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Ma tête, mon cœur et mes couilles

On aimerait tant trouver des règles universelles de l'amour, l'expliquer biologiquement et le contrôler avec des pilules. Bien que les recherches sur les hormones de désir et d'attachement progressent, on n'explique toujours pas l'amour. Pourquoi aime-t-on? L'amour entre hommes et femmes est-il vraiment nécessaire pour assurer la survie de notre espèce? L'amour maternel, certes, mais pourquoi l'amour romantique?
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Une amie célibataire s'amusait à dire que nous étions comme les lépreux modernes : pauvres âmes esseulées qui n'ont pas encore trouvé la « bonne » personne. Je subis le supplice de la question chaque semaine au tribunal des hérétiques : «Pourquoi t'as pas de chum?!»

En plus de toute la liturgie populaire qui nous enseigne comment aimer, comment baiser, comment «durer en couple», tout le monde élabore des théories et vous recommande son psy qui vous aidera à voir le «bon» quand il passera. Je parie que je pourrais faire fortune avec un concept révolutionnaire Êtes-vous plus de type chat, chien, bi, ou autre animal? Trouver votre âme soeur en posant une seule question! Je me demande encore comment classer les gens de type « tapir », mais le bestseller est en route.

Difficile de badiner sur l'amour, on vous analyse, on vous psychanalyse, on cherche vos schémas. Tout ce que vous dites pourra être retenu contre vous. Note à moi-même : n'écris plus rien sur l'amour sauf «Je t'aime» pas de questions, pas d'explications, pas de courriels nocturnes, juste « Je t'aime » à l'encre ou en glaçage de gâteau.

On aimerait tant trouver des règles universelles de l'amour, l'expliquer biologiquement et le contrôler avec des pilules. Bien que les recherches sur les hormones de désir et d'attachement progressent, on n'explique toujours pas l'amour. Pourquoi aime-t-on? L'amour entre hommes et femmes est-il vraiment nécessaire pour assurer la survie de notre espèce? L'amour maternel, certes, mais pourquoi l'amour romantique?

Dans cette quête de sens de nos amours insensés, un vulgarisateur scientifique allemand un peu rebelle et sans détour m'a séduite, platoniquement parlant. Dans son essai Amour, déconstruction d'un sentiment, Richard David Precht, mieux connu pour son livre Qui suis-je, si je suis, combien? fait un remarquable effort de synthèse d'une multitude de recherches issues de domaines variés : biologie, psychologie, anthropologie, sociologie, histoire et philosophie.

Déconstruction d'abord de plusieurs théories de psychologie évolutionniste qui cherchent à nous faire croire que l'amour est un sentiment ordonné, dans un but de reproduction optimale. Décortication ensuite, du désir, de l'énamourement et du sentiment amoureux : « Le fait de désirer sexuellement est lié à nos pulsions; celui de tomber amoureux est en rapport très étroit avec nos parents et nos expériences d'enfants; quant à la personne que nous aimons, il s'agit très largement d'une question de concepts personnels.»

Je ne reprendrai pas ici tout le raisonnement de Precht qu'il faut lire tranquillement en savourant sa verve et son humour intelligent. Chose certaine, il pénètre au cœur d'un mal-être résultant de l'idéologie romantique: «ce qui était au départ le produit de l'imagination d'artistes appartenant à des classes supérieures est devenu une exigence commune... Il nous faut la passion et la compréhension, l'émotion et le désir de protection.»

Sexe, amour, intensité et durée : rien de moins! Et par extension, notre idéal de famille n'a jamais été plus sacré et exigeant qu'aujourd'hui. Le romantisme qui se voulait révolutionnaire à l'époque règne toujours trois siècles plus tard comme une bonne recette hollywoodienne.

Ceux qui attendent que la « bonne personne » change leur vie d'un coup de baguette magique passent à côté de la vie. À l'autre extrême, ceux qui, à la suite d'une série d'échecs amoureux, ont complètement baissé les bras et citent sans cesse les statistiques de divorce m'inquiètent tout autant.

Je me souviendrai toujours du regard de mes grands-parents quand nous les avons réunis dans leur chambre d'hôpital. Grand-papa n'avait plus toute sa tête, mais son cœur était resté avec elle. Mon frère et moi avons essuyé une larme devant ce vieil amour qui fut pourtant à des kilomètres de l'idéal hollywoodien.

Notre capacité de rêver et nous projeter dans l'avenir nous distingue du royaume animal (enfin jusqu'à ce qu'un chimpanzé nous prouve le contraire!) Pendant que les scientifiques continuent de décortiquer le sentiment amoureux, on peut sourire en écoutant le slameur Grand Corps Malade chanter Ma tête, mon cœur et mes couilles.

Au XXIe siècle, la tête, le cœur et le désir s'alignent encore parfois dans un miracle de la nature.

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