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Oui, vous allez entendre encore parler du drame de Poly, de cette tuerie sexiste. Et on en parlera encore longtemps, car ce crime haineux est celui qui illustre le mieux la nécessité de contrôler les armes à feu au pays.
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Lundi dernier, j'étais l'hôtel de ville de Montréal pour assister à l'adoption de la déclaration pour la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui se tenait dans la foulée des activités de commémoration du 25e «anniversaire» de la tuerie de Polytechnique.

J'y étais à titre de représentante de l'organisme pour lequel je travaille, l'Afeas, qui milite pour l'égalité entre les femmes et les hommes et pour la fin de la violence. Étaient aussi présents à la cérémonie les membres du comité des commémorations du 25e de Polytechnique, mais aussi, et surtout, des représentants des familles de 14 victimes.

J'étais là, en leur compagnie et j'ai pu constater leur souffrance encore bien vive. J'ai retenu mes larmes pendant la minute de silence, alors qu'eux sanglotaient. J'ai compris que cette blessure ne se refermerait jamais, et, à quelque part, celle de beaucoup de femmes non plus. Ce n'est pas pour rien que le Parlement du Canada en 1991 a fait du 6 décembre la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.

J'étais là, avec elles et eux, à l'Hôtel de Ville, et l'horreur de mon traumatisme d'enfance est remontée à la surface, dans le présent. Ce soir du 6 décembre 1989, j'étais seule à regarder le «Montréal ce soir» à la télévision de Radio-Canada et à ne pas comprendre ce qui se passait, mais, du haut de mes neuf ans, à en soupçonner la monstruosité.

Lundi dernier, cet état de choc est revenu, comme si ces événements s'étaient produits la veille. Je comprends qu'il en va de même pour les familles, année après année. Je n'ai plus bien dormi depuis lundi.

Femmes engagées

Des élues de tous les partis municipaux ont pris la parole à l'occasion de l'adoption de cette déclaration, afin de dénoncer haut et fort la violence contre les femmes. J'ai été particulièrement touchée par les propos de Lorraine Pagé, désormais chef du parti Vrai changement pour Montréal, qui a rappelé combien, durant les mois ayant suivi la tuerie, les femmes ont dû se battre pour faire reconnaître ce crime pour ce qu'il était : sexiste.

L'ex-syndicaliste, qui figurait sur la liste des femmes à abattre du tueur, a rappelé avoir dû répéter jusqu'à plus soif que si un blanc était rentré à Poly, avait fait sortir tous les blancs, pour ensuite tirer sur les noirs, personne n'aurait hésité à qualifier le crime de raciste. Alors, pourquoi cette hésitation lorsqu'il est question de crimes haineux envers les femmes?

L'indifférence et la fatigue

Après les prises de parole, la minute de silence à la mémoire des victimes demandée par le maire Coderre et l'adoption de la déclaration, nous avons tous et toutes été conviés à une petite réception en compagnie de certains élus. Malgré le fait que le Conseil de ville soit couvert par de nombreux journalistes, seule la reporter de CBC Radio 1 a daigné se joindre à nous pour interviewer les familles et Mme Pagé.

D'ailleurs, l'événement n'a pas été souligné par les médias francophones. C'est à croire qu'ils se sont dit «encore polytechnique?», «Le 25e? Ouin, pis?»... Comme s'ils étaient fatigués d'en parler, d'en entendre parler, même. Comme ces gens qui, sur les réseaux sociaux, étalaient récemment leur lassitude face à la «surenchère de témoignages» dans le cadre de la campagne #AgressionNonDenoncée (une femme sur trois, effectivement, ça fait beaucoup, et c'est une maudite bonne raison pour en parler).

On aurait trop parlé de Poly? Ça suffirait, il faudrait passer à autre chose?

Et pourtant, au Québec, les femmes représentent 80% des victimes d'infractions commises dans un contexte conjugal, 96% des victimes d'agressions sexuelles et 93% des homicides conjugaux. Depuis la tragédie de Poly, plus de 1500 femmes au Canada ont été tuées par leur conjoint, ex-conjoint ou autre partenaire intime.

Et pourtant, des études et des enquêtes du coroner ont montré que les taux d'homicides dans les situations de violence conjugale augmentent de manière significative avec la présence d'une arme à feu au domicile. « Les armes d'épaule » - fusils et carabines - sont les armes les plus susceptibles d'être utilisées dans des situations de violence conjugale.

Et pourtant, à un an des prochaines élections fédérales, le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, refuse toujours de s'engager pour le contrôle des armes à feu.

C'est maintenant qu'il faut faire pression et c'est pourquoi, vendredi à l'école polytechnique, des ingénieurs de tout le pays appuieront la Coalition pour le contrôle des armes à feu dans sa lutte.

Alors, oui, vous allez entendre encore parler du drame de Poly, de cette tuerie sexiste. Et on en parlera encore longtemps, car ce crime haineux est celui qui illustre le mieux la nécessité de contrôler les armes à feu au pays.

C'est cette tuerie et sa commémoration annuelle qui nous jettent à la figure la monstruosité des actes de violence commis à l'égard des femmes.

Et cette année, la commémoration nous rappelle que le problème de la violence faite aux femmes est loin de s'amenuiser, 25 ans plus tard.

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La plaque commémorative en l'honneur des victimes.

En souvenir de la Polytechnique

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