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Les conséquences stratégiques de l'accord de Minsk 2 pour l'Ukraine

Les nouveaux accords de Minsk sont un véritable camouflet pour l'Ukraine, qui a été forcé de faire les compromis tant politiques que sécuritaires les plus drastiques et devra en quelque sorte payer pour récupérer le Donbass.
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Le 11 Février, les présidents Vladimir Poutine, Petro Poroshenko, François Hollande et la Chancelière allemande Angela Merkel se rendaient à Minsk, avec les représentants de l'OSCE et les « autorités » politiques des « Républiques Populaires » du Donetsk et de Lougansk, pour ce qui était considéré comme le sommet de la « dernière chance » visant à arracher un plan de règlement du conflit dans le Donbass et la crise en Ukraine. Après plus de 16 longues heures de tractations intenses, les quatre dirigeants ont finalement annoncé, dans la matinée du 12 Février, la signature d'un accord de cessez-le-feu ainsi que d'un document en 13 points de règlement politique et sécuritaire du conflit, sorte de feuille de route visant ultimement à un accord de paix global dans le Donbass.

Dès le départ, l'intérêt premier de ce nouveau sommet était de remettre à plat les accords initiaux de Minsk, datant du 19 septembre 2014, et en renégocier le contenu. C'est dont l'échec de Minsk 1 qui a consacré la signature le 12 février 2015 de l'accord Minsk 2, qui avantage encore une fois considérablement la Russie et profite largement aux forces séparatistes du Donbass. Il convient par conséquent de décrypter le contenu exact de l'accord, à la fois politiquement et militairement, afin d'en tirer la conclusion qui s'impose:

En matière de concessions et de compromis diplomatiques, l'Ukraine est le grand perdant des accords de Minsk.

L'Article 4 du plan de route prévoit l'organisation sous législation ukrainienne d'élections locales dans les territoires occupés du Donbass et la mise en place d'un régime ou statut spécial à l'intérieur des deux « Républiques populaires ». Il s'agit ici d'autant d'inconvénients - si ce n'est une défaite - pour l'Ukraine dans le sens où Kiev doit désormais modifier sa constitution afin de prévoir un statut spécial pour les « Républiques » du Donbass. Par conséquent, Kiev est implicitement obligé de reconnaître l'existence des représentants de Lougansk et Donetsk comme des autorités quasi légitimes (étant donné qu'ils sont signataires de l'accord du 12 Février dans le cadre du Groupe de Contact de l'OSCE) et de reconnaître implicitement l'existence de facto des territoires de l'est.

De plus, Minsk 2 sanctifie le concept de décentralisation de l'État ukrainien, une réforme importante prévue dans le « paquet de réformes" mais que le gouvernement freine des deux pieds afin d'éviter une dilution de l'autorité politique nationale. La Constitution ukrainienne devra être changée avant fin 2015 afin d'introduire une autonomie plus renforcée dans les territoires du Donbass: ceci inclut la possibilité de former leurs propres forces de police et nommer leurs juges et procureurs.

La question du contrôle des frontières, sous l'Article 9 du document, est également un nouveau camouflet pour Kiev. En effet, le contrôle par l'Ukraine de ses frontières dans la zone de conflit est complètement conditionné à une régulation politique préalable. Comprendre ici le fait que Kiev doit d'abord accorder au Donbass un statut spécial (donc changer sa Constitution et accorder une décentralisation de l'État), ce seulement après l'organisation des élections locales dans les mois à venir. Cette double conditionnalité est un cauchemar pour l'Ukraine, qui n'a désormais pas d'autre choix que d'appliquer la décentralisation et s'accommoder avec la quasi-existence des « Républiques » du Donbass.

Les nouveaux accords de Minsk sont un véritable camouflet pour l'Ukraine, qui a été forcé de faire les compromis tant politiques que sécuritaires les plus drastiques et devra en quelque sorte payer pour récupérer le Donbass. Après avoir créé des conditions de vie infernales sur place et traité les populations locales de « terroristes », Kiev va rentrer dans une phase de tractations politiques internes: le président Poroshenko, élu pour sa capacité à reprendre le Donbass militairement, va en effet devoir expliquer à sa population pourquoi il a échoué.

Grande gagnante dans l'affaire, la Russie va maintenant reconstruire sa stratégie à partie des nouvelles cartes en jeu. Comme pour Minsk 1, l'Ukraine a cédé face aux exigences de la Russie - qui n'avait pas l'intention de plier sous quelconque pression ou chantage militaire.

Mais contrairement aux accords initiaux, dont Moscou avait proposé les clauses en septembre dernier, c'est ici l'intégralité de la communauté internationale concernée par le conflit qui a fait comprendre à Kiev que faire des concessions était dans l'intérêt même de la survie de l'Ukraine.

La phase active de la guerre dans le Donbass semble terminée, jusqu'à sa reprise, ce qui laisse aujourd'hui la possibilité à la Russie de se concentrer sur le processus d'appropriation politique et territorial des « Républiques populaires », ne serait-ce que pour continuer à mettre en avant son « test » géopolitique Novorossia et lui donner une existence autonome sur le long terme.

Une seconde phase d'expansion territoriale pourrait suivre, dans la logique de Novorossia, vers la ville côtière de Marioupol - ce pour former un corridor terrestre vers la Crimée - et pourquoi pas vers Kharkiv et Dniepropetrovsk. En parallèle, le Kremlin fera pression sur l'Ukraine et la communauté internationale pour s'assurer que l'Ukraine ne rejoindra jamais l'Union européenne et surtout l'OTAN - un point qui n'a pas été traité par Minsk 2 - en demandant le rétablissement de son statut de pays non-aligné et militairement neutre.

De manière encore plus alarmante, il est fort possible que le président Poutine n'est pas encore totalement décidé de la « question finale » de l'Ukraine. C'est la survie même de ce pays comme État souverain toujours qui est en jeu.

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