Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Vol au-dessus d'un nid de coucou: folie et marginalité

C'est de l'excellent matériel pour des comédiens avec ces rôles juteux et parfois spectaculaires qui ne sont pas exempts de profondeur.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Ce fut un livre publié en 1962. La pièce suivit en 1963 et le film en 1975. Et je peux dire que mon expérience de Vol au-dessus d'un nid de coucou est maintenant complète après avoir vu la version théâtrale sur la scène du Rideau Vert.

C'est une bonne pièce de Dale Wasserman, comme le roman de Ken Kesey et le film de Milos Forman l'étaient. C'est de l'excellent matériel pour des comédiens avec ces rôles juteux et parfois spectaculaires qui ne sont pas exempts de profondeur. Des rôles aussi qui permettent de réfléchir sur la marginalité, ce qu'on appelle dans certains cas la folie, et sur une société qui ne supporte pas la différence dans les comportements, la façon de penser ou de voir le monde.

Bien sûr qu'on ne peut s'empêcher d'évoquer Jack Nicholson qui incarnait Randle McMurphy au cinéma. Dans ce rôle, Mathieu Quesnel s'en tire fort honorablement en déployant une énergie maniaque et une présence physique imposante à travers ce personnage qui refuse l'autorité et la conteste de toutes les façons possibles. C'est lui l'électron libre qui sème la pagaille dans cette aile d'un hôpital psychiatrique où, étonnamment, la plupart des patients se trouvent là volontairement. Julie Le Breton en Garde Ratched apporte à sa composition la froideur et la rigidité requise, mais... seulement ça. Il manque à son jeu une subtilité qui donnerait à cette femme une autre dimension. Dans son royaume étriqué où elle règne en dictatrice absolue, où elle se complait à humilier et à avilir, cette stérilité, cette sexualité réprimée et cette discipline insensée ne sont le pendant de rien du tout. Julie Le Breton joue sur un seul ton, avec une seule expression et avec un mur impénétrable érigé autour d'elle. J'aurais aimé discerner la faille de cette forteresse.

Les comédiens qui incarnent les patients sont tous formidables.

Les comédiens qui incarnent les patients sont tous formidables. Sylvio Archambault, Stéphane Demers, Justin Laramée, Frédérick Tremblay sont parfaits. Jacques Girard en Cheswick, Philippe David en Martini et surtout Renaud Lacelle-Bourdon en Billy sont remarquables. Ce personnage de Billy, dont Lacelle-Bourdon traduit toute la fragilité, est le plus attachant. On ne peut que ressentir de la pitié devant ce jeune homme que la mère a complètement annihilé et dont Garde Ratched poursuit l'œuvre. De son côté, Jacques Newashish, le Chef Bromden, est une révélation. Ce colosse tendre et muet occupe un espace à la fois concret et évanescent dans ce texte. Il assume ce rôle avec une sagacité mystérieuse et toutes les scènes où il se retrouve seul parlent avec force de l'aliénation de ce personnage et de sa culture amérindienne.

La mise en scène de Michel Monty est par moment énergique et s'attarde à démontrer le surréalisme de la situation, mais le début est un peu statique; on prend du temps à installer cette dynamique tordue entre des patients psychiatrisés qui vivent de leur plein gré dans cet environnement hypercontrôlé sous l'influence délétère d'une garde Ratched castratrice. Le décor d'Olivier Landreville, qui représente une salle commune d'hôpital aux murs pelés et flanqués de fenêtres d'inspiration gothique, nous rappelle les conditions de vie des patients dans les asiles. Saint-Jean-de-Dieu vient tout de suite en tête. Les médicaments, la camisole de force chimique, l'utilisation des électrochocs et de la lobotomie ne peuvent que résonner dans un univers, où il n'y a pas si longtemps, c'est ainsi que l'on traitait des gens qui n'étaient peut-être pas si fous que ça après tout.

Les dernières quarante minutes de la pièce sont les instants où tout se cristallise, où une mise en scène survoltée se met au service de cette histoire de folie et de défi de l'autorité. C'est à ce moment aussi que les comédiens donnent tout ce qu'ils ont. Et la dernière scène où McMurphy devient l'agneau sacrificiel, le martyr qui trace la voie pour les autres, est chargée de signification. Il a perdu, oui, mais il a aussi gagné. Tout comme le Chef, voix silencieuse qui parle à voix haute.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.