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Laïcité, «Quebec bashing» et francophobie

Dans plusieurs médias anglophones, et à un degré moindre dans la presse francophone fédéraliste et la radio dite poubelle, la présente campagne électorale a été marquée par une escalade du discours de dénigrement des Québécoises et Québécois qui appuie le projet de souveraineté, le français comme langue commune ou le projet de laïcité.
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Dans plusieurs médias anglophones, et à un degré moindre dans la presse francophone fédéraliste et la radio dite poubelle, la présente campagne électorale a été marquée par une escalade du discours de dénigrement des Québécoises et Québécois qui appuie le projet de souveraineté, le français comme langue commune ou le projet de laïcité. Les affiches des partis souverainistes sont tapissées de croix gammée. De nombreux cas de vandalisme des locaux électoraux ont été rapportés. Certains appels aux votes ethniques nous rappellent ceux que faisait ouvertement le camp fédéraliste lors du référendum de 1995. On se souvient des rumeurs de déportation des immigrants advenant une victoire du Oui en 1995 comme en 1980. Les députés libéraux des circonscriptions les plus multiethniques lançaient ouvertement des appels aux votes ethniques pour le Non ouvertement dans les médias locaux. C'est aussi cela que dénonçait la déclaration tant décriée de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau.

À lire plusieurs grands journaux nationaux anglophones canadiens et anglo-québécois, la première ministre du Québec serait le diable en personne! La presse anglophone semble non seulement ne faire aucun cas de l'attentat politique perpétré contre Pauline Marois, mais continue de plus belle à diffuser un dénigrement intensif qui ressemble du plus à plus à de l'incitation à la haine.

Il est déplorable que des politiciens libéraux québécois comme Philippe Couillard ne se privent pas d'attiser à leur profit ce discours hargneux dans les médias anglophones et fédéralistes. Par exemple au cours de la présente campagne, M. Couillard a déclaré que de soutenir que le bilinguisme est une menace était de la « cochonnerie » («rubbish»), qui n'a aucun sens», tout en se gardant bien de préciser que c'est le bilinguisme institutionnel qui est visé par la loi 101 et par le PQ. Selon lui, la Charte de la laïcité est une mesure discriminatoire sans précédent, inacceptable, méprisable, cynique, machiavélique, qui créer des « peurs xénophobes », etc.

Nous sommes malheureusement habitués à la diabolisation du projet souverainiste ou des mesures linguistiques, qui sont présentés comme une oppression des anglophones, sinon comme de la xénophobie, avec le lot coutumier d'allusions au nazisme. Mais dans le cas de la laïcité, les injures et les accusations ont atteint une rare et inquiétante intensité.

Dans la couverture médiatique du débat sur les accommodements raisonnables, on fustige une mesure lorsqu'elle est appliquée au Québec français, mais on reste silencieux lorsqu'elle est appliquée par une organisation anglophone ou ailleurs dans le monde. Par exemple, l'interdiction du port du turban par la Fédération québécoise de soccer a fait scandale et a été taxée de racisme, mais elle est passée inaperçue lorsqu'appliquée par la Fédération internationale ou par une association anglophone au Québec. Quand la FIFA a décidé de ne pas bannir le turban, The Gazette s'est permis de dire en éditorial que ce devrait être une leçon pour tout le Québec.

Dans les médias anglophones, on retrouve des allusions fréquentes visant à stigmatiser l'histoire du Québec, mais on garde le silence sur les lois et les règlementations anticatholiques, qui ont jalonné l'histoire de la « Confédération» à l'égard des écoles confessionnelles à l'extérieur du Québec. Ces mesures antifrançais et anticatholiques ont été promues, entre autres, par le mouvement orangiste dont un Canadien anglais sur trois était membre à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Cette organisation prônait la suprématie anglo-saxonne blanche, équivalant aux WASP des États-Unis ("White Anglo-Saxon Protestants").

L'idée d'un État laïque s'est d'abord posée à l'égard des religions catholiques et protestantes. Il est faux de prétendre que la laïcité se réduit à une réaction défensive face aux minorités issues de l'immigration récente.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a joué un rôle clé pour qu'en 1997, Pauline Marois, alors ministre de l'Éducation, crée un groupe de travail et que l'Assemblée nationale obtienne une modification à la constitution canadienne (l'article 93 de la Loi constitutionnelle de l867) afin de soustraire le Québec à l'obligation de maintenir les privilèges accordés aux catholiques et aux protestants dans le domaine de l'éducation.

Le dénigrement et la diabolisation du Québec dans le cadre du débat sur la laïcité ne tiennent pas compte du fait que le questionnement et les problèmes liés à la gestion des rapports interculturels ne touchent pas seulement notre société. Ils se manifestent à l'échelle de l'Occident, et même au-delà. Le débat sur le port des signes religieux se retrouve dans l'ensemble des pays européens. L'interdiction des signes religieux existe à divers degrés dans l'enseignement ou la fonction publique dans plusieurs pays tels que la Belgique, la France, l'Inde, le Danemark, la Turquie et le Tadjikistan. Même en Angleterre, le multiculturalisme est remis en question, et le premier ministre David Cameron a assuré qu'il soutiendrait les écoles qui veulent interdire le voile.

Plusieurs jugements de la Cour européenne des droits de l'homme ont été émis sur la base du principe voulant que la liberté de religion telle qu'elle est définie dans la Déclaration universelle des droits de l'homme n'allait pas jusqu'à obliger un État à accepter le port de signes religieux par ses employés.

La déconfessionnalisation des institutions publiques s'est faite au nom de la liberté de conscience et du pluralisme. La laïcisation est un facteur d'inclusion et non d'exclusion. Elle ne porte pas atteinte aux droits des minorités. Depuis la déconfessionnalisation de notre système scolaire en 1997, les familles musulmanes, juives et bouddhistes du Québec n'ont plus à choisir entre une école publique catholique ou protestante pour leurs enfants. D'ailleurs, un grand nombre de nouveaux arrivants qui ont fui des régimes autoritaires et théocratiques sont d'ardents défenseurs de la laïcité.

En somme, on peut concevoir que des réserves et des critiques parfois sévères puissent être exprimées à l'égard d'un sujet aussi délicat, mais quand il s'agit des mesures laïcisantes aux Québec, les invectives dépassent les bornes d'un débat démocratique et respectueux.

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