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Aménager l'espace public: le futur projet de la Promenade Fleury

Cette jeune équipe, créée de manière spontanée pour ce concours, réalisera en 2017 un concept conciliant la mémoire, l'identité, les usages actuels et les besoins de ce tronçon important d'Ahunstic-Cartierville.
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Si nous nous référons à Project for Public Spaces (PPS) - que nous pouvons qualifier de référence nord-américaine dans le domaine de l'intervention et revitalisation urbaine à l'échelle humaine - le Placemakingse définit comme une démarche collaborative enracinée dans un milieu. Le Placemaking participe à resserrer les liens entre les gens d'un milieu non pas en tant qu'aménagement d'un espace invitant à la socialisation, mais en tant que processus créatif et collectif nécessaire à sa concrétisation. En ce sens, l'espace aménagé est le résultat heureux du Placemaking ; une fois achevé, il est un «dispositif» permettant de perpétuer les relations nouvellement créées qui le sous-tend.

Le moteur d'un processus de Placemaking c'est le désir de matérialiser les identités sociales, culturelles et physiques d'un milieu par les gens qui l'habitent, soient ceux-là les plus à même de reconnaître ces dimensions et de définir ses besoins. Dès lors, les chances d'une évolution durable d'un tel «dispositif» sont favorisées par cette multiplicité d'attachements le constituant (les liens entre les individus et ces divers paramètres, mais aussi ceux des individus entre eux). Nous avons là un fondement solide pour accueillir l'interaction sociale - remède à notre ère individualisée - et inviter au renouveau de nos modes de vie en ville.

Le marché de Mumbai (en Inde): exemple d'un espace public ayant émergé des besoins et modes de vie d'un quartier.

Le Luchtsingel, le pont piéton de Rotterdam (Pays-Bas), est un autre exemple fort d'une intervention sur la ville initiée par ses citoyens, lequel est d'ailleurs partiellement financé par le crowdfounding

Nous ne pouvons que nous réjouir de la multiplication des actions visant la valorisation et l'émergence des espaces publics en ville, que ce soit le fruit d'initiatives citoyennes ou encore celui de projets d'arrondissements. Des gestes visant la régénérescence d'interactions sociales et de modes de vie plus adaptés aux impératifs des enjeux climatiques. Cependant, un manque de vision globale de coordination de ces interventions m'est apparu, cela additionné d'une lacune réflexive sur les intentions et les retombées que nous souhaitons voir poindre de ces réaménagements. Sans parler d'une utilisation de la notion de Placemaking à toutes les sauces pour valoriser certaines de ces actions sur la ville, qui n'ont pourtant rien de processuelles, comme cela est inscrit dans cette expression.

Ainsi, Montréal se voit de plus en plus peuplée de projets de mobiliers, de placettes, de placottoirs (parklets)... vides. Nous devons nous rendre à l'évidence, ces objets, seuls, n'invitent pas au rassemblement et au développement de liens sociaux. Plus souvent désertés qu'habités, ces mobiliers urbains ne sont alors rien de plus que des sculptures à travers la ville. De surcroît, cette stratégie d'interventions ne tient pas compte des quatre saisons qui se succèdent sur Montréal : nombre de ces objets doivent être retirés en période hivernale comme ils entravent le déneigement. Ai-je besoin de souligner ce que cela peut représenter en termes de coûts pour la Ville? Et ce n'est qu'un exemple.

À mon avis, il serait de meilleur emploi de transformer les espaces présentement octroyés aux placottoirs aux vélos ; que ce soit pour l'aménagement de pistes cyclables ou des stationnements pour les vélos par exemple (et laisser aux trottoirs leur vocation, la circulation piétonne!). Il me semble beaucoup plus juste de miser sur ParkingDAY pour requestionner la place de la voiture en ville. Car, cet événement sous-tend une deuxième mission d'importance : celle d'être un laboratoire d'idéations, d'apprentissages et de mise en pratique pour nos designers émergents. Il ne faut surtout pas nuire à ce genre d'initiatives qui permettent de renouveler continuellement nos idées et ainsi d'innover, tout en étant des occasions de construire l'expérience de la relève en design.

