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Pourquoi parler encore de nos écoles?

Au Québec, quand il est question du monde scolaire, on s’insurge quand nous sommes touchés individuellement, mais nous demeurons aveugles et sourds aux appels d’autrui.
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DONGSEON_KIM via Getty Images

Selon le ministre de l'Éducation, la pénurie d'enseignants se résorbe, l'état des infrastructures s'améliore et on pourrait être tenté de croire que tout va maintenant pour le mieux. Or, si nous voulons vraiment connaître l'état du milieu scolaire ne faudrait-il pas d'abord interroger les principaux acteurs qui y œuvrent quotidiennement? Les profs sont des maîtres en pédagogie : les experts. Ce sont des pédagogues!

Depuis des années, les manchettes au sujet de l'enjeu que représente l'éducation publique s'accumulent sans susciter un débat de fond ni provoquer de soulèvement. Les médias publient et commentent occasionnellement dans leurs pages. Ils publient aussi fréquemment des lettres d'opinion qui témoignent des maux de l'école publique. Celles-ci représentent les appels de multiples enseignants, parents ou personnalités comme des bouteilles à la mer.

Chaque lettre ou nouvelle apparait puis disparait sans laisser de traces comme si la population québécoise n'avait pas de mémoire, préférait ignorer un talon d'Achille ou minimisait la valeur réelle d'une éducation publique efficace pour le développement personnel et collectif d'une société. Pourtant, d'influents chroniqueurs rappellent l'enjeu que constitue l'éducation publique et l'égalité des chances pour la société québécoise. Pensons à Patrick Lagacé, Alain Dubuc, Francis Vailles, Mario Dumont et Marie-France Bazzo. Il semble qu'eux-mêmes aient peu d'influence pour nous mobiliser.

Au Québec, quand il est question du monde scolaire, on s'insurge quand nous sommes touchés individuellement, mais nous demeurons aveugles et sourds aux appels d'autrui. Au mieux, on pleure ou s'indigne. C'est tout. Bref, l'état et la qualité de notre réseau scolaire public ne semblent pas avoir, pour nous, guère plus de valeur que des faits divers bancals dans l'actualité.

Paradoxalement, les infirmières qui sont à bout de souffle et les moyens nécessaires pour retenir et motiver les médecins soulèvent systématiquement des débats publics.

Paradoxalement, les infirmières qui sont à bout de souffle et les moyens nécessaires pour retenir et motiver les médecins soulèvent systématiquement des débats publics. Ces organisations professionnelles, avec l'aide des médias, sont même capables de forcer une rencontre extraordinaire avec leur ministre alors qu'elles ne sont même pas en période de négociation! Ainsi, les infirmières, les médecins et la santé en générale accaparent l'attention médiatique et celle de l'État parce que la population s'en préoccupe.

Depuis vingt ans, les gouvernements et la population ont négligé, et négligent encore, des écoles au point qu'elles deviennent vétustes. Quand on intervient dans un milieu, c'est en situation de crise ou pour éviter la catastrophe. Dans certains cas, l'institution peut représenter elle-même un facteur de décrochage pour certains élèves.

On a laissé inconsciemment des administrateurs sabrer les services de soutien aux enseignantes et aux enseignants, voire aux élèves. Le nombre d'heures de service en psychologie, psychoéducation, orthopédagogie, orthophonie, bibliothéconomie et même en conciergerie a été amputé dans toutes les écoles publiques par souci d'austérité. Curieusement, les mesures d'austérité n'ont pas été de la même ampleur dans les bureaux administratifs des commissions scolaires ni dans la dernière entente salariale avec les médecins.

On a relégué des responsabilités essentielles au maintien d'un service essentiel pour le développement des jeunes et du Québec sur les épaules des profs.

On a relégué des responsabilités essentielles au maintien d'un service essentiel pour le développement des jeunes et du Québec sur les épaules des profs. Croire que les pédagogues peuvent eux-mêmes écouter chaque élève exprimer les difficultés qu'il éprouve à l'extérieur de la classe, conseiller chaque élève pour résoudre ses conflits, sensibiliser les élèves à la sexualité, l'entrepreneuriat et l'écologie, puis communiquer avec des organismes sociaux, collaborer aux diverses instances de consultation de manière cohérente, maintenir la qualité de leurs outils informatiques, soutenir en classe divers élèves intégrés avec des besoins particuliers, différencier leur enseignement pour de multiples profils d'apprenants, corriger consciencieusement 30, 60, 90 voire 150 copies, communiquer promptement avec les parents, adapter leur planification à la réalité des jeunes, assurer le suivi des livres empruntés à la bibliothèque scolaire, faire leurs photocopies, puis occasionnellement réparer un photocopieur ou une imprimante et, quand rien ne va plus, improviser une activité pédagogique selon les moyens et les conditions dont ils disposent tout en demeurant positifs, constructifs, accueillants, chaleureux et souriants... Ouf! Cela relève de la pensée magique.

Confier de telles responsabilités aux profs témoigne d'une méconnaissance flagrante de la profession enseignante. Relever un tel défi avec diligence nécessite d'être surhumain. Tolérer plus longtemps de telles conditions de travail manifesterait du mépris à l'égard des pédagogues québécois.

Depuis de nombreuses années, un tel régime a entrainé la démotivation d'un nombre important d'enseignantes et d'enseignants. Puis, le désenchantement de nombreux jeunes profs qui s'insèrent dans la profession s'accentue. J'en veux pour preuve l'abandon de la profession par différents pédagogues et la pénurie d'enseignants qui persiste dans les écoles. Comme les infirmières, les profs sont aussi à bout de souffle. Cependant, on les ignore. Certains se réorientent même dès la fin de leur formation en pédagogie après avoir pris connaissance des conditions.

À l'instar du réseau de la santé, le réseau scolaire public ne retient pas l'attention qu'il mérite. Puis, contrairement aux médecins, les pédagogues québécois n'obtiennent pas la parité salariale ni les avantages qu'ont leurs homologues canadiens. L'État a encore abandonné l'école publique et ses principaux acteurs au cours des dernières rondes de négociation en préférant soutenir des entreprises privées telles que Bombardier à cout de milliards de dollars!

Est-ce le rôle de l'État de soutenir des entreprises privées alors qu'il néglige d'entretenir un service essentiel tel que l'éducation publique?

Si nos leadeurs et la population considéraient vraiment l'Éducation comme un investissement, les mesures de soutien aux entreprises privées et les échelles salariales des médecins pourraient d'abord correspondre « à la capacité de payer des contribuables ». Il est étrange qu'au Québec certains dogmes économiques s'appliquent exclusivement à quelques franches de la population...

Il est étrange qu'au Québec certains dogmes économiques s'appliquent exclusivement à quelques franches de la population...

Enfin, l'école publique est l'unique service qui existe pour un État démocratique si on veut favoriser l'égalité des chances et octroyer à chaque enfant les moyens nécessaires pour améliorer sa condition. Par ailleurs, le niveau d'éducation d'un individu améliore aussi son état de santé et allège la responsabilité de l'État dans un autre ministère! Donc, les prochaines élections provinciales représenteront l'heure des choix pour la population québécoise. Les Québécoises et les Québécois opteront-ils pour un parti apte à corriger le tir et investir pour favoriser l'égalité des chances?

Avril 2018

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