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Endométriose: j'ai commencé à vivre après l'ablation de mon utérus et de mes ovaires

J’ai toujours considéré cet organe et ses annexes comme des bouts de viande avariée qui pourrissaient dans mon corps depuis toujours...
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Cela fait 30 ans que je souffre d’endométriose. Elle m’a empêchée de mener une carrière, elle m’a enchaînée à ma maison, elle m’a privée de la maternité. À cause d’elle, j’ai eu de terribles douleurs qui m’ont clouée au lit pendant des années.
LaylaBird via Getty Images
Cela fait 30 ans que je souffre d’endométriose. Elle m’a empêchée de mener une carrière, elle m’a enchaînée à ma maison, elle m’a privée de la maternité. À cause d’elle, j’ai eu de terribles douleurs qui m’ont clouée au lit pendant des années.

On dit que l'endométriose est «le cancer qui ne tue pas». C'est faux. Certes, il s'agit bien du même processus que le cancer: des cellules qui se multiplient là où elles ne devraient pas se trouver. Mais l'endométriose TUE. Il y a des femmes qui meurent des suites de complications post-opératoires, après les multiples chirurgies qu'elles doivent subir. Et il y a celles qui choisissent de partir.

L'année dernière, V., une amie «endogirl», s'est donné la mort. Elle n'en pouvait plus. Elle n'en pouvait plus de sentir la maladie lui déchirer les entrailles, et la priver d'être mère.

J'étais à deux doigts de faire la même chose. J'y pensais tout le temps, chaque jour, chaque minute.

Ce qui m'a sauvée, c'est l'appel d'un grand chirurgien (un des meilleurs spécialistes en Europe), qui m'a dit que je serais opérée trois semaines plus tard.

Cette saleté a détruit une bonne partie de ma vie

Cela fait 30 ans que je souffre d'endométriose. Elle m'a empêchée de mener une carrière, elle m'a enchaînée à ma maison, elle m'a privée de la maternité. À cause d'elle, j'ai eu de terribles douleurs qui m'ont clouée au lit pendant des années.

J'ai eu quatre opérations pour essayer d'enlever les lésions qui avaient colonisé mes intestins et le reste de mon abdomen. J'ai eu quatre fécondations in vitro (FIV) pour essayer d'être mère. J'ai dû subir dix ans de traitements hormonaux absolument épouvantables. Réputé «miraculeux», le stérilet Miréna a encore aggravé les choses en me détruisant l'utérus de l'intérieur, en provoquant une adénomyose carabinée (l'adénomyose est l'endométriose qui se trouve à l'intérieur même du tissu utérin). Et en endommageant la vessie au passage.

À 42 ans, je me suis retrouvée avec comme une énorme boule de plomb bouillante à l'intérieur du ventre qui déchirait mes entrailles à chaque mouvement et lors de chaque fonction vitale.

Une douleur telle qu'elle empêche même de penser. Et des saignements abondants trois semaines et demie par mois... Et j'ai bien sûr dû faire le deuil de la maternité. Il y a une dizaine d'années, quand nos quatre FIV ont échoué, je l'ai pris sous un angle fataliste, et je suis rapidement passée à autre chose. Mais maintenant, à 42 ans, les choses sont différentes, et je souffre réellement de ne pas avoir eu d'enfants...

À quoi bon garder ces organes défectueux qui ne servent à rien?

Il m'a fallu 10 ans et de multiples étapes à franchir et épreuves à subir pour obtenir le précieux rendez-vous que j'attendais tant: celui avec un des plus grands spécialistes européens en endométriose, à l'hôpital d'Arhus au Danemark (mon pays de résidence). C'était en juin 2018.

Je me souviendrai toujours de ses tout premiers mots, avant même la consultation: «qu'est-ce que vous aimeriez que je vous dise?» Ce à quoi j'ai immédiatement répondu: «que vous allez tout enlever, qu'on en finisse une fois pour toutes».

Et puis il m'a examinée, sans un mot. Et m'a juste dit: «il faut vraiment enlever tout ça...». Il me restait toutefois un dernier obstacle à franchir: une attente d'un an et demi minimum.