Soit nous cessons de «décorer» nos espaces pour les laisser libres afin qu'un Placemaking émerge des communautés, ce qui en fera des espaces beaucoup plus vivants que nos amas de bancs-sculpture actuels. Ou bien - car je précise que je n'avance pas ici que le Placemaking est «la» et seule façon de faire pour renouveler nos villes à l'échelle humaine -, entre autres options, considérons davantage la pratique par concours de design. La tenue de concours est certainement une approche qui vaut d'être primée par les acteurs de la ville: le concours offre plus de place aux jeunes designers. D'ailleurs, le lauréat du concours de la Promenade Fleury nous a bien démontré que la relève endosse très bien son rôle de médiateur entre citoyens et aménagement.

À défaut de poser des gestes significatifs en termes de réaménagement, laissons aux artistes la tâche d'ériger des sculptures à travers la ville.

La démarche de l'équipe lauréate de la Promenade Fleury est le parfait exemple d'une bonne pratique d'aménagement pour les habitants d'un milieu. Cette jeune équipe, créée de manière spontanée pour ce concours, réalisera en 2017 un concept conciliant la mémoire, l'identité, les usages actuels et les besoins de ce tronçon important d'Ahuntsic-Cartierville. Cela, par une recherche minutieuse sur l'histoire et l'évolution de cette artère, et en allant à la rencontre des commerçants pour sonder non seulement leurs besoins, mais d'abord et avant tout, pour les connaître: qui sont-ils et qu'est-ce qui les intéresse?

Ce processus les a menés vers une proposition distinctive en réponse à la demande de la SDC de la Promenade Fleury: une Courtepointe (voir image ci-dessous). Chacune des courtepointes qui seront érigées racontera un fragment de l'histoire de la rue Fleury et de ses environs. Ces pans verticaux s'élèveront ponctuellement sur la Promenade de manière à ce que petits et grands, tout en puisant à même les souvenirs des commerçants, puissent se raconter Fleury tout au long de l'année. Voilà une intervention sur l'espace public ayant germé à partir d'une réflexion programmatique ; un programme immanent aux objets qui génèreront réellement des interactions sociales.

Ce réaménagement de la Promenade Fleury offrira un nouveau type d'expérience de nos espaces en ville: un prétexte à la discussion; un nouveau mode de contemplation dans une posture autre qu'assise; une déambulation possible toutes les saisons, et je dirais même une expérience favorisée en hiver! En effet, imaginons quelques passants absorbés par une Courtepointe, mais à un certain moment, transis de froid; nous pouvons alors espérer qu'ils se retourneront vers un commerce adjacent pour poursuivre leurs discussions. L'effet Courtepointe pourra même se transposer à l'échelle du quartier, tel un agencement des fragments de mémoires y étant éparpillés: des voisins longtemps inconnus, dont l'histoire est pourtant intriquée à celle du quartier, pourront enfin nouer des liens, car ils auront enfin l'opportunité de partager leurs souvenirs.

Ci-dessus, deux alternatives pour développer des espaces publics générateurs d'interactions sociales. Un regard bien loin d'être exhaustif sur les possibilités pour refaire la ville, mais j'espère démontrant bien la différence entre produire un «objet» urbain ou créer un «dispositif» social. Soyons plus conséquents dans le choix de nos processus d'intervention, mais aussi de nos mots pour en parler. Montréal n'a rien à envier en termes d'innovation sociale, et ce, dans de multiples domaines, nous n'avons pas besoin d'user du mot Placemaking à mauvais escient pour flatter notre entrepreneuriat social. À défaut de poser des gestes significatifs en termes de réaménagement, laissons aux artistes la tâche d'ériger des sculptures à travers la ville. Ces derniers habilleront certainement mieux nos coins de rue d'œuvres d'art portant de réelles critiques des gestes sur la ville.

Enfin, je félicite la SDC de la Promenade Fleury du choix de tenir un concours en vue de revitaliser leur artère commerciale. D'une part, considérant l'accès difficile aux concours d'architecture pour les agences émergentes, ceux portant sur des installations dans l'espace public deviennent alors de belles alternatives pour la relève. D'autre part, prendre ainsi part à ce mouvement est surement d'un grand soutien au combat du Bureau du design pour un accroissement de la tenue de concours en design de manière générale.

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