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Femme piégée dans un corps d'homme, je me suis cachée pendant 50 ans

Pendant cinquante ans, j'ai caché qui j'étais. La société qui n'aime que la normalité, comprenez celle du plus grand nombre, m'imposa mon genre. Pour elle, le sexe conditionne le genre, qui lui-même engendre des comportements adaptés, fondés sur la reproduction.
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Pendant cinquante ans, j'ai caché qui j'étais. La société qui n'aime que la normalité, comprenez celle du plus grand nombre, m'imposa mon genre. Pour elle, le sexe conditionne le genre, qui lui-même engendre des comportements adaptés, fondés sur la reproduction.

Des «Moi», j'en avais deux, dissonance mortifère, cauchemar d'analyste, lutte fratricide, choix impossible. Alors la société a choisi pour moi, car la société doit savoir, pour nous classifier. Classée garçon par le sexe, je devais être garçon par le genre, il n'y avait pas à discuter. Une partition de mâle me fut confiée pour que je l'apprenne et que je la joue de mon mieux. Encadrée par les lois et les règles sacrées, je n'avais plus de choix.

Garçon, je l'ai été et plus fort que les autres, car derrière cette virilité exacerbée, je protégeais cet autre «moi» qui, malgré son enfermement, continuait de grandir, habitée par l'espoir qu'un jour elle pourrait s'exprimer. De sa prison vivante, elle va me montrer mes contradictions, celles que je ne veux pas voir. Rebelle, elle me poussera au bout de mes dogmes, jusqu'à ce que je les renie, au point de disparaître.

Par amour, j'ai dit mon mal-être et par amour, ma compagne d'alors m'a soutenue et encouragée pour que je prenne enfin ce train, vers la gare de l'autre genre, destination : Bonheur. Je partais vers l'opération qui me permettrait d'être heureuse, d'être moi et qu'importe le risque, car je suis sûre qu'il vaut mieux ne pas être, plutôt qu'être ce que l'on n'est pas.

Boules de flipper, nos vies sont souvent chaotiques. Nous descendons la pente vers une sortie inévitable, rebondissant de bumper en bumper; les plus habiles, d'un coup de flipper remontent au point de départ et réinitialisent leur descente. Les plus chanceux héritent d'une boule supplémentaire. Ce fut mon cas : nouveau jeu, nouvelle vie, nouvelles règles.

Cette partie, je ne pensais pas la raconter et puis, en l'écrivant pour mémoire personnelle, je me suis dit que si elle était exception, elle pourrait aussi devenir exemple, permettant à celles et ceux qui vivent piégés dans un corps qui n'est pas le leur de garder espoir, que la société peut changer, qu'elle doit s'adapter.

Dans ce livre, si je parle de souffrances et de détresse, je parle aussi d'amour et de joies, car Choisir de vivre est positif, témoignage d'une victoire sur l'interdit. Je souhaite que, par ce récit romancé, mes lecteurs acceptent plus facilement les différences et comprennent, je l'espère, qu'il n'y a pas de normes en ce qui concerne l'humain. Et tant pis si je dois chagriner les esprits les plus fermés.

Le bonheur est souvent facile à atteindre si nous ne mettons pas entre lui et nous des pièges sociaux ou religieux qui nous le rendent inaccessible. C'est ma certitude.

Croyant raconter ce que l'on a vécu, on raconte ce que l'on a ressenti. C'est peut être faux, bien que tout soit vrai. Ce sont les limites d'une autobiographie. Choisir de vivre est un roman, même si le vrai apparaît souvent au fil des pages.

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