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Non, Alexis Tsipras n'est pas souverainiste

Ce que certains voient comme le symbole de la révolte des nations n'est rien d'autre que la confrontation classique entre deux positions économiques.
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Dans le tumulte des dernières semaines lié au psychodrame grec (qui se poursuit à l'heure où nous écrivons ces lignes), beaucoup de choses, souvent contradictoires, ont été écrites. Mais les réactions les plus surprenantes sont venues des souverainistes, notamment à droite, qui ont vu en Alexis Tsipras le héros de leur cause. Il y a dans cette appréciation trois grands malentendus à nos yeux.

Premier malentendu : Alexis Tsipras serait le défenseur des nations face à la pieuvre technocratique européenne.

Affirmer cela revient pourtant à se méprendre sur l'idéologie qui motive le premier ministre grec. Le combat de Tsipras n'est pas dirigé contre l'Europe post-nationale mais contre l'Europe de l'austérité. Fondamentalement européiste (malgré la présence au sein de son gouvernement de représentants de la droite souverainiste grecque), il s'en prend à la ligne dominante au sein de l'UE qui est celle de la rigueur budgétaire.

Cette ligne part du constat que pour que le projet européen fonctionne, il faut favoriser la convergence entre les membres de l'UE. Et pour favoriser cette convergence, il faut des règles applicables à tout le monde, notamment en matière de maîtrise budgétaire. Ce fut l'esprit du Pacte de stabilité et de croissance adopté lors du Conseil européen d'Amsterdam en 1997, puis du pacte budgétaire européen signé en 2012.

Bien qu'elles soient le fruit du bon sens (i.e. la bonne gestion d'un pays), ces règles mettent en évidence un des vices fondamentaux de la construction européenne: l'impossibilité de fixer des règles communes à des pays dont le niveau de vie et la culture diffèrent radicalement. La crise grecque est moins la démonstration des dérives de l'austérité que des difficultés posées par le projet européen de réunir des nations qui n'ont parfois rien en commun. Ce n'est pas un hasard si le général de Gaulle, qui défendait une Europe des nations, se montrait très sceptique vis-à-vis de l'élargissement. Ce fut l'erreur fondamentale dont nous payons encore le prix.

Tsipras, issu de l'extrême gauche universaliste et antinationaliste (cf. ses positions en faveur de l'immigration), s'en prend donc à l'austérité et non pas à l'Union européenne en tant que telle. Ce que certains voient comme le symbole de la révolte des nations n'est rien d'autre que la confrontation classique entre deux positions économiques: la rigueur budgétaire d'un côté, la relance par l'investissement de l'autre.

À cet égard, dire, comme certains le font, que Tsipras remet de la politique au sein de l'UE est contestable: sa bataille est exclusivement économique, même s'il enveloppe cela dans des grands discours sur la démocratie. Rappelons qu'il est conseillé dans sa négociation avec la troïka par... le banquier français Matthieu Pigasse, qui n'est pas réputé pour son souverainisme intransigeant.

Deuxième malentendu : il faudrait accorder à la Grèce ce que l'on a accordé à l'Allemagne en 1953.

Une position défendue par Thomas Piketty notamment, dans une interview au journal allemand Die Zeit: «L'Allemagne est le pays qui n'a jamais remboursé ses dettes. Elle n'a aucune légitimité à faire la leçon aux autres nations».

Mais, comme le rappelait Jean-Louis Bourlanges il y a quelques mois, la situation de l'Allemagne à cette époque n'avait rien à voir avec celle de la Grèce aujourd'hui: elle s'engageait dans un programme sévère d'assainissement de ses comptes publics et ne prévoyait pas, comme la Grèce de Tsipras, de persister dans la voie de la dépense publique inconsidérée. La différence est de taille!

Rappelons que l'Allemagne, comme les créanciers de la Grèce, consentent à accepter une restructuration de la dette grecque, mais à la condition de réformes qui garantissent au pays un avenir un peu moins sombre.

Troisième malentendu, brillamment rappelé par Guillaume Perrault dans Le Figaro: la cause de la Grèce serait aussi la nôtre.

Le referendum grec est parfaitement légitime (et même courageux à certains égards) mais il engage la Grèce, et la Grèce seule. Autrement dit: quels sont les intérêts de la France dans le combat de Syriza? Soutenir Tsipras et prendre le risque de faire payer aux Français les irresponsabilités grecques? Ou bien encourager la Grèce à prendre ses responsabilités et faire un choix entre rester dans la zone euro, et donc comprendre que ses décisions économiques ont un impact sur les autres pays, ou sortir de la zone euro et prendre enfin son destin en main?

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