Un mois plus tard, j'étais à deux doigts de mettre fin à mes jours. Je savais que je ne pourrais pas attendre plus longtemps. J'ai même fait une lettre pour ma famille... J'ai alors envoyé un courriel désespéré à l'hôpital. Et ce qui m'a sauvée, c'est l'appel — in extremis — du chirurgien qui m'a dit qu'il comprenait l'urgence de la situation et qu'il avait planifié mon opération trois semaines plus tard.

Le grand jour

Vint enfin le jour J, le 14 août dernier. Hystérectomie totale avec salpingo-ovariectomie bilatérale, soit l'ablation des ovaires, des trompes de Fallope et de l'utérus. Tout le bazar.

Après une opération de quatre heures, on m'a également enlevé un énorme kyste plein de sang potentiellement précancéreux, ainsi que des lésions dans l'abdomen. Les parois de mon utérus étaient gorgées de sang, comme une éponge, même à l'extérieur...

L'opération s'est très bien déroulée, et je n'ai ressenti aucune douleur postopératoire, absolument rien, et aucun saignement. Du très beau travail!

Curieusement, j'ai malheureusement beaucoup souffert du rein gauche dans la semaine qui a suivi l'opération, et j'ai dû aller plusieurs fois aux urgences... et c'est là qu'on a découvert que le rein était sclérosé, ravagé par l'endométriose, tout comme l'uretère gauche. Mais à part ce problème, j'ai très bien récupéré après l'hystérectomie.

Certes, l'endométriose est toujours là, prête à ressurgir. Car contrairement aux idées reçues, on ne s'en débarrasse jamais, même après une hystérectomie totale. Le foyer de l'endométriose n'est plus là, les hormones produites par les ovaires qui la nourrissaient et l'encourageaient à se répandre ne sont plus là, mais les cellules endométriales sont toujours présentes dans mon corps. Et elles fabriquent leurs propres hormones...

La vie sans utérus et sans ovaires est une véritable délivrance

J'ai toujours considéré cet organe et ses annexes comme des bouts de viande avariée qui pourrissaient dans mon corps depuis toujours... Je n'ai jamais sacralisé ces morceaux de chair sanguinolente que j'aurais voulu moi-même retirer si cela avait été possible.

Je n'ai jamais considéré mon utérus comme un «sanctuaire». Quelque part, c'est une chance, car je ne souffre pas du tout, comme d'autres patientes, de la sensation de «ne plus être femme».

D'autant plus que pour moi, la féminité est un concept qui personnellement ne m'intéresse pas, parce que je me considère plus comme personne humaine plutôt que «femme».

En revanche je souffre des effets secondaires de cette ménopause précoce et brutale, qui m'est tombée dessus du jour au lendemain... D'autant plus que je refuse de prendre le traitement hormonal substitutif, ce qui a forcément un impact sur tout mon corps.

Le fait de ne plus avoir ces organes reproducteurs qui ont détruit ma vie pendant 30 ans est une véritable renaissance, et les terribles effets secondaires de la ménopause ne sont rien en comparaison de la vie que j'avais avant.

Si j'ai écrit ce témoignage, c'est pour redonner espoir à toutes les femmes qui se posent des questions et/ou qui vont subir une hystérectomie ou une ovariectomie et redoutent cette étape. Oui, l'opération peut très bien se passer, et il est tout à fait possible de récupérer très rapidement et sans aucune douleur ni saignement, sans complications!

Je sais que, étant donné mon point de vue, je suis peut-être mal placée pour donner des conseils, mais je voudrais juste vous dire que votre féminité, votre âme, votre être, ne siègent pas dans des organes.

L'image que vous avez de vous-même en tant que femme et que vous renvoyez aux autres ne doit pas être définie par une muqueuse ou des glandes.

Le symbole de votre féminité, il est dans votre tête, votre coeur: votre féminité c'est ce que VOUS en faites.

Alors si vous souffrez énormément et qu'on vous propose «la grosse opération», «la solution radicale», ne la redoutez pas! Prenez simplement cette opportunité comme le début d'une toute nouvelle vie dans laquelle la douleur n'a plus sa place.

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