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Même les articles du Washington Post sur le Watergate ne portaient pas la mention « exclusif »

Je ne suis pas la première à souligner cette tendance des médias à user et abuser du sceau « exclusif ». Sans trop que l'on sache, d'ailleurs, quel est au juste le critère. D'après ce que j'en comprends, peut être qualifiée de « exclusif » à peu près toute information qui a été obtenue autrement que par un communiqué officiel, ou un événement programmé et organisé, genre conférence de presse
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Je ne suis pas la première à souligner cette tendance des médias à user et abuser du sceau « exclusif ». Sans trop que l'on sache, d'ailleurs, quel est au juste le critère. D'après ce que j'en comprends, peut être qualifiée de « exclusif » à peu près toute information qui a été obtenue autrement que par un communiqué officiel, ou un événement programmé et organisé, genre conférence de presse. Ce que en fait, à une époque pas si lointaine, on appelait tout bonnement « faire du journalisme ». Il me semble.

Honnêtement, je ne sais pas au juste qui a parti le bal. Il a pas mal été question de La Presse, mais bien d'autres n'ont pas tardé à emboîter le pas, et on voit maintenant bien d'autres, dont Le Journal de Montréal et Radio-Canada se battre eux aussi à grands renforts d' « exclusivités ». Il me semble aussi avoir vu le Huffington Post Québec y aller, récemment, de son label « exclusif » sur certaines nouvelles... Remarquez que le HuffPost est peut-être le seul média où cela peut vraiment se justifier: une mention « exclusif » permet de savoir que c'est bel et bien une nouvelle originale, et non pas du contenu repiqué ailleurs. (Pas d'offense, j'espère, chers collègues du HuffPost ;-). Barack Obama lui- même s'est permis d'en pousser une à votre grande patronne récemment; alors je me suis dit que je pouvais bien me permettre.)

Mais ai-je raison d'ironiser ainsi? J'ai fait des recherches sur ce qui, dans la confrérie journalistique, fait encore l'unanimité comme « la mère de tous les scoops » : le scandale du Watergate. Révélé par Bob Woodward et Carl Bernstein, du Washington Post. Et alors là, vive Google. Voici la page du Washington Post, avec la première histoire liée au sujet. Bien sûr à cet étape, il ne s'agissait que d'un cambriolage, mineur en apparence. Mais même la révélation, peu après, que l'incident impliquait des gens liés de près à la réélection du président Richard Nixon, n'était pas proclamé « exclusif » non plus, comme on peut le voir sous ce lien qui relate aussi toute la chronologie de l'enquête. Pas plus qu'aucune des histoires qui ont suivi. Comme on dit en anglais « you get the idea« ... (Ceux qui veulent en savoir plus sur l'épopée journalistique du Watergate auront plaisir à explorer cette section consacrée aux « Woodward and Bernstein Watergate Papers », sur le site du Harry Ransom Center de l'université du Texas à Austin.)

Je trouvais déjà que cet usage de l' »exclusif » finissait par dévaloriser le travail journalistique: tout le monde va finir par croire que c'est exceptionnel, pour un journaliste, de faire autre chose qu'un suivi à partir d'un communiqué ou d'une conférence de presse. Et puis récemment, Jean-François Dumas, président la firme Influence Communication, dans la chronique « Radiographie des médias » qu'il fait chaque semaine lors de l'émission du midi au 98,5 FM, soulevait un autre problème entraîné par ce phénomène: une sorte de « baboune médiatique » de la part de l'organe de presse qui n'a pas eu l' exclusivité. Par exemple, une nouvelle importante rapportée comme «exclusive» par Le Journal de Montréal ne sera pas reprise dans La Presse; et vice-versa. Conséquence: on ne peut plus, maintenant, acheter un journal en se disant qu'on y trouvera l'ensemble des nouvelles importantes qui retiennent l'attention à un moment donné. C'est ce que Dumas appelle l' «asymétrie médiatique ». On peut entendre la chronique ici. Et le sujet en question est traité à partir de de la neuvième minute.

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