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Lettre d'une maman célibataire à MM. Foglia, Tremblay et les autres....

En fait, vu le peu de respect que vous avez pour des marâtres de mon genre, je me demande pourquoi je vous appellerais Messieurs. Ah!, ça doit certainement venir de mon éducation, cette éducation que m'a donnée ma mère, cette mère si odieuse à vos yeux qui m'a laissé à la garderie alors que je n'avais que 8 semaines... Oui! Vous avez bien lu: 8 semaines!
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En fait, vu le peu de respect que vous avez pour des marâtres de mon genre, je me demande pourquoi je vous appellerais Messieurs. Ah!, ça doit certainement venir de mon éducation, cette éducation que m'a donnée ma mère, cette mère si odieuse à vos yeux qui m'a laissé à la garderie alors que je n'avais que 8 semaines... Oui! Vous avez bien lu: 8 semaines! À l'époque, elle ne pouvait pas se permettre plus, au risque de perdre sa carrière d'enseignante. Mais je vous rassure, messieurs, je n'ai aucun souvenir de cette époque! Ce dont je me souviens, c'est que j'ai eu une mère formidable qui m'a transmise de merveilleuses valeurs. Grâce à ses encouragements, j'ai entre autres pratiqué des sports de compétition toute ma jeunesse, je me suis investie dans des organismes communautaires et j'ai activement participé à la vie sociale de tous les milieux dans lesquels je me suis retrouvée... J'ai même complété des études de deuxième cycle. Pas trop mal tournée, comme vie, non?

Mais bon, ce ne sont pas les mères de sa génération sur lesquelles vous aimez frapper avec vos mots et vers lesquelles vous pointez vos doigts accusateurs. Non. C'est vers nous, les méchantes qui ont accès à la garderie à 7 $. Je vais tout de suite casser votre bulle. Les listes d'attentes en CPE sont tellement longues que la plupart d'entre nous ni n'avons pas accès à ces fameuses garderies à 7$. En fait, oui, nous y avons accès. À condition de s'y être inscrites des années avant la conception du bébé.

LIRE AUSSI

- Une famille tissée serrée, Réjean Tremblay

- La petite enfance, Pierre Foglia

Maintenant, je vais vous parler de moi, mais c'est un cas parmi 10 autres que je connais qui - comme nous en accuse Réjean Tremblay - ont « dumpé » leurs enfants en garderie. Je suis monoparentale, la vraie mono: celle qui ne jouit d'aucun soutien financier, hormis ce que le gouvernement daigne nous octroyer. J'ai vraiment voulu prendre mon congé jusqu'au bout, mais ça n'a pas été une chose facile, car vous comprenez, je travaille dans un milieu où j'ai de la pression et dans lequel tout le monde (à l'instar de beaucoup de gens de votre génération) pense que pendant mon congé de maternité, j'étais en vacances. Durant ce congé - que j'ai passé seule (sans l'aide d'un conjoint et sans deuxième revenu) - je me suis occupée de ma fille chaque minute, chaque seconde. Je ne l'ai jamais faite garder. Elle est ma vie, la prunelle de mes yeux. Bref, même si je me répandais en explications, je me demande si vous, messieurs, vous comprendriez ce qu'elle représente pour moi.

Et ce congé a finalement pris fin. Avec 55% de mon salaire, pendant plus de 6 mois, j'étais prise à la gorge. Malgré tout, j'ai trouvé une garderie avec des éducatrices formidables (la garderie à 37$ par jour). La première journée d'intégration (2 heures), je me suis effondrée en pleurs dans la garderie, je me demandais ce que j'étais en train de faire, je voulais fuir dans une ile déserte et qu'on vive là toutes les deux. Mon cœur est arraché tous, tous les jours quand je la dépose à la garderie. Et pour traverser ma journée au travail, je pense à son grand sourire quand je vais la chercher: c'est comme ça que je survis au fait de devoir laisser ma fille en garderie.

Messieurs, je me demande si vous vous rendez compte du poids de vos tribunes respectives et de l'effet que votre jugement sévère à notre endroit ainsi que la malhonnêteté de vos propos ont sur vos milliers de lecteurs et lectrices. Si vous en avez après ce phénomène, celui qui nous oblige a laissé nos enfants en garderie, il serait peut-être plus sage de vous informer sur la condition des monoparentales ou des jeunes familles qui sont prises dans une réalité financière absolument morbide (endettement, marché du travail hostile, précarité). C'est peut-être en dénonçant le système qui nous pousse à de telles extrémités que la situation changera. Je ne crois pas qu'il y ait une seule mère qui soit enchantée de laisser son enfant en garderie. De grâce, cessez de nous accuser de subir le système.

En finissant, ma fille ne sera peut-être pas championne et médaillée d'or (qui sait ?), mais elle aura certainement une grandeur d'âme sans pareil dans sa mini famille tissée serrée parce que sa (méchante) maman qui l'a «pitchée» à la garderie l'aime plus fort que tout et s'est fait un devoir personnel de lui donner le meilleure d'elle-même, malgré la précarité de sa situation.

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