Mary Schmich, Wear Sunscreen. Je sentais qu'elle faisait écho à mon histoire mais, à l'époque, je n'arrivais pas à identifier le pourquoi du comment. Elle me parlait, c'est tout. Et les paroles de la chanson (Les vrais problèmes que tu rencontreras dans ta vie seront sans doute des choses qui ne t'ont jamais traversé l'esprit, du genre à te prendre par surprise à quatre heures de l'après-midi, un mardi de désœuvrement) sont devenues une réalité pour moi. Mon mardi de désœuvrement a eu lieu le 19 septembre 2018.

Les femmes qui héritent d'une mutation sur un des gènes BRCA ont 75% de risques de développer un cancer du sein au cours de leur vie, et environ 50% de risques de développer un cancer ovarien, souvent à un âge précoce.

Quatre semaines plus tôt, j'avais pris rendez-vous avec une conseillère en génétique pour dépister la mutation du gène BRCA1. Tout le monde est porteur des gènes BRCA, qui aident à éliminer les tumeurs et réparer l'ADN. Toutefois, les femmes qui héritent d'une mutation sur un des gènes BRCA ont 75% de risques de développer un cancer du sein au cours de leur vie, et environ 50% de risques de développer un cancer ovarien, souvent à un âge précoce. Je connaissais depuis longtemps ces gènes et les tests génétiques. D'ailleurs, je me croyais déjà porteuse d'une mutation du gène BRCA1 avant de passer ce test.

Ma famille présente l'un des plus grands nombres de cas documentés de cancer du sein héréditaire aux États-Unis, depuis 1863. Y compris ma mère, à qui on a diagnostiqué un cancer du sein de stade 2 à 32 ans. En raison du nombre élevé de cas de cancers mammaires et ovariens dans ma famille, nous avons participé à une étude universitaire au début des années 1990, qui a contribué à identifier la mutation de ce gène. Ma famille a été bénéfique à la communauté de la génétique en illustrant la statistique la plus parlante sur le nombre d'occurrences de cancers du sein et des ovaires, ce qui a permis de prouver le lien avec la mutation du gène BRCA1. En contrepartie, toutes les femmes de ma famille ont reçu les résultats de leurs tests génétiques.

Je n'avais que cinq ans à l'époque de l'étude, et je ne pourrais recevoir mes résultats qu'à 18 ans. Mais j'ai grandi en sachant ce qu'était cette mutation, et je pensais en avoir hérité. En troisième année de licence, j'ai décidé que j'étais prête à les recevoir.

Je me suis assise face au chercheur en génétique, très réputé pour son travail dans le domaine, qui m'a annoncé que j'étais porteuse de la mutation.

À cause de mon histoire familiale, ce résultat ne m'a pas stupéfaite, mais je n'ai pas pu m'empêcher de lui demander s'il y avait un risque que les résultats soient faux. Il m'a assuré que c'était impossible.

Je suis sortie de son cabinet et me suis juré de faire tout ce qu'il faudrait pour ne pas mourir. Ce qui a impliqué de prendre la décision courageuse de subir une double mastectomie prophylactique à 23 ans.

J'étais jeune, célibataire, et je n'avais plus de sein. Heureusement, j'ai eu la chance de ne pas avoir de complications suite à l'opération. Il était hors de question que je laisse cette mutation bouleverser ma vie. Je me suis mariée, j'ai eu trois beaux enfants et j'ai continué à vivre une vie très heureuse.

L'auteure avec sa mère, Susan Winn, en 1990, qui était en rémission après une chimiothérapie dans le cadre du traitement de son cancer du sein de stade 2.
Avec l'aimable autorisation de Maureen Boesen
L'auteure avec sa mère, Susan Winn, en 1990, qui était en rémission après une chimiothérapie dans le cadre du traitement de son cancer du sein de stade 2.

Je n'étais pourtant pas tirée d'affaire. Cette mutation génétique menaçait toujours mon appareil reproducteur. D'année en année, mes ovaires devenaient une vraie bombe à retardement. Ma grand-mère est morte d'un cancer ovarien quand elle avait une quarantaine d'années et six jeunes enfants à charge. Je refusais de subir le même sort.

Je me suis donc préparée à subir une hystérectomie totale avec salpingo-ovariectomie bilatérale, soit l'ablation des ovaires, des trompes de Fallope et de l'utérus. Je ne voulais plus d'enfants et j'approchais les 35 ans, l'âge recommandé pour être opérée quand on est porteuse de la mutation. J'avais vu ma sœur, Bridget, subir cette épreuve début 2018 et je savais que cela n'allait pas être facile. L'opération en elle-même est moins complexe qu'une mastectomie, mais peut avoir des conséquences plus graves.

En gros, vos principales sources d'œstrogène et de progestérone, deux hormones essentielles, sont supprimées. Ce qui provoque une ménopause immédiate. Ces hormones n'influent pas seulement sur le désir sexuel et la capacité de reproduction d'une femme. Elles ont un impact sur tous les types de tissus de notre corps et affectent tout notre organisme, de la santé de la peau aux capacités cognitives en passant par la mémoire.

