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Terminus: vivre une catharsis

C'est un univers glauque, horrifiant et sans pitié qui est décrit dansoù même muni des meilleures intentions, on sombre dans la violence la plus abjecte.
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Je n'ai absolument aucun reproche à faire à Terminus, cette production de La Manufacture présentée à La Licorne, un texte du dramaturge irlandais Mark O'Rowe, parfaitement traduit par Olivier Choinière et mis en scène impeccablement par Michel Monty.

Les trois comédiens, Martine Francke, Alice Pascual et Mani Soleymanlou possèdent toute l'intensité nécessaire pour rendre cette histoire tordue composée d'épisodes d'un réalisme totalement cru et d'autres moments complètement surréalistes, tenant du rêve éveillé et de la réflexion métaphysique. Mais c'est une pièce très, très particulière. Je ne peux pas dire que j'ai aimé cela, mais je peux avancer que j'en suis sortie passablement perturbée.

Les personnages d'abord. Il y a cette femme d'âge mûr, ex-enseignante (Martine Francke), qui fait du bénévolat dans un centre de prévention du suicide. Un soir, elle reçoit un appel et croit reconnaître une de ses étudiantes qui est enceinte et veut se tuer. Elle part à sa recherche et va vivre des épisodes d'une violence inouïe en tentant de rescaper cette fille tombée dans une effroyable marginalité.

Alice Pascual incarne de son côté une jeune fille habitée par une incommensurable colère qui va se retrouver dans une situation impossible (et complètement surnaturelle) après un enchaînement d'événements vécus lors d'une soirée entre amis.

Mani Soleymanlou est le psychopathe amateur de pastilles au miel qui a fait un pacte avec le diable et qui trouve son pied à trancher des carotides et à éviscérer des femmes, choses qu'il nous raconte le plus naturellement du monde avec des pointes d'humour macabre.

Tous ces personnages, qui ont un lien entre eux, ont fait des mauvais choix et sont hantés par le mal, celui qu'ils subissent et celui qu'ils imposent et dans leur monde sordide, je ne suis pas sûre qu'il existe une forme de rédemption à portée de leur main.

Je parlais de la production un peu plus haut. Les projections vidéo de Johnny Ranger, qui illustrent les propos des personnages et recréent certains des événements décrits, sont remarquables avec leur beauté crue, le noir et blanc utilisé, le gros grain de la photographie. Couplé avec la sobriété de la mise en scène de Michel Monty, l'effet produit est saisissant. Et il en faut un peu de sobriété puisque le texte de la pièce est un tel amas de propos d'une incroyable violence. Mais peut-être c'est moi qui ai l'âme trop sensible.

C'est un univers glauque, horrifiant et sans pitié qui est décrit dans Terminus où même muni des meilleures intentions, on sombre dans la violence la plus abjecte. Les personnages sont profondément tout croches, ce qu'ils vivent est terriblement sanglant ou très, très bizarre. C'est un film d'horreur, mais au théâtre, à peine supportable parfois tellement les descriptions sont graphiques. Oui, oui, je sais, la dualité de l'ange et de la bête, la chute de Lucifer, Milton et Paradise Lost, mais Mark O'Rowe en beurre épais.

Je suis sortie du théâtre hébétée, me disant que je venais de vivre une catharsis, incapable de prendre davantage d'émotions et de descriptions de la fange dans laquelle se vautre l'humanité, curieusement désensibilisée, littéralement anesthésiée par tout ce que je venais d'entendre et de voir. Dans la mythologie, le dieu romain Terminus est le dieu des frontières, un dieu symbole de l'harmonie qui devrait régner entre voisins. Dans la pièce de Mark O'Rowe, ce sens est détourné, c'est le moins qu'on puisse dire, puisqu'il n'existe pas, semble-t-il, de bornes entre les notions de bien et de mal, ces bornes qu'on ne devrait pas dépasser en société. Est-ce que Terminus vaut la peine d'être vu? Oui. Mais laissez-moi vous dire que ça vous décroche le pompon pas à peu près.

Terminus, un ne production de La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 29 octobre 2016.

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