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Michael Sam: la double stigmatisation

La stigmatisation entourant la maladie mentale est encore bien présente, non seulement dans le monde du sport, mais dans toutes les sphères de la société.
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L'histoire de Michael Sam en est une d'adversité et de courage. De rédemption et de détermination. Mais l'histoire de Michael Sam en est une également d'espoir. Cet espoir qui fait croire en des jours meilleurs. À une société plus juste et tolérante, où les tabous et les préjugés de toutes sortes seront choses du passé, annihilés.

Mais d'ici là, Michael Sam doit affronter quotidiennement les propos haineux, les insultes et les effets pernicieux d'une double stigmatisation, soit celle d'être homosexuel et, plus récemment, d'avoir parlé ouvertement de sa santé mentale.

Un parcours semés d'embûches

Dire que l'enfance de Michael Sam fut difficile est un euphémisme. Issu d'une famille texane de huit enfants, trois de ses frères et sœurs sont décédés tragiquement et deux autres sont en prison. Dès son tout jeune âge, son père quitte le foyer familial, laissant à sa mère la lourde tâche de s'occuper des besoins de ses enfants. La famille déménage régulièrement. Sam et sa mère sont même contraints, à un moment, de vivre dans leur voiture, incapables de se payer le «luxe» d'un toit au-dessus de leur tête.

C'est cependant à l'adolescence qu'il découvre le football. La pratique de ce sport lui permet de canaliser la colère et la rage qui bouille en lui. Doué au jeu et doté d'excellentes capacités athlétiques, Sam décroche plus tard une bourse d'étude de l'Université du Missouri. Il excelle à sa position de joueur de ligne défensive et est nommé en 2013 joueur défensif universitaire de l'année dans la SEC (Southeastern Conference).

C'est d'ailleurs durant sa dernière année à l'université que Michael Sam annonce publiquement qu'il est gai. Pour les membres de son entourage immédiat, il ne s'agit aucunement d'une surprise. Sam était bien avant son coming out, à l'aise avec son homosexualité. Repêché en avril 2014 par les Rams de Saint-Louis de la NFL (National Football League), il devient ainsi le tout premier joueur de football professionnel ouvertement gai. Un lourd fardeau qui le place constamment à l'avant-scène et sous les projecteurs des médias du monde entier. Les réactions sont majoritairement positives, tant dans le monde du sport que dans la société en général. Plusieurs saluent son courage, dont le président américain Barack Obama. D'autres cependant, n'hésite pas par le truchement des réseaux sociaux à critiquer et juger sévèrement le choix de vie et l'orientation sexuelle de Michael Sam.

Malheureusement, Sam ne décroche pas de poste à Saint-Louis. Le scénario se répète à Dallas quelques semaines plus tard alors que les Cowboys le libèrent après un essai infructueux avec l'équipe de réserve. Son rêve de jouer dans la NFL est en péril.

Bienvenue à Montréal

À première vue, l'union entre Michael Sam et les Alouettes de Montréal était quasi bénie des dieux. D'une part, le club de la LCF (Ligue canadienne de football) permettait à Sam de poursuivre sa carrière professionnelle et du même coup d'entretenir, avec de bonnes performances sur le terrain, l'espoir d'attirer l'intérêt d'un club de la NFL.

D'autre part, Michael Sam dans l'uniforme bleu-blanc-rouge offrait une belle vitrine aux Alouettes, tant au niveau national qu'à l'étranger, tout en donnant à l'équipe montréalaise une belle opportunité marketing en vente de billets et produits dérivés. Sans compter la réputation de la ville, plus libérale que d'autres et comptant l'une des plus importantes communautés gaies en Amérique du Nord. Tout était en place pour offrir à Michael Sam les éléments essentiels pour une transition et une adaptation réussie.

Or, les événements ne se sont pas passés tel qu'escomptés. Après un camp d'entraînement difficile, Sam demande la permission de quitter l'équipe temporairement, citant des raisons personnelles. De retour quelques semaines plus tard, il évolue dans un premier match dans l'uniforme des Alouettes, sans grands éclats. Or, le 18 août, Michael Sam annonce via son compte Twitter qu'il quitte l'équipe à nouveau, mentionnant être inquiet pour sa santé mentale.

Peu s'en faut pour que s'enflamment les réseaux sociaux. Certains traitant Michael Sam de «lâche», de «faible», de «fraudeur». D'autres poussant même l'audace à faire un lien entre son homosexualité et son état mental. Les médias sportifs, de leur côté, parlent d'un fiasco monumental.

Les athlètes et la maladie mentale

Étienne Boulay a porté l'uniforme des Alouettes de Montréal pendant sept saisons. Gagnant de trois Coupes Grey, dont deux avec l'équipe montréalaise, son enthousiasme sur le terrain et son charisme à l'extérieur en ont fait une figure connue et appréciée des amateurs de football du Québec. Or, dans le cadre d'une entrevue au Journal de Montréal dans l'édition du 22 août dernier, il avoue avoir vécu un épisode dépressif majeur, conséquence d'une commotion cérébrale et de problèmes personnels. Sa descente aux enfers l'a mené au fond du baril et il a tenté de mettre fin à ses jours l'an dernier. «Je n'y ai pas juste pensé, j'ai fait le move. J'étais tellement mêlé que j'ai dû mal m'y prendre. J'étais écœuré de tout et c'était devenu trop lourd à vivre.»

Erik Kramer a évolué dans la NFL au poste de quart-arrière dans les années 1990. Souffrant de dépression chronique et de séquelles physiques, il a tenté de se suicider le 15 août dernier à l'aide d'une arme à feu. Son ex-conjointe raconte en entrevue: «C'est un homme fantastique, une belle âme, mais il souffre de dépression depuis son passage chez les Bears. Croyez-moi, ce n'est plus le même homme que celui que j'ai épousé».

Ce ne sont que deux exemples récents de sportifs professionnels ayant vécu des problèmes de santé mentale graves. La liste d'histoires tragiques similaires est très longue. En fait, les cas de troubles psychiatriques chez les athlètes de haut niveau sont beaucoup plus fréquents que l'on croit.

Selon l'American Psychiatric Association (APA), il est faux de présumer que le taux de prévalence de la maladie mentale est plus bas chez les athlètes que dans la population en générale. En fait, l'athlète n'est pas immunisé contre les maladies à caractère psychologique. Au contraire. L'APA fait état que le sport de haut niveau présente d'ailleurs son lot de circonstances exceptionnelles et de défis, qui peuvent soumettre un athlète à un degré élevé d'anxiété et de symptômes dépressifs. Le principal défi pour l'athlète, toujours selon l'APA, demeure d'accepter que l'aide est disponible et indispensable. Qu'il ne s'agit pas d'un signe de faiblesse et que le problème doit être pris au sérieux, tout comme le serait une blessure physique.

Deux poids, deux mesures

Michael Sam a marqué l'histoire en devenant le premier homme ouvertement gai à évoluer dans le football professionnel. Il a été salué pour son courage et sa force de caractère. Or, pourquoi lorsqu'il s'agit de parler ouvertement de sa santé mentale, est-il conspué et insulté de la sorte? Pourquoi ce double standard? Peut-on conclure que dans notre société moderne, briser les barrières de l'homosexualité dans le sport professionnel est plus aisé et socialement acceptable que d'avouer être un athlète vivant avec un trouble mental?

Sa décision de se retirer du sport qu'il aime pour s'occuper de sa santé mentale devrait être salué et reconnu à juste titre. Son geste n'est pas empreint de lâcheté, mais il est marqué d'un profond courage. Que sa décision titille les sensibilités d'amateurs ou de journalistes ne fait que démontrer que la stigmatisation entourant la maladie mentale est encore bien présente, non seulement dans le monde du sport, mais dans toutes les sphères de la société.

Comme il a tracé la voie à d'autres athlètes avec sa décision de dévoiler au grand jour son homosexualité, souhaitons qu'il en soit de même pour la maladie mentale. Trop d'athlètes gardent le silence et commettent l'irréparable de peur d'être jugé, stigmatisé. De plus, la peur de perdre son gagne-pain, son poste dans l'alignement, d'être oublié par les partisans, est souvent plus forte que la volonté de soigner son mal-être.

Faut-il le rappeler ici, les athlètes professionnels sont des êtres humains avant tout. Avec leur périls, leurs moments de grande exaltation. Avec leurs forces, leurs faiblesses.

Michael Sam est un précurseur. Deux fois plutôt qu'une, d'ailleurs. Michael Sam est aussi un être humain. Nous ne pouvons que lui souhaiter un prompt rétablissement.

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