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La traversée de la mer intérieure est desservie par une mise en scène navrante

Il y a de bonnes idées dans la pièce de Jean-Rock Gaudreault, des thèmes intéressants et un personnage principal comme on en voit peu au théâtre. Mais, hélas, le tout est desservi par une mise en scène navrante et sans imagination.
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Il y a de bonnes idées dans cette pièce de Jean-Rock Gaudreault, des thèmes intéressants et un personnage principal comme on en voit peu au théâtre. Mais, hélas, le tout est desservi par une mise en scène navrante et sans imagination.

Rosaire Bouchard (Michel Dumont, convaincant dans le rôle) est en ancien député indépendantiste, conservateur et réactionnaire (car on peut être tout cela à la fois) qui tente un retour en politique. Il y a quelques invraisemblances qui colorent le personnage, le fait entre autres qu'après la mort de sa femme il a voyagé partout dans le monde mais qu'il n'a pris le métro à Montréal qu'une seule fois en 1967... Rosaire est un politicien de la vieille école qui parsème son discours de jokes de mon oncle. Sa réflexion sur les préoccupations écologiques de la population se résume à dire que le réchauffement climatique amènera davantage de touristes à la plage de Saint-Gédéon. On comprend qu'il a été un indésirable au sein de son propre parti, toujours député, jamais ministre et qu'il s'est aussi servi à l'occasion de sa position pour favoriser des amis ou des membres de sa famille.

Rosaire est épaulé dans sa campagne électorale par sa fidèle secrétaire, Madame Lemieux (Pauline Martin, égale à elle-même) à qui incombe la part des dialogues les plus insignifiants. Pour brasser la cage, le parti lui envoie un spin-doctor (Pierre-François Legendre, qui s'en tire bien) afin de convaincre notre dinosaure de l'importance des réseaux sociaux et d'une équipe de bénévoles dévoués prêts à tout pour faire sortir le vote. Ajoutez à tout cela l'arrivée d'un ex-conseiller de René Lévesque, Paul-Émile Robillard (Marc Legault, sous-exploité) très diminué physiquement et parfois intellectuellement, mais qui sera l'étendard de l'idéologie qui anime toujours Rosaire Bouchard.

Le Lac-Saint-Jean, et plus précisément Péribonka où se déroule l'histoire, est un terreau riche, il va sans dire. Puisque je connais bien la région, je peux dire que toutes les observations et allusions frappent dans le mille, du constat qui veut que le Saguenay-Lac-Saint-Jean soit véritablement un royaume qui devrait se séparer du reste de la province à la rigolade qui entoure la sculpture qui se trouve devant le Musée Louis-Hémon de Péribonka et dont on peut questionner la pertinence. Une région, aussi, où les pauvres ont des chalets et un pick-up, ce qui est tout de même quelque chose même si on ne possède que cela, et où la mentalité a été influencée par une nature sans merci et par l'immensité de ce lac qui ne cale qu'au mois de mai et qui définit tout l'horizon. Le décor rend très bien cet esprit : un chalet au bord du lac, des couchers de soleil incroyablement beaux, une étendue d'eau vaste comme un océan. On ne peut pas vivre dans des paysages comme cela et penser petit.

On assiste ici à un conflit des générations, à deux visions du monde, à une nouvelle guerre entre les Anciens et les Modernes. Cela donne lieu à des échanges truculents entre le vieux politicien ratoureux et le résolument post-moderne conseiller politique. Mais pour quelques bonnes répliques, il y a aussi beaucoup de clichés dans la pièce de Jean-Rock Gaudreault. Et, comme je le disais plus haut, la mise en scène est affligeante. Mon compagnon pour la soirée l'a très bien exprimé en disant que c'est une mise en scène de téléroman. Il n'y a aucun souffle, aucune inspiration dans le travail de Monique Duceppe qui, je crois, était sur le pilote automatique lorsqu'elle dirigeait les comédiens. Ce qui devrait être le moment fort de la pièce, ce discours passionné sur l'indépendance de Paul-Émile Robillard, tombe à plat et devient un exercice scolaire parce qu'il n'est aucunement mis en valeur. Toute la mise en scène manque singulièrement de dynamisme.

Mais Jean-Rock Gaudreault exploite ici un filon intéressant. Rosaire Bouchard n'est ni à la bonne place, ni à la bonne époque. Une mine d'or pour un dramaturge que des hommes comme lui qui plongent dans leurs souvenirs et se voient, avec le recul, rétrécis par le temps, transformés en un point minuscule posé sur l'horizon. Un horizon qui, toutefois, ne sera jamais délimité par le rivage du Lac-Saint-Jean.

La traversée de la mer intérieure est présentée au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 7 décembre 2013

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Avril 2018

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