Un traitement hormonal de substitution peut aider à atténuer les effets de la ménopause, mais la transition est souvent lente et délicate. Cette opération chirurgicale lourde sonne aussi le glas de notre période d'activité génitale et, aux yeux de nombreuses femmes, de notre féminité, puisqu'on retire les organes qui la symbolisent.

Sachant cela, j'ai entamé le processus avec prudence. J'ai commencé par aller voir une conseillère en génétique. Mon assurance demandait à voir les résultats d'un test génétique prouvant que j'étais porteuse de cette mutation avant de payer la procédure. Les résultats de l'étude ne suffisaient pas (curieusement, le chirurgien qui m'a opérée des seins ne m'avait pas demandé de passer un nouveau test). J'ai appelé la conseillère en génétique pour programmer un test dont je pensais déjà connaître le résultat.

Mais je ne m'attendais pas à la nouvelle qu'on m'a annoncée au travail quatre semaines plus tard, le mardi 19 septembre. Quand la conseillère m'a appelée, elle m'a dit: «Maureen, il faut qu'on parle.» Mon cœur s'est figé. Elle a poursuivi: «Vos résultats sont négatifs.» Je me suis assise à mon bureau et j'ai pleuré sans pouvoir m'arrêter. C'était mon mardi de désœuvrement, le sale tour auquel je ne m'attendais pas.

J'aurais aimé me réjouir de ce résultat négatif, de ne pas avoir à endurer une nouvelle opération qui bouleverserait mon existence, de reprendre possession de ma vie. Mais je n'arrivais pas à le digérer: à cause du résultat erroné de mon test, cela faisait plus de dix ans que je portais inutilement un fardeau dévastateur.

Je me suis aussitôt rendue chez Bridget. Je me suis assise dans sa cuisine et j'ai pleuré, tout en m'excusant, encore et encore, de ne pas être porteuse de la mutation. Elle m'a tenue dans ses bras, sans rien dire, pendant ce qui m'a semblé durer des heures. Puis, elle m'a regardé dans les yeux et elle m'a dit: «Ne t'excuse pas. C'est une bonne nouvelle. C'est la nouvelle qu'on a toujours rêvé d'entendre.» Elle avait raison, mais je ne pouvais m'empêcher de culpabiliser d'avoir échappé au sort qui était le sien.

J'ai soudain pris conscience que, si cela m'affectait autant, cela affecterait mes parents de la même manière. Ils étaient en Chine à ce moment-là et c'était le milieu de la nuit pour eux, mais ils devaient savoir ce qui m'arrivait et j'avais besoin de leur soutien. Quand j'ai annoncé la nouvelle à ma mère, encore plongée dans un demi-sommeil, elle n'a pu me dire que: «Qu'est-ce que tu racontes?» Je ne peux pas lui en vouloir. Toute cette histoire était si hallucinante qu'il n'y avait pas de bonne façon de réagir.

Mon mari s'est montré beaucoup plus pragmatique que nous. «Pourquoi n'es-tu pas plus soulagée?» m'a t-il demandé. «Parce que je suis sous le choc!», lui ai-je répondu.

Il avait raison: j'aurais dû sauter de joie dans la rue. Alors, pourquoi n'était-ce pas le cas? Parce que j'étais abasourdie, totalement incrédule, que je ne pouvais m'empêcher de repenser à l'année 2008, quand j'avais regardé le chercheur dans les yeux pour lui demander s'il existait le moindre risque que les résultats soient faux. Il m'avait assuré que non, et il avait tort.

Découvrir que je n'étais pas porteuse d'une mutation sur le gène BRCA1 a été plus bouleversant et plus accablant que découvrir que je l'étais.

Je ressentais tellement d'émotions en même temps, de la confusion, de la tristesse, de la colère, de l'anxiété, de la déprime, du soulagement. J'aurais aimé me réjouir de ce résultat négatif, de ne pas avoir à endurer une nouvelle opération qui bouleverserait mon existence, de reprendre possession de ma vie. Mais je n'arrivais pas à le digérer: à cause du résultat erroné de mon test, cela faisait plus de dix ans que je portais inutilement un fardeau dévastateur.

Et j'avais pris des décisions importantes — comme celle de subir une double mastectomie — en me fondant sur un résultat positif erroné. À cause de lui, je n'ai pas eu la possibilité d'allaiter mes enfants, et cela m'avait brisé le cœur.

Maureen Boesen lors d'une visite de suivi post-mastectomie à l'University of Kansas Cancer Center.
Avec l'aimable autorisation de Maureen Boesen
Maureen Boesen lors d'une visite de suivi post-mastectomie à l'University of Kansas Cancer Center.

En plus, j'étais déchirée intérieurement: j'avais passé toute ma vie à me considérer, non pas comme une survivante, mais comme une «prévivante», et je portais cette identité en étendard. Depuis toujours, j'étais fière de raconter cette histoire, d'avoir fait partie de l'étude, de faire bouger les choses. Mais qui étais-je vraiment? Je me suis posé plein de questions. Étais-je vraiment non porteuse de la mutation BRCA1? Le deuxième test était peut-être faux. Est-ce que je devrais en faire un troisième? Un quatrième? Est-ce que le résultat de mon premier test était vraiment erroné? Est-ce qu'on avait échangé mon sang avec celui de quelqu'un d'autre? Y avait-il eu une erreur en reportant le résultat?

J'avais besoin de réponses

C'est un avocat spécialisé dans les erreurs médicales qui m'a répondu le plus rapidement. Je lui ai expliqué la situation et, comme la plupart des personnes qui savaient ce que je traversais, il s'est montré compatissant. Malheureusement, aucun recours juridique n'était possible. Dans l'État du Nebraska, le délai de prescription pour les erreurs médicales est de dix ans, et j'avais reçu mes résultats dix ans et trois mois plus tôt. À 12 semaines près, je ne pouvais plus intenter de poursuites.

En réalité, j'étais soulagée de ne pas avoir le choix d'entreprendre ou non une action en justice. Je n'étais pas prête à prendre une telle décision. J'étais trop à fleur de peau. Mon jugement était trop confus.

J'ai essayé de demander des comptes à l'université, en vain. En désespoir de cause, j'ai fini par envoyer un courriel au doyen de la faculté de médecine. Peu après, j'ai reçu une réponse du département de la gestion des risques de la faculté, m'annonçant qu'ils examinaient ma demande.

J'avais plus l'impression d'être un risque à maîtriser qu'un être humain. C'était extrêmement démoralisant, surtout parce que j'avais fait mes études dans cette fac. Quatre longs mois plus tard, l'établissement m'a confirmé ce que j'espérais et redoutais en même temps: je n'étais pas porteuse de la mutation du gène BRCA1.

Des tests supplémentaires, financés par l'université, ont montré qu'il n'y avait pas eu de méprise avec les échantillons de sang. L'ADN qu'ils avaient testé au début des années 1990 était bien le mien. En outre, deux laboratoires de tests génétiques ont effectué des vérifications à partir d'un nouvel échantillon de mon sang et n'ont pas détecté de mutation.

[Les tests génétiques] deviennent si courants que les gens peuvent désormais se tester tout seuls, chez eux, et recevoir les résultats par courriel quelques semaines plus tard. Mais ils sont complexes et pas toujours fiables. Quand c'est le cas, ils peuvent avoir des conséquences traumatisantes.

J'ai fini par accepter le nouveau résultat, mais de nombreuses questions restent sans réponses. Je ne sais toujours pas pourquoi on m'a donné un résultat positif il y a dix ans. L'université poursuit son enquête sur cet incident et promet d'informer toutes les personnes qui pourraient avoir été concernées.

Le risque des tests génétiques

Outre les ondes de choc que cette expérience a provoquées dans ma vie, elle m'a aussi ouvert les yeux sur l'univers des tests génétiques et m'a fait réfléchir. Ils deviennent si courants que les gens peuvent désormais se tester tout seuls, chez eux, et recevoir les résultats par courriel quelques semaines plus tard. Mais ils sont complexes et pas toujours fiables. Quand c'est le cas, ils peuvent avoir des conséquences traumatisantes.

Si j'ai appris une chose de toute cette histoire, c'est qu'il faut se faire l'avocat de sa propre santé.

Avec le recul, je me rends compte que j'ai accordé une confiance aveugle à ce chercheur réputé. Pourquoi en aurait-il été autrement? Je n'avais aucune raison de me méfier de lui, de ses recherches ou de la communauté médicale. Pourtant, au fond de moi, une petite voix m'a toujours dit: et s'il se trompait? Je l'ai donc regardé dans les yeux et je lui ai demandé s'il était sûr et certain des résultats. J'ai plaidé ma cause, et il m'a répondu d'une manière qui ne laissait pas la moindre place au doute. Mais il se trompait.

Si je pouvais remonter le temps pour me donner un conseil, je me dirais d'écouter cette petite voix intérieure, jusqu'à être aussi sûre de ces résultats que l'était ce chercheur.

Il est capital d'avoir toute confiance en votre médecin, mais il est également essentiel d'écouter votre instinct: les médecins peuvent se tromper et des résultats de tests peuvent être faux. Vous connaissez votre corps mieux que personne. Alors, tant que les réponses et les avis que vous obtenez ne vous satisfont pas, continuez à en chercher d'autres.

L'auteure, avec sa mère et sa fille, Susie, en 2017.
Avec l'aimable autorisation de Maureen Boesen
L'auteure, avec sa mère et sa fille, Susie, en 2017.

Ce blogue a d'abord été publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Laure Motet pour Fast ForWord.

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