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«Stop the tempo»: génération perdue

C'est le portrait d'une génération perdue dont la vie n'a pas de sens, de jeunes gens sans passion, aliénés, qui ne trouvent aucun plaisir à leur existence et qui croient, naïfs, s'attaquer à l'ordre social alors qu'ils ne revendiquent rien.
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Il y a toutes sortes de formes de terrorisme. Celui que choisissent les trois jeunes gens de Stop the tempo, présenté dans la Salle intime du Prospero, est plutôt soft quand on y pense. Ils vont dans des bars et des discothèques et coupent le courant. Provoquant ainsi une légère panique, mais à ce que l'on sache, il n'y a pas de morts ou de blessés, seulement le désagrément de voir sa soirée gâchée. Ce trio, un garçon et deux filles, s'est rencontré par hasard, tous trois paumés, errant sans but de bar en bar. Après avoir décidé de faire un trip à trois, dont personne en fait n'a vraiment envie, ils décident de passer à l'action et de poser des coups d'éclat. En créant l'obscurité.

Il y aurait pu y avoir dans ce texte de la dramaturge roumaine Gianina Carbunariu davantage d'opposition entre cette obscurité et la lumière. Mais c'est le côté sombre qui domine. Disons tout de suite que les trois jeunes comédiens qui endossent ces personnages sont tous excellents : Lucien Bergeron, Marie-Josée Samson et Marie-Ève Morency (qui pour sa part possède une présence très forte) sont plausibles et attachants. Mais je n'ai pas compris ce qui les motive, pourquoi ils agissent comme ils le font. Ils sont des enfants de l'après Ceausescu, ils ne croient dans rien, ne veulent vraisemblablement pas se faire happer par le matérialisme ambiant qui semble tout dominer. Mais ils n'ont pas non plus de rêves ou d'idéaux, ils veulent déstabiliser des symboles, ces clubs et ces bars où la jeunesse se rend pour faire la fête, boire et consommer des drogues, pour oublier bien sûr. Mais on remplace cela par quoi?

L'espace et la proximité de cette salle sont bien utilisés par la mise en scène de Michel-Maxime Legault. Musique et éclairages nous plongent dans cet univers très particulier, un peu crado, pas mal trash, ces endroits où la jeunesse va s'éclater. Par contre, je n'ai pas trouvé, à part les affiches qui tapissent les murs de la Salle intime, qu'il y avait beaucoup de Roumanie dans Stop the tempo; une allusion à Bucarest, oui, des noms de bars et de clubs anglais, interchangeables et qu'on peut trouver dans le monde entier, quelques autres références dans les projections qui sont faites régulièrement sur les t-shirts des comédiens, projections que je n'ai pas très bien pu voir à cause de l'endroit où j'étais assise... Cela tient peut-être à l'adaptation de David Laurin dont la langue est très québécoise, y compris les allusions scatologiques qui ont fait bien rigoler certains spectateurs. Bien sûr qu'il y a une universalité dans le propos de cette jeunesse déjantée en quête d'on ne sait trop quoi, mais pour ce qui est de le fixer, ce propos, dans une géographie et une sociologie, ça n'a pas marché pour moi. Il n'y avait pas suffisamment de repères précis, on aurait pu remplacer le nom de la ville par n'importe lequel autre, ainsi que les affiches. Mais peut-être que c'était cela le but aussi.

C'est le portrait d'une génération perdue dont la vie n'a pas de sens, de jeunes gens sans passion, aliénés, qui ne trouvent aucun plaisir à leur existence et qui croient, naïfs, s'attaquer à l'ordre social alors qu'ils ne revendiquent rien. C'est un constat bien pessimiste où le désœuvrement et le nihilisme mènent à une fin tragique et où on a la très nette impression que ces destins tordus n'ont servi à strictement rien.

Stop the tempo : Une production du Théâtre de l'Embrasure, à la salle intime du Prospero jusqu'au 12 décembre 2015.

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