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Papa l'Ironman

Il y a cinq ans, papa a décidé de se prendre en main. Papa partait de loin. Ce fut d'abord le vélo. Puis la course. Et finalement la natation. L'idée d'un triathlon. Et rapidement celle d'un Ironman.
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Il y a cinq ans, papa a décidé de se prendre en main.

Papa partait de loin.

Ce fut d'abord le vélo.

Puis la course.

Et finalement la natation.

L'idée d'un triathlon.

Et rapidement celle d'un Ironman.

Pour ses 50 ans. Au mois d'août 2016.

Ce fut le début d'une série de courses.

2016 m'a toujours semblé loin.

Mais souvent cette image m'apparaissait, meublait mon imaginaire: celle de papa qui franchissait la ligne d'arrivée de son Ironman.

Celle de papa, mon papa, qui réussissait, qui allait au bout de ce rêve, au bout de son projet.

Je l'imaginais pleurant, souriant, criant, parfois titubant, mais jamais ne m'est venue l'idée de son abandon.

J'ai su, dès la première fois qu'il m'en a parlé, les yeux pleins de vie, quand j'avais 15 ans et qu'il en avait 45, qu'il irait jusqu'au bout.

Je savais que par sa simple volonté, il venait de rendre cet immense exploit, à première vue surhumain, soudainement accessible, réalisable, à sa portée.

Je ne connais pas tout de mon père.

Mais je connais sa force mentale.

Je la sais inébranlable.

Cette arrivée, cette dernière ligne droite, je sais qu'il se l'est imaginée souvent, que l'image de ce rêve l'a accompagné pendant ces cinq années d'entrainement et particulièrement quand tout menaçait de foutre le camp.

Je n'ai pas pu le voir au départ de la nage ni avant.

C'est à la fin de son épreuve de vélo que je l'ai aperçu pour la première fois. Déjà un peu changé. Déjà un peu nouveau. J'ai réussi à lui taper dans la main avant son départ pour la course, l'épreuve ultime. Sur papier le gros était fait. 3,8 km de nage et 180 km de vélo, mais dans les faits, le plus dur était encore devant. 42 km de course. Un marathon.

Malgré sa froideur et sa moiteur, la main qu'il m'a tendue était toujours bien celle de l'homme à la force mentale inébranlable. Mon monument de père. Mon plus vieil et mon plus grand ami.

Je l'ai recroisé au 22e kilomètre.

20 kilomètres avant l'arrivée.

20 kilomètres avant l'apogée des cinq années de son périple fou, mais pourtant pas si fou.

20 kilomètres avant de gagner son pari.

20 kilomètres avant de savourer vraiment et pleinement son cadeau d'anniversaire.

Sa médaille d'or olympique.

Si près, mais si loin à la fois.

La course qui s'avèrera être la plus exigeante de toute sa vie.

Un peu plus de deux heures plus tard, avec plus de 15 heures (et cinq ans) dans les jambes, les bras, les pieds, la tête: la dernière ligne droite.

Les derniers mètres.

Les derniers pas du voyage.

Quand je l'ai vu arriver au loin, j'ai été envahi d'une fierté immense.

Immense.

Il s'est agenouillé sur la ligne d'arrivée et il a posé son front sur le sol.

Il est resté dans cette position un moment.

Mais quel grand moment!

Quelques secondes. Pour savourer pleinement.

Un peu plus tard, j'ai pu le serrer dans mes bras.

Papa l'Ironman.

Ironman ému. Vidé. Si fragile et si fort à la fois. Épuisé.

Les yeux rougis par les larmes.

Émotif.

Papa émotif.

Papa sensible.

Voilà,

C'est bien de là qu'il la puise, sa force immense.

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