Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

À quoi me servirait une Charte des valeurs québécoises?

Cette semaine, pour la première fois, on m'a demandé si un élève pouvait prier dans ma classe. J'ai répondu: «Non... non, ça ne me dérange pas.» Cette réponse, je l'ai donnée parce que j'étais prise au dépourvu.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Cette année, pour la première fois, j'enseigne en classe d'accueil *. Cette semaine, pour la première fois, on m'a demandé si un élève pouvait prier dans ma classe.

Avant de répondre, se sont bousculés dans ma tête des souvenirs de ma mère, présidente du comité de parents, qui défendait la laïcité de mon éducation publique; des manchettes au sujet des accommodements raisonnables; des extraits du rapport Bouchard-Taylor; des brides du jugement de la Cour suprême sur le port du kirpan à l'école et les argumentaires du débat sur la Charte des valeurs québécoises. Puis, j'ai répondu : « Non... non, ça ne me dérange pas. »

Cette réponse, je l'ai donnée parce que j'étais prise au dépourvu. Je l'admets, non sans une certaine gêne, j'ai été tout à fait inconséquente avec les principes de l'enseignement laïque que je défends pourtant bec et ongles chaque fois que l'occasion s'y prête. Pourquoi?

Parce que je ne savais pas. Je ne savais pas que la commission scolaire avait déjà sa propre ligne directrice interdisant la prière à l'école. Je ne savais pas que ma direction me soutiendrait quant à mon refus. Je ne savais pas que la prière nécessitait la purification de l'enfant par le lavage de ses mains, de son visage et de son sexe. Je ne savais pas si cela était plus, moins ou tout aussi acceptable que l'élève qui se signe de la croix avant de manger. Je ne savais pas jusqu'où j'avais l'obligation de pousser les limites de ma tolérance.

Voilà donc ce à quoi j'espère me servira une Charte des valeurs québécoises: à savoir.

À savoir que l'argument de la laïcité est un rempart sûr. À savoir que je peux compter en tout temps et en toute situation sur ce principe pour légitimer l'ensemble des décisions professionnelles que je prendrai à l'égard des manifestations religieuses dans ma classe. À savoir que je n'ai plus à douter ou à me questionner sur le dosage exact de son application puisque toutes les manifestations religieuses, qu'elles soient gestuelles, vestimentaires ou idéologiques, qu'elles soient évidentes ou discrètes seront mises sur un pied d'égalité. À savoir que j'ai derrière moi l'assentiment de toute une société lorsque je répondrai : « Non, il n'y a pas de prières à l'école ».

* Les classes d'accueil reçoivent les élèves immigrants non francophones nouvellement arrivés. Ces classes suivent un programme d'intégration linguistique, scolaire et sociale qui prépare ces élèves à poursuivre leur scolarité en français dans une classe ordinaire.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Avril 2018

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.