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Intégrisme religieux et violence

Il n'y a pas de consensus théorique ou de données empiriques assez solides pour faire un amalgame entre religion et ethnicité.
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L'amalgame religion-ethnicité semble faire son chemin et s'ancrer solidement chez les journalistes et les politiciens occidentaux, et en conséquence chez une bonne partie du grand public. Effet de mode, amplification médiatique ou réalité empirique ?

Les groupes religieux intransigeants ont pour caractéristique commune un puissant désir de résistance à la société séculière. La constellation des groupes et des tendances religieuses intransigeantes est très variée, mais les extrémistes de toutes les grandes religions ont un ennemi commun, l'humanisme séculier et ses corollaires : la démocratie participative et le pluralisme. La capacité de la religion d'inspirer l'extase et de sortir le croyant du quotidien est derrière toutes les logiques de la violence religieuse. Dans la plupart des religions, le chemin de l'ascétisme qui mène à l'extase du sacrifice de soi (pour ou contre les autres) est un trait commun de l'expérience religieuse de type charismatique. Les deux principales figures de cette ambivalence du sacré sont «l'extrémiste» et «le militant radical pour la paix»: l'extrémiste utilise la violence avec l'objectif d'écraser l'ennemi alors que le militant pour la paix sublime la violence sous une forme spirituelle et métaphorique.

Lorsqu'un groupe religieux va jusqu'à sacraliser la quête d'autonomie politique, les leaders ethno-nationalistes peuvent y puiser une formidable justification pour s'engager dans des conflits violents avec d'autres groupes ethniques. La réponse humaine au sacré étant de nature ambivalente, l'identité religieuse peut autant servir à amplifier les haines ethniques et tribales à certains endroits, qu'à devenir un moyen de transcender les différences dans un autre contexte. Les extrémistes religieux se servent donc de la religion pour légitimer la violence et la discrimination contre des groupes d'ethnie, de langue, mais surtout de religion distincte. Selon Scott Appleby, l'illettrisme religieux est une condition structurelle qui augmente la possibilité de violence collective dans les situations de tension. Un très bas niveau d'auto-réflexion morale et de connaissances théologiques de base parmi les acteurs religieux entraîne cet illettrisme religieux. L'ignorance du fait religieux de certains États occidentaux vient aussi exacerber les tensions sociales autant en Europe qu'en Amérique du Nord.

Une trop grande exposition médiatique aux discours séculiers et religieux intransigeants entraîne un repli communautaire. Des chercheurs ont montré que c'est l'éclatement des barrières symboliques qui mobilise l'individu et les groupes dans le conflit. Ils argumentent qu'il est naturel pour les communautés religieuses de former leur identité à travers des conflits et des tensions avec d'autres cultures. Le succès des groupes religieux dépend largement de leur capacité à créer et à gérer des conflits et des tensions avec d'autres groupes religieux et aussi avec la société séculière. Les intégristes savent jouer sur le registre de la peur de «l'envahissement» des cultures religieuses étrangères à celle de la majorité et ainsi l'identité religieuse devient plus problématique que l'identité ethnique.

D'autres chercheurs affirment que ces groupes et ces mouvements intransigeants appuient leurs doctrines sur des « racines théologiques légendaires » en dehors des Églises et des hiérarchies officielles. Plusieurs mythologies sont ainsi développées et entretenues par des groupes religieux intégristes et fondamentalistes. Plusieurs de ces mythes sont souvent partagés par des groupes qui s'opposent déjà formellement entre eux. Ainsi, la mythologie d'un lobby extrémiste juif qui contrôlerait toutes les transactions financières du monde (le fameux « Protocole des sages de Sion ») est partagé autant par certains groupes intégristes catholiques et musulmans, que par certains groupes fondamentalistes protestants. Mais aussi plusieurs groupes de fondamentalistes américains sont sionistes chrétiens, c'est-à-dire qu'ils sont plutôt pro-juif et anti-Islam. Une autre « théorie du complot » prend souvent pour cible l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui passe pour une organisation « satanique » qui tente d'imposer un « gouvernement mondial séculier ». Que ce soit par les « infidèles », par « l'humanisme séculier », par le communisme ou par l'hégémonie américaine, c'est toujours au nom d'une identité menacée que la violence religieuse se manifeste. Trois réactions s'offrent alors à l'esprit religieux intransigeant face au monde séculier : 1) il peut se retirer du monde et couper tous ses liens avec lui (la secte) ; 2) il peut s'infiltrer dans les différents postes de pouvoir et d'influence d'une société pour en changer les lois à son avantage (Christian Coalition aux USA) ; 3) il peut s'attaquer directement aux fondements de la société séculière (l'État Islamique).

Il n'y a pas de consensus théorique ou de données empiriques assez solides pour faire un amalgame entre religion et ethnicité. Le cas du Québécois Martin «Ahmad» Couture-Rouleau le confirme, l'extrémisme religieux n'a pas de frontières culturelles. Il n'y a pas plus de violence religieuse qu'auparavant, mais il y a une plus grande visibilité médiatique des tensions et des violences religieuses qui cause une exacerbation inédite de la violence au plan international et une polarisation des discours religieux intransigeants. Lorsque des soldats américains de Guantanamo ont supposément jeté des exemplaires du Coran aux toilettes, cette information a rapidement fait le tour de la planète et de violentes manifestations ont alors éclaté un peu partout dans le monde musulman. Il est évident que les extrémistes religieux de tout acabit profitent de la globalisation des moyens de communication et de transport pour répandre leur culture de la peur et de la mort. Mais le choc des civilisations est une arme à deux tranchants, et il faut compter à long terme sur un véritable métissage religieux et culturel planétaire pour pouvoir contrecarrer les différents extrémismes religieux qui sévissent de par le monde. Nous assistons à la naissance d'un nouveau paradigme, celui d'une identité religieuse de plus en plus polarisée et isolée dans la société séculière occidentale, mais qui transcende de plus en plus les frontières ethno-nationales.

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