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Oui, être mannequin, c'est un métier

Si le mannequinat n'est pas un métier, qu'on me jette la première pierre! Il m'a appris à avancer et à me challenger. Il m'a forgée et m'a permis d'être ce que je suis aujourd'hui tout en passant par un tas d'étapes plus ou moins sympas.
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Combien de claques ne se perdent pas! Chaque fois que j'entends ça, j'ai le poil qui se dresse. Bien haut! Si j'en crois ces adages, ça ferait donc huit ans que je n'en fous pas une? À plusieurs reprises j'ai déjà entendu cette affirmation, carrément fausse, et j'ai dû défendre mon bout de gras, prouver par A+B que ce n'était que supercherie!

Je vous entends déjà venir: "oui, mais bon, quand même, c'est sympa de se faire coiffer, maquiller toute la journée et de prendre la pose devant l'objectif! Et puis tu essayes des vêtements, tu rencontres des gens, tu apprends plein d'astuces au quotidien!" Alors, oui. C'est vrai. Mais c'est comme quand vous dites à une hôtesse de l'air "trop bien ton job! Tu passes ton temps à voyager et à voir du pays". Elle ne vous répondra que: "Certes (oui c'est une hôtesse polie), mais il n'y a pas que ça! C'est le côté face de la médaille". J'ai envie de vous répondre la même chose.

Ma famille était très timide à l'idée que je me lance dans l'aventure en 2008. C'est un monde qu'on ne connaissait pas, sur lequel on avait des préjugés, on n'y connaissait personne, par quel bout commencer? Et c'est seule que j'ai sauté dans le vide. Étant donné que l'univers de la mode effraie, car peu de monde y est introduit, personne ne vient nous raconter comment c'est vraiment de l'intérieur. Alors, on s'imagine que c'est:

- un monde fabuleux avec des gens bien vêtus

- facile car plaisant

- OK il y a des méchants, mais bon ..

- on sort beaucoup

- champagne

- les fringues c'est super

Et bien souvent, ça se limite à ça. Alors si en plus je fais du mannequinat, être chouchoutée entre dans les critères. J'avoue, si je ne l'avais pas vécu, j'aurais pensé comme vous.

Et pourtant! C'est bien autre chose et bien plus que tout ça! La mode est un monde à part. Stimulant, excentrique, imprévisible, brillant. J'ai adoré mon métier, mais il n'a jamais été simple. Il m'a fait douter de moi, de mes choix, il m'a mise en danger dans ma vie privée, il m'a retourné le cerveau, il m'a fait avoir confiance en moi, il m'a fait braver des obstacles que je pensais insurmontables, il m'a fait rencontrer des amis, mais aussi des ennemis, il m'a rendue bonne, et parfois mauvaise, il m'a fait comprendre comment être avec les gens bons et les gens douteux, il m'a ouvert les yeux et m'a fait grandir. Et c'est seulement après huit années que je suis capable de faire ce constat-là. En plein dans l'action, c'était compliqué d'établir ce jugement.

On n'est jamais la même personne au fil que les jours défilent, car on entend des sons de cloches différents en permanence "tu es celle dont j'ai toujours rêvé pour ma campagne!" ou encore "tu es beaucoup trop grosse, pourquoi tu persistes à faire ce métier? Suivaaaaante!" et "tu es jolie, mais bon, ton cou est trop large, ça ne va pas le faire". Après ça, comment voulez-vous savoir qui vous êtes vraiment? Les critiques physiques se déchaînent sur vous. Personne ne vous demande quel BAC vous avez, tout le monde s'en bat la coquillette, vous n'êtes qu'un corps qui a à peine eu le temps de dire bonjour. Et dire que vous êtes motivée n'y changera rien!

Vous avez le pouvoir et ensuite vous dépendez des autres. Je ne savais plus sur quel pied danser et pourtant, je m'en foutais terriblement. Je continuais à enchaîner les castings avec une foi folle! Et je sais que j'ai eu raison. Ça m'animait! C'était une drogue, car un défi permanent. Je me disais tout bas "tu sais que tu n'as pas un profil type (taille 38 et 1.72m), et pourtant ça fonctionnera. Tu es photogénique et tes cheveux donnent envie aux gens, c'est atypique, quelqu'un finira bien par te booker!" et c'est arrivé, plusieurs fois. C'est comme ça que j'ai fait mes preuves auprès de mes agences, et j'ai ainsi créé mon carnet d'adresses et des clients avec qui j'ai tissé des liens.

C'est vrai que lorsque ça marche pour une fille, c'est un métier plaisant. Attention! Je n'ai pas dit facile, j'ai dit plaisant. On enchaîne les castings (parfois jusqu'à 10 par jour à l'autre bout de la ville) dans lesquels on s'habille, se déshabille, se fait juger, se fait aimer, détester, puis on a à peine le temps d'enfiler un wraps aux légumes que l'agence nous appelle pour mettre à jour le book et le composite, pas le temps de rentrer chez soi, les pieds détruits par les talons de 12, l'agence nous renvoie à un casting de dernière minute, il peut être 20H.

On nous demande aussi de ne pas grossir, mais on ne dit rien quant au fait de maigrir, il faut idéalement rester la même pour que les photos soient fidèles, si on coupe ses cheveux on doit refaire tout son book. On rentre chez soi, en banlieue parisienne parfois (c'est loin), et on recommence une même journée. Intéressante, mais pas payée. On aura le mot final des castings que quelques jours plus tard. Et si la chance est là, on décrochera des petits boulots qui nous permettront de finir le mois. On organisera le planning comme ça:

castings/castings/castings/job/castings/castings/job/castings/castings/castings/job...

Oui, il n'y a pas de week-end. Si on veut décrocher un contrat, il faut donner de sa personne et affronter tous les directeurs de castings que l'agence dicte pour des jobs bien précis! Je m'en fichais, j'adorais ça! J'ai connu des filles qui se mettaient en journée off auprès de l'agence régulièrement les week-ends comme pour dire "ne me donnez aucun casting ni jobs je ne suis pas là", et les clients ne l'ont plus jamais rappelée. Je n'avais pas envie que ça m'arrive!

Alors peut-être que racontée comme ça sur le blogue, l'histoire semble fun. Enchaîner les castings et se balader dans Paris il y a pire! Mais ajoutez-y la pression de l'agence (qui a misé sur vous!) et le fait que vous ne savez jamais si le casting va aboutir et donc de savoir si vous allez pouvoir payer votre loyer le mois suivant. Se demander si ça ne vaut mieux pas arrêter et se caler dans une vie "normale". Si le mannequinat n'est pas un métier, qu'on me jette la première pierre! Il m'a appris à avancer et à me challenger. Il m'a forgée et m'a permis d'être ce que je suis aujourd'hui tout en passant par un tas d'étapes plus ou moins sympas. J'ai l'impression d'avoir été dans un processus de formation de vie accéléré!

Je pense aujourd'hui que je n'aurais jamais autant apprécié ma nouvelle vie plus "normale" avec un job dans un monde qui me fascine (autre que la mode) si je n'avais pas vécu ces huit années de mannequinat de cette façon.

Ce billet est également publié sur le blogue Slice of Fashion Life.

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