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Traces, des 7 doigts de la main: de l'humanité à revendre

'aime réaliser que mon regard est toujours capable d'étonnement. Et devantque présentent Les 7 doigts de la main à La Tohu, cette capacité se révèle exacerbée alors que le spectateur se retrouve avec ravissement captif de géographies des corps que l'on croirait au premier abord impossibles.
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J'aime réaliser que mon regard est toujours capable d'étonnement. Et devant Traces que présentent Les 7 doigts de la main à La Tohu, cette capacité se révèle exacerbée alors que le spectateur se retrouve avec ravissement captif de géographies des corps que l'on croirait au premier abord impossibles.

L'éloquence du mouvement me laisse toujours sans voix, que ce soit au ballet ou au cirque. C'est comme regarder les Olympiques, (bientôt, bientôt) où, par un tangible phénomène d'identification, nous vivons les exploits et les victoires de nos athlètes par procuration. Vous et moi, en tout cas certainement moi, serions bien incapables de nous livrer aux performances remarquables de ces jeunes gens qui ont sacrifié leur vie sur l'autel de la perfection du geste. Mais il y a des humains qui sont quasi parfaits. Je ressens à la fois de la fierté et de l'humilité devant eux : j'appartiens à la même race, mais ils sont capables d'accomplir des choses qui relèvent pour moi de l'impossible.

Traces est un spectacle magnifique qui vous laissera comblé, heureux même. Cela tient pour beaucoup, je crois, à l'humanité qui s'en dégage. C'est la première fois que j'entendais les acrobates parler d'eux-mêmes. À tour de rôle, ils nous donnent leur date et lieu de naissance, plus tard ils se définiront en trois mots ou par une anecdote, dont la mort d'un hamster qui a sérieusement traumatisé l'un d'entre eux. C'est mignon comme tout et plein de fraîcheur. Ils ne sont plus simplement d'incroyables machines qui relèvent d'audacieux défis, ils deviennent des êtres attachants qui ont vaincu l'égoïsme, la solitude et le désenchantement. De quoi nous inspirer tous.

Et inspirés nous le sommes, entre autres avec le numéro de main à main de Diego Rodarte-Amor et Anne-Marie Godin, lui fort et costaud, elle toute menue, qui se livrent à d'improbables prouesses sur une musique de Seth Stachowski qui n'est pas sans rappeler un vieux film western : rythmée, mais avec un fond de mélancolie. D'ailleurs toute la musique accompagnant les numéros est parfaitement choisie, elle contribue à nous emporter et à nous faire vibrer. Lucas Boutin, lui, a apprivoisé le mât chinois d'une façon totalement originale. Ce qu'il fait en défiant toutes les lois de la gravité est à couper le souffle. Il y a aussi des planches à roulettes dont l'utilisation laissera rêveur plus d'un adolescent, un numéro avec un ballon de basket et un autre avec les anneaux chinois qui nous laisse stupéfaits.

Tout cela est assorti de clins d'œil, d'humour, de chansons, de musique jouée au piano, ils ont tous les talents, que voulez-vous et leur charme irrésistible se conjugue dans de nombreux univers. En ce qui me concerne, le numéro qui m'a le plus séduite est celui d'Anne-Marie Godin qui s'évertue à lire un livre (oui, oui, un vrai livre) dans un fauteuil qui semble jouir d'une vie propre et qui se renverse constamment, la forçant à adopter les positions les plus invraisemblables afin de continuer sa passionnante lecture. C'est drôle comme tout et j'ai singulièrement apprécié qu'on intègre la lecture, la culture quoi, à un numéro de contorsionniste.

Les exécutants de spectacles comme celui-ci demeurent trop souvent des figures anonymes, et ce malgré leurs prouesses physiques. Grâce à Traces je peux mettre des noms sur des corps et des visages: Anne-Marie, Diego, Lucas, Fletcher, Mathieu, Renaldo, LJ, ne sont plus des concepts désincarnés. Ils ont pris une épaisseur et une substance, une densité qui va au-delà de leurs extraordinaires habiletés. Ils sont excellents dans ce qu'ils font, mais après tout ils sont aussi comme nous et cela veut dire que, parfois, ils ne se remettent pas de la mort d'un hamster.

Traces est présenté à La Tohu (avec des supplémentaires) jusqu'au 4 janvier 2014.

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