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Des demandes irréalistes de la part des infirmières? Au contraire…

Mon constat est que notre système de santé n’est pas malade… il est mourant!
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La surcharge de travail chez les infirmières n'est pas chose nouvelle. Or, que notre premier ministre et notre ministre de la santé (tous les deux médecins depuis longue date, rappelons-le) demandent aux infirmières de trouver eux-mêmes des solutions nous démontre peut-être qu'ils ne sont pas aptes à prendre des décisions pour le domaine de la santé. Des solutions, nous leur en avons donné plusieurs, mais devant les caméras ils semblent vite les avoir oubliés. Où sont-ils pour être si éloignés de la réalité des infirmières? Pour être si aveugles face à ce qui se passe dans le système de santé?

Il n'est pourtant pas compliqué de réaliser à quel point le système de santé est malade. Regardons juste le cas de la jeune Émilie Ricard (la relève déjà à bout de souffle) qui doit s'occuper du mieux qu'elle peut d'une centaine de patients en CHSLD. Comment est-il possible de prodiguer des soins de santé sécuritaires et humains dans de telles conditions? Et ceci n'est que la pointe de l'Iceberg.

Les coupes budgétaires des dernières années ont fait en sorte que les infirmiers et infirmières doivent constamment composer avec un manque d'employés de soutien (pas d'argent ils disent). Déjà que nous sommes surchargés par des ratios de patients par infirmière beaucoup trop élevés et dangereux, nous devons en plus faire le travail de d'autres? Maintenant, vous nous demandez de trouver des solutions à votre place? Parfaits messieurs! Je vais aussi devoir faire votre travail, semblerait-il.

La question des ratios de patients par infirmière

Cette question est l'enjeu même de la surcharge de travail chez les infirmières. La médecine a grandement évolué depuis quelques années. Résultat, les gens vivent plus longtemps, mais avec de plusieurs comorbidités qui rendent leurs cas plus complexes et plus lourds à soigner. Pourtant, les ratios de patients par infirmières sont pratiquement les mêmes qu'avant ces avancées médicales, ils ne tiennent pas du tout compte de la lourdeur des patients et de la capacité de l'infirmière de prodiguer des soins sécuritaires (ces ratios restent pareil, même en temps supplémentaire obligatoire). Or, tout ce que nous demandons est de revoir ces ratios à la baisse. Ce n'est pas d'hier que nous demandons de les diminuer, mais cette demande a constamment été refusée, faute de budget, disent-ils. Pourtant, cette solution est viable.

Les ratios élevés coutent cher

Il est prouvé que plus une infirmière a de patients, plus il est probable qu'elle commette des erreurs. Non pas parce qu'elle n'est pas compétente, mais bien parce que les soins qu'elle doit prodiguer aux patients demandent plus de temps que ce qu'elle peut humainement en donner. Plus le ratio est élevé, plus le risque de morbidité et de mortalité et de transmission d'infections nosocomiales augmente. Ces risques augmentent encore plus avec le temps supplémentaire.

Il est prouvé que plus une infirmière a de patients, plus il est probable qu'elle commette des erreurs.

Imaginez qu'une infirmière surchargée commette une erreur bien malgré elle. Ceci peut coûter des dizaines de milliers de dollars si l'hospitalisation du patient est prolongée. Pire encore que les coûts financiers... les coûts humains. Des décès auraient être évités si ces ratios étaient moindres. Les conditions de travail actuelles amènent l'infirmière à vivre sans cesse avec le stress de commettre une erreur et de devoir vivre avec les conséquences de ses actes.

Pour ce qui est du temps supplémentaire obligatoire, ces ratios coûtent cher, très chers. Lorsqu'une infirmière applique pour un département plus lourd, celle-ci se heurte à des ratios littéralement dangereux (surtout à l'urgence). Évidemment, celle-ci ne prendra pas le poste. C'est carrément de jouer à la roulette russe avec notre licence et je la comprends de ne pas rester. Résultat, la rétention du personnel est déficiente et le peu de personnel qui reste sur place est constamment surutilisé jusqu'à épuisement. S'en suit un cercle vicieux qui alimente le temps supplémentaire obligatoire. Former une infirmière sur un département est dispendieux et le temps supplémentaire l'est tout autant.

Une mesure économique

Eh oui! Moins de morbidités, moins de mortalités, moins d'infections nosocomiales! Ceci se chiffrerait en plusieurs millions en économie. De plus, la rétention du personnel se verrait augmentée, entraînant là aussi des dépenses en moins. Il y aurait également plus d'application sur les postes à temps plein. La Californie a déjà effectué un tel virage avec un succès phénoménal, pourquoi pas le Québec?

Une mesure humaine

N'oublions pas que nous soignons des gens et non des statistiques (comme le voudrait Barrette). Une telle mesure nous permettrait de soigner votre mère, votre père, de manière adéquate et sécuritaire. Après tout, qui a envie de voir un membre de sa famille souffrir parce que l'infirmière doit être partout en même temps.

Moins de dépression, d'épuisement professionnel et de suicide.

Aussi, les répercussions sur la santé des infirmières seraient notables. Moins de dépression, d'épuisement professionnel et de suicide. Ne revivons pas la crise des suicides de 2010 où plusieurs infirmières du CHUQ s'étaient enlevé la vie en l'espace d'un an.

Mon diagnostic

Encore une fois, je vais faire le travail du ministre puisque le diagnostic ne fait pas partie de mon champ de pratique.

Avril 2018

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Or, des interventions immédiates sont requises si on veut pouvoir le sauver avant qu'il soit trop tard. Il serait bien temps de revoir ces ratios à la baisse avant que les infirmières délaissent la profession en grand nombre.

Est-ce que le ministre choisira la voie de la guérison ou donnera-t-il le coup de grâce à ce système déjà fragilisé?

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