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Le 30 km/h en ville assure une meilleure sécurité des plus vulnérables: cyclistes, piétons et enfants. Les statistiques se passent de commentaire: un piéton a 95 % de chance de survie lors d'un choc à 30 km/h, 53 % à 50 km/h, et seulement 20 % à 60 km/h. De plus, ça rend aussi la ville plus conviviale et moins bruyante.
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Récemment, en revenant de faire une commission à pied par un bel après-midi, un grand gaillard, ado, noir, m'a accostée. Dès qu'il a ouvert la bouche, j'ai compris qu'il avait une déficience intellectuelle. Très gentil et doux, il me souriait beaucoup et m'a raconté ses petites choses. Ça m'a fait plaisir de l'écouter. De toute façon, depuis mon accident de vélo, je suis lente comme une tortue et je claudique, alors autant avoir un peu de compagnie.

Arrivés à l'intersection de LaSalle et De L'église à Verdun, la lumière est devenue verte pour nous et nous avons traversé tandis que le petit piéton lumineux nous indiquait qu'il nous restait encore 35 bonnes secondes. C'est alors que les automobilistes, tant en provenance de l'est que de l'ouest, se sont mis à s'engager et à tourner en nous contournant, certains nous frôlant. La plupart de ces conducteurs étaient seuls au volant de leurs rutilantes montures et visiblement pressés.

Il faut savoir que cette intersection mène au boulevard Gaétan-Laberge, qui donne accès au pont Champlain et que tout ce beau monde se hâtait de traverser vers les quartiers résidentiels de la Rive-Sud ou de L'Île-des-Sœurs avant l'heure de pointe.

Sauf que, Verdun, c'est d'abord et avant tout un milieu de vie. C'est là où je fais mes commissions à pied, une solution non polluante, tout en encourageant les commerçants locaux. Déjà que de la circulation lourde de transit en plein cœur d'un milieu de vie, ça n'a aucun bon sens (parlez-en à Luc Ferrandez!), mais, en plus, ce type de conduite échevelée qui met en danger la sécurité des piétons, alors qu'ils sont dans leur plein droit, ça me mets en beau «joual vert».

Il y a plusieurs façons d'assurer la sécurité des milieux de vie, comme d'imposer des amendes plus lourdes (et les appliquer!) pour le non-respect de la signalisation piétonnière et l'incivilité, incluant l'arrêt total du véhicule aux passages piétonniers.

Mais il y a autre chose. En France, plusieurs municipalités ont adopté la mesure du 30 km/h max en ville pour des raisons de sécurité, d'environnement, de nuisances sonores et de cohabitation plus harmonieuse entre les différents usagers de la rue.

C'est à Graz, en Autriche, que le 30 km/h en ville a été adopté pour la première fois, en 1992. La municipalité était alors partie du principe, très justifié, qu'une rue n'est pas une route et qu'on ne doit pas y circuler de la même façon.

Le 30 km/h en ville assure une meilleure sécurité des personnes les plus vulnérables : cyclistes, piétons et enfants. Les statistiques se passent de commentaire : un piéton a 95 % de chance de survie lors d'un choc à 30 km/h, 53 % à 50 km/h, et seulement 20 % à 60 km/h. De plus, le 30 km/h rend aussi la ville plus conviviale et moins bruyante.

C'est pourquoi, dans le cadre de la grande refonte prévue pour dépoussiérer le Code de la sécurité au Québec, le gouvernement aurait tout avantage à s'inspirer l'Europe en adoptant un Code de la rue avec des limites de vitesse de 30 km/h sur toutes les rues, que les municipalités n'auraient qu'à appliquer.

Maudites banlieues?

Évidemment, ces automobilistes qui nous ont contournés cavalièrement, mon compagnon d'infortune et moi, qui étaient fous furieux à l'idée de se retrouver dans le trafic aux abords du pont Champlain, s'inscrivent dans un mode de vie banlieusard. Ce phénomène est la cause principale de cette lourde circulation de transit sévissant dans les milieux de vie urbains, avec un manque de civisme flagrant. Malheureusement, l'étalement urbain continue de... s'étendre.

Malgré l'adoption en 2011 d'un Plan métropolitain d'aménagement et de développement pour les 20 prochaines années pour 82 municipalités de la grande région de Montréal visant à augmenter la densité du développement résidentiel autour des gares et des transports en commun dans les banlieues, les résultats se font toujours attendre. Et rappelons que l'élément le plus controversé du plan, le gel du dézonage des terres agricoles à des fins de développement, a malheureusement été abandonné. De quoi voir poindre comme des champignons encore plus de développements sans âme et de plus en plus loin de l'île de Montréal.

L'étalement urbain est regrettable, mais découle en grande partie de la difficulté d'accéder à la propriété à Montréal compte tenu du prix des immeubles, le tout assaisonné d'une bonne dose de préjugés négatifs quant à la ville comme milieu de vie favorable pour élever des enfants.

Soit, mais alors, on fait quoi avec tous ces automobilistes?

Le problème, c'est que le Québec, à l'image de l'Amérique du Nord, n'a pas une grande culture du transport en commun. Prendre le train ou l'autobus pour aller travailler en ville devrait constituer une évidence pour le banlieusard, mais aussi pour le gouvernement, qui doit investir et non considérer cela comme une dépense.

Dans un récent éditorial, Paul Journet de La Presse regrettait que seulement 60% des projets de transports collectifs prévus sont réalisés au Québec. C'est décourageant et cela montre combien les mentalités sont longues à changer. Comment espérer que les gens embarquent si l'offre n'est pas suffisante et adéquate? Non seulement il faudrait dépenser 100% du budget alloué, mais l'augmenter et multiplier les initiatives comme l'instauration d'un tram-train sur le futur pont Champlain, avec quelques arrêts sur la rue Wellington jusqu'à l'entrée du Vieux-Montréal.

Il y a un mois, l'AMT a confirmé étudier sérieusement l'option du tram-train. Ce serait une solution, moins chère que le système léger sur rail (SLR) et, surtout, plus rapide que les bus, ce qui constituerait un incitatif certain pour les gens de Brossard et environ.

Mais ce n'est qu'un début, il en faudrait plus, beaucoup plus. Tous les travailleurs de la banlieue devraient avoir accès à des transports en commun efficaces, qui ne prennent pas le double, voire parfois le triple du temps en voiture pour se rendre à destination. Ce devrait être une priorité gouvernementale.

On nous répète qu'il n'y a pas d'argent. Et pourtant, moins d'utilisateurs du système routier, c'est moins de pression sur celui-ci, et donc moins d'usure, moins de réfections. La question est donc, a-t-on les moyens économique et environnemental de se priver d'une offre de transport en commun valable?

Malheureusement, comme toujours, les gens qui nous dirigent travaillent à courte vue, souffrant d'un cruel manque de vision à long terme pourtant nécessaire pour saisir qu'investir, puis prendre le temps de rentabiliser constitue toujours l'option la plus payante.

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