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Du cynisme? Vraiment?

Il me semble que c'est là l'imposture qui bruisse sournoisement parmi les ronchonnements de notre époque... inculte (et fière de l'être parfois même), comme si rien n'avait déjà été dit, ou écrit.
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Qu'est-il arrivé ?

On ne sait pas tellement de quelle manière, mais les gens ont dorénavant le droit à l'inconnaissance. Comme si nos mots avaient l'excuse, comme l'existence, de n'avoir aucune valeur.

L'indemnité infertile du tout-se-vaut...

Et bien voilà. Voilà ce que ça donne ; n'importe quoi. Du rien, des poussières et des discussions insipides à la mords-moi-pas-le-nœud-ce-serait-terrible. Quant aux nœuds, nous n'avons plus les crocs pour les broyer... ni les mots pour les jeter dans l'abime de la déréalité qui leur est parfois propre.

On tente de se dire que ce désordre et les embarras qu'il porte sont sans importance... mais c'est sans résultat. Les gens autour de nous... parlent :

« - C'est quoi du cynisme dude ?

- Ah. Bin. C'est quand tu ne vas pas voter. You know ? It's like... quand tu votes pas, t'es un cynique.

- Ah ok. Cool. Thanks. »

Peut-être devrait-on cesser de chercher du sens dans le ventre de nos paroles.

Qu'on n'éventre plus jamais aucun mot !

Que ces paquets restent clos, qu'ils n'exhibent plus jamais le sens qu'ils couvent en silence.

C'est une proposition...

Il me semble que c'est là l'imposture qui bruisse sournoisement parmi les ronchonnements de notre époque... inculte (et fière de l'être parfois même), comme si rien n'avait déjà été dit, ou écrit.

Mais quand on sait ce que le Cynisme est, ou veut dire... on ne peut accepter de se suffire au silence devant l'inconnaissance, qui finit systématiquement par rudoyer les thèmes dont elle traite, les accueillant dans l'interstice (inondé dans la bizarrerie dévastatrice du fortuit) qu'aménagent ses mots...

Les mots atrabilaires et insoucieux de l'inconnaissance sont les producteurs d'inflexions sémantiques qui participent trop souvent de notre aliénation.

En ce sens, y a-t-il moyen d'être enquiquiné(e).

Il me semble qu'ici, « enquiquiné » soit le mot juste.

Pourrait-on aussi avoir la malhonnêteté de prétendre en être « martyrisé » ; mais ce serait outrageux ! Quelqu'un(e) pourrait alors y voir une tentative de tragédier à outrance... et pourtant, c'est une tragédie.

Arracher aux mots l'ardeur qui leur est propre est sans aucun doute la plus profonde de nos tragédies ordinaires. Car la seule chose sur laquelle peut encore se fonder le boulot du citoyen, ou de la citoyenne, ce sont les mots... ces petits paquets, bastilles des significations.

Notre boulot ? Déficeler les paquets. Déchirer le papier. Soupirer, parfois, afin de déloger les poussières (certains paquets trainent à nos pieds depuis déjà un bon moment). Délivrer les otages. Se réapproprier... le sens, maintenant libéré.

La tragédie de la citoyenneté, c'est l'insipidité du langage sur laquelle il lui faut trouver quelques endroits fermes... afin de tenir bon, contre les secousses de l'injustice.

Ce langage, de nos jours, un peu raté et surclassé par des envies de fulgurances vides, se targue de mettre à mort certains mots dans lesquels, encore, réside l'opportunité d'une prise de position contre l'injustice qu'enfante la bêtise des pouvoirs.

Du moins, le cas du « cynisme » en témoigne. Le langage est une institution sociale ; il appartient donc à tous et chacune. Ne le laissons pas se putréfier...

Le langage devrait être en mesure, à travers l'exercice de la discussion, d'atteindre une certaine autorégulation, réelle besogne à laquelle devrait s'adonner le jeu de la citoyenneté... au-delà du saint vote.

La tératologie des usages du langage, l'exercice d'une certaine hygiène dans nos savoirs, devrait être notre premier souci.

Il y a de l'expertise (ou un art minutieux du dépaquetage de sens). Ce qui veut dire qu'il y a, dans certains cas, un ou des sens « correct(s) ». N'appartient donc pas à n'importe qui, une fois en aval des conversations, le pouvoir de paqueter en un mot, les significations de son choix.

Et le cynisme ? me demande-t-on...

Et bien voilà : il y a dans le paquet « cynisme », quelque chose de « correct » à dire de lui, et quelque chose d' « incorrect » à lui supposer.

C'est à croire que « cynisme = ne pas voter », en ces temps qui courent. Ce qui procède d'une inculture profonde.

Le cynisme n'est pas, en lui-même, une vision obscure et sans espoir, comme semblent vouloir le laisser entendre certains et certaines... cherchant, vraisemblablement, à discréditer les abstentionnistes... faisant, au passage, du cynisme le lieu d'un désinvestissement de la citoyenneté.

Il serait préférable de signaler ce regard comme du « pessimisme ».

À vouloir confondre le cynisme pour un moribond et banal « pessimisme », nous nous enlevons le droit de pouvoir trouver, dans ce que le cynisme « réel » peut offrir, une position singulière de résistance.

Le cynisme est une prédisposition à devoir vivre sous le terrorisme d'une acuité sophistiquée - capacité à discerner les absurdités du pouvoir (dira-t-on rondement) - posant devant la petitesse de nos mœurs les ricanements de la résistance.

Derrière ces ricanements ? Un espoir de rehausser l'humanité. Il n'y aucune raison valable pour que nous entendions le « cynisme » comme du « pessimisme ».

Le cynisme, c'est l'impertinence d'une vérité profonde ; L'autonomie ; voilà le seul vrai pouvoir !

D'où cette apparente condescendance, que nous confondons à tort avec une indifférence totale pour les mœurs creuses... car dans le cynisme, c'est l'indifférence qui précède à l'insolence d'un retour à l'animalité (marque de commerce du cynisme ; rappelez-vous, Diogène... le chien), dans laquelle repose la promesse de mœurs moins gâchées par des frivolités enorgueillies.

(Le cynisme n'est pas cette ambition oiseuse de défécation, à 5h du matin, complètement ivre, au beau milieu d'un boulevard... ; rien à y voir de plus qu'une crise d'adolescence tardive, dont les excès se matérialisent entre les fesses de l'ivresse.)

C'est bien parce que nous nécessitons encore la reconnaissance que le n'importe quoi ambiant n'est pas le gage d'une santé démocratique que le cynisme a sa place. Dans sa forme la plus frileuse, il est encore l'acte qui consiste à faire surgir la grotesquerie de nos mœurs, par envie d'un monde moins gangréné.

« Cynisme politique », ils et elles disent... adorable redondance.

Aussi longtemps que sa besogne consistera à faire glisser le regard social vers ses propres flétrissures, à les faire surgir de la bastille du « Vrai », alors... il sera toujours politique.

Le cynisme, c'est la quintessence de la citoyenneté... un quelque chose comme de l'hygiénisme politique, hostile aux volutes et aux emballages baroques.

Il se résout donc à contrarier les paquets, pour mieux ranimer ce qui s'y dissimule... en raison d'une faiblesse pour la liberté.

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