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«La Société des poètes disparus»: la poésie au pouvoir!

C'est vers leur propre vérité que le professeur Keating va amener ses étudiants, un univers transformé selon les désirs de leurs cœurs. En ce sens, le message de la pièce tient toujours.
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Le résultat est prenant du début à la fin.
Gunther Gamper
Le résultat est prenant du début à la fin.

Un metteur en scène interprète la pensée de l'auteur. Sébastien David le fait brillamment avec La Société des poètes disparus au Théâtre Denise-Pelletier, une œuvre-culte qui, bien que campée dans les années 1950, résonne toujours avec acuité auprès des jeunes et des adultes. Et je crois que cela tient au fait qu'il y a plusieurs couches de sens dans ce texte et que cette production nous le fait découvrir.

On se souvient tous d'un professeur qui a marqué notre parcours académique: toujours passionné, parfois excentrique, cette figure d'autorité a quelques fois influencé ce que nous allions devenir, avec bonheur souvent.

C'est ainsi que Monsieur Keating (Patrice Dubois) nous apparaît dans la pièce: défiant les conventions, il entre dans la classe en sifflant l'Hymne à la joie de Beethoven, demande aux élèves d'arracher les pages d'un manuel qui ramène la poésie à un exercice sévèrement réglementé et, bien sûr, grimpe sur les bureaux.

Son but n'est pas de choquer, mais bien d'amener ces jeunes hommes à penser par eux-mêmes et à regarder les choses d'un point de vue différent. Séduits, les jeunes gens reprendront le flambeau de cette Société des poètes disparus dont ils se feront les disciples, se réunissant le soir dans une grotte afin de lire de la poésie et de, peut-être, mieux appréhender le monde.

La scénographie minimaliste de Jean Bard composée de marches d'escalier laisse la place à la vision du metteur en scène et aux beaux éclairages de David-Alexandre Chabot, des éclairages qui soutiennent et soulignent les émotions contenues dans le texte de Tom Schulman qui a lui-même adapté pour le théâtre son scénario de 1989.

Maryse Warda, comme toujours, en a fait une impeccable traduction. De son côté Sébastien David fait la part entre le réalisme des situations et un certain onirisme, demandant une grande implication physique de la part des comédiens tout en utilisant les ombres chinoises afin de démontrer toute la brutalité d'une époque et d'un milieu qui ne tolère pas la différence.

Le résultat est prenant du début à la fin.

Évidemment que le directeur de l'école, Paul Nolan (Jean-François Casabonne, excellent pour rendre toute la rigidité et le manque d'imagination de ce personnage) désire éradiquer les velléités de fantaisie manifestées par cet étrange professeur, tout comme Monsieur Perry (Gérald Gagnon) s'en remet à une école militaire pour enlever à son fils le goût de faire du théâtre (non, mais, qu'est-ce que c'est que ces folies?) et je crois que c'est ici que l'on trouve un sous-texte.

La pièce parle de la poésie, oui, mais je crois qu'en demi-teinte on peut percevoir aussi la peur de l'homosexualité, la peur de la différence, symbolisées par tout ce qui touche de près ou de loin à une forme d'art.

En éliminant ces élans susceptibles d'amener un questionnement, les figures d'autorité veulent ainsi s'assurer que ces jeunes garçons entreront dans le moule tout préparé pour eux et qu'il n'y aura aucune divergence de quelque nature que ce soit.

La pièce nous propose une distribution mettant en relief de jeunes créatures déjà endommagées qui se cherchent: ils sont pleins de vitalité, mais n'ont pas encore de personnalité. C'est vers leur propