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«Somnambules»: un ailleurs accessible

Les spectateurs ont l'impression de se retrouver dans un ailleurs autrement inaccessible, un ailleurs où l'imaginaire tient le haut du pavé et où les codes habituels n'ont plus cours.
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«Somnambules» est une histoire trop folle pour être réaliste, mais assez mythique pour être vraie.
Maxime Côté
«Somnambules» est une histoire trop folle pour être réaliste, mais assez mythique pour être vraie.

Le fil narratif est très ténu dans cette nouvelle production du Théâtre à Corps perdu, Somnambules, librement inspiré par le roman Les enfants terribles de Jean Cocteau. J'ai lu ce roman il y a très, très longtemps et j'aurais dû me rafraîchir la mémoire, car Paul, Dargelos et Élizabeth incarnés ou désincarnés dans Somnambules par Cindy et Carl ont semé beaucoup de confusion dans mon esprit. Heureusement, d'autres éléments de séduction ont remplacé cette trame narrative un peu déficiente.

Il faut se rendre dans un endroit quasi secret, une immense maison près de l'hôpital Sainte-Justine, pleine de coins et de recoins (l'évocateur nooks and crannies anglais est tout à fait de mise ici).

Une douzaine de personnes à la fois assistent, dans une expérience immersive, à une représentation théâtrale tout en se déplaçant de pièce en pièce à intervalles réguliers alors que changent les époques.

Nous accompagnent dans ce parcours Cindy et Carl, d'abord enfants, puis adolescents et finalement adultes. Comme deux anges tutélaires, Marie Cantin et Alain Fournier apparaissent en vrai ou en projection: peut-être Paul et Élizabeth, peut-être Cindy et Carl, ou un mélange des deux au couchant de la vie. Et ils sont merveilleux. Sylvie de Morais et Étienne Pilon sont aussi fort convaincants en Cindy et Carl devenus adultes et aliénés l'un de l'autre. Et les enfants sont très bien aussi.

La scénographie de Fruzsina Lanyi et les projections de Sylvio Arriola occupent ici une place très importante. Certaines pièces de la maison sont complètement transformées, et celle où se joue la conclusion provoque une indéniable surprise. Mais scénographie, projections et éclairages contribuent surtout à créer l'atmosphère étrange, un peu délétère, qui caractérise ce parcours.

Les spectateurs ont l'impression de se retrouver dans un ailleurs autrement inaccessible, un ailleurs où l'imaginaire tient le haut du pavé et où les codes habituels n'ont plus cours.

C'est à la fois fascinant et dérangeant et c'est là, je crois, le but de cet exercice. Laissez-moi préciser que pendant les 90 minutes de cette déambulation, on ne voit pas le temps passer, le spectateur devenant un peu lui aussi acteur en se faisant happer par la proximité avec les comédiens, oubliant le manque de clarté de l'histoire pour se laisser gagner par le lieu et l'étrangeté qui en émane.

C'est dans un lieu comme celui-là que des enfants peuvent se permettre de transgresser les règles.

Et ça cogne, ça frappe les tables et les planchers et les murs, et ça crie. Et ça se livre à des jeux interdits dans une progression visant l'évasion, mais qui va se révéler une prison. À travers tous ces jeux, l'inquiétude, la douleur, la fatalité qui empêchent de regarder ailleurs afin de trouver une échappatoire.

Les personnages de la pièce sautent d'une branche à l'autre, mais toujours dans le même arbre. C'est peut-être là où finalement Cocteau est plus présent: dans cette difficulté d'être, dans ce mensonge qui dit toujours la vérité dans ce monde où Cindy et Carl semblent se retrouver par inadvertance. C'est ce qui fait de Somnambules une histoire trop folle pour être réaliste, mais assez mythique pour être vraie.

Somnambules: Une production du Théâtre à Corps Perdu, dans un lieu secret qui est révélé la veille de la représentation aux détenteurs de billets, jusqu'au 31 mars 2019.

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