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Rémunération du secteur public: un grand manque de rigueur

Sur le plan de la rémunération globale, parler d'un « rattrapage » de l'administration publique québécoise face au secteur privé est un grand manque de rigueur. Rigueur qui est pourtant de mise pour tous les intervenants du débat public, en particulier à l'approche de très importantes négociations dans le secteur public.
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Les syndicats du secteur public réclament un rattrapage salarial par rapport au secteur privé. J'ai le plus grand respect pour les personnes qui s'organisent pour défendre leurs droits et leurs intérêts : c'est même devenu ma profession. Toutefois, s'il est une chose que je répète souvent, c'est que toute intervention publique doit être empreinte d'une grande rigueur. Dans ce cas-ci, la rigueur nécessaire n'est pas au rendez-vous.

Que disent les syndicats du secteur public? Officiellement, leur communiqué de presse indique ceci : « En novembre dernier, l'ISQ statuait que le retard de la rémunération globale du secteur public était de 8,3 % envers les autres salariés, pour des emplois comparables. Cette injustice doit être corrigée. ». Daniel Boyer, porte-parole du Front commun, précise ainsi : « Il y a un retard des salaires dans le secteur public de 8,3 % par rapport au secteur privé et bien sûr nos demandes vont viser un certain rattrapage. »

Ainsi, tout le Québec comprend qu'une source fiable, l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), aurait établi que les employés du secteur public sont globalement moins bien rémunérés que les Québécois ne travaillant pas dans le secteur public. Et, hop, le mot « rattrapage » s'infiltre dans tous les esprits.

Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mais il y a un glissement important entre les mots du communiqué officiel et les propos cités du porte-parole. On passe d'une comparaison avec « les autres salariés » à une comparaison avec le « secteur privé ».

Pourquoi est-ce important? Parce que l'étude de l'ISQ ne dit pas du tout que le secteur public québécois est en retard de 8,3 % face au secteur privé sur le plan de la rémunération globale. Tout est question de définitions... L'étude fait une comparaison avec les « autres salariés », qui incluent autant le « secteur privé » que le secteur « autre public », à savoir les sociétés d'État, les municipalités, les universités et les entreprises fédérales, notamment.

L'administration publique québécoise à parité avec le secteur privé!

Au contraire, l'étude de l'ISQ indique en toutes lettres que: « La rémunération globale des employés de l'administration québécoise est à parité par rapport à celle des employés du secteur privé et en avance avec celle de l'ensemble des non-syndiqués et ceux du secteur privé (respectivement de 7,4 % et de 9,4 %) ». L'ISQ ajoute : « Les heures de présence au travail [...] sont donc moins nombreuses dans l'administration québécoise. » Oups!

Mais comment la même étude peut-elle affirmer en même temps que « l'administration québécoise affiche un retard de 8,3 % face à l'ensemble des autres salariés québécois sur le plan de la rémunération globale »? Simplement en raison de ceci : « Un retard est également noté par rapport au secteur « autre public » (-28,8 %) ». Ainsi, le rattrapage demandé par l'administration québécoise viserait d'abord et avant tout les autres employés du secteur public qui sont mieux payés qu'eux, et non le secteur privé.

Cela change considérablement la perspective. On assisterait donc davantage à un débat « intrapublic » que « public-privé ». Chose certaine, sur le plan de la rémunération globale, parler d'un « rattrapage » de l'administration publique québécoise face au secteur privé est un grand manque de rigueur. Cette rigueur est pourtant de mise pour tous les intervenants du débat public. En particulier à l'approche de très importantes négociations dans le secteur public au Québec.

À la décharge du porte-parole du Front commun, la citation qui lui est attribuée dans ce billet parle de « salaires » et non de « rémunération globale ». Il est exact que le salaire des employés de l'administration québécoise est en retard d'environ 8 % face à celui des salariés de l'échantillon du secteur privé présenté dans l'étude de l'ISQ. Ceci me permet conclure en précisant que la notion de rémunération globale, qui inclut les divers avantages, devrait être la seule utilisée dans ce débat.

Je m'engage évidemment à corriger toute erreur factuelle qui pourrait s'être glissée dans ce billet.

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