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«Isabelle Gaston mérite ce qu'elle a subi»

Au tribunal de la morale populaire du XXIe siècle, il semblerait que le(blâmer et humilier une femme en raison de sa sexualité jugée débridée) pèse toujours plus lourd dans la balance que le fait d'assassiner ses propres enfants de dizaines de coups de couteau.
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Ça fait un bout que je ne lis plus les commentaires sous les articles des sites de nouvelles et sur Facebook. Ça me rendait trop en colère et c'est assez dérangeant d'être fâchée pas mal tout le temps. Même ceux sous mes propres chroniques publiées ici, je ne les lis pas.

J'admire les courageux qui le font, leur force d'indignation, leur non-renoncement. Parmi ceux-ci se trouve l'ami blogueur politico-humoristique Mathieu Charlebois. Lui, il lit les commentaires. Ça le tient connecté, qu'il dit, sur certaines opinions qu'il ne croisera pas dans ses réseaux. Quant à moi, je le soupçonne d'être légèrement masochiste sur les bords, m'enfin...

Lisant les commentaires Facebook sous un des articles annonçant le verdict de culpabilité à l'encontre de ce médecin ayant assassiné ses enfants, il est tombé sur une quantité non-négligeable de commentaires attribuant à Isabelle Gaston sa part de responsabilité dans l'affaire. Oui oui : tout ça, c'est aussi sa faute.

On pourrait condenser toutes les variantes de ces commentaires de marde («appelons un rat un rat», comme dit Mathieu) et résumer ça ainsi :

«Comment peut-on tromper son mari en pensant qu'il n'y aurait pas de conséquences? Elle aurait dû y penser et aujourd'hui, elle devrait prendre sa part de blâme et se faire discrète, plutôt que d'aller pleurer des larmes de crocodile devant les caméras pour avoir ses 15 minutes de gloire.»

Sur le coup, je n'en revenais pas. Mon réflexe premier a été de lui répondre : «Non, mais, c'est TELLEMENT gros... Rendu là c'est pas un texte féministe, que ça prend, c'est un texte sur la bêtise humaine! Ce courant-là est le fait de nombreux idiots bruyants, mais, ultimement, ça demeure marginal, non?»

Eh bien non, ce n'est pas SI marginal, m'a-t-il confirmé. C'est vraiment une idée qui traîne parmi nos concitoyens.

Assez pour que ce commentaire récolte quelque 50 pouces en l'air :

Pouvez-vous croire ça?

Pour plusieurs, Isabelle Gaston ne serait pas assez sympathique, elle n'incarnerait pas la victime parfaite et innocente... Ben oui, elle a trompé son mari, oh la vilaine! Elle l'a quitté pour son meilleur ami en plus, comment voulez-vous qu'on la plaigne, qu'on la respecte?

Au tribunal de la morale populaire du XXIe siècle, il semblerait que le slutshaming (blâmer et humilier une femme en raison de sa sexualité jugée débridée) pèse toujours plus lourd dans la balance que le fait d'assassiner ses propres enfants de dizaines de coups de couteau.

Belle société aux préjugés moyenâgeux, j'ai envie de dire. Un coup parti, érigeons-lui un bûcher et brûlons-la tout de suite....

Angle mort

Ce texte publié dans Le Devoir en 2012 met parfaitement en lumière l'angle mort de la violence conjugale dans «l'affaire Turcotte». La femme quitte son conjoint et pour la punir, celui-ci lui enlève ce qu'elle a de plus précieux au monde, ses enfants.

Chaque année, des hommes qui n'acceptent pas une rupture tuent leurs enfants. Parfois, ça fait les manchettes, parfois non. Ça dépend du menu de l'actualité du jour et du statut social des protagonistes du drame (des médecins, tout de même... Un cardiologue!) La plupart du temps, on classe cette violence systémique dans les faits divers et hop, on n'en reparle plus. Circulez, il n'y a rien à voir. Pour un débat de société complet sur la violence conjugale, on repassera la semaine des quatre jeudis...

Et, aujourd'hui, on vient d'en rajouter une couche en blâmant la victime plutôt que l'assassin. Au-delà de la bêtise extrême de cette posture, on peut y voir le témoignage éloquent de la place et du rôle que l'on accorde aux femmes dans notre société, dont les relents rétrogrades nauséabonds n'ont de cesse de nous monter aux narines.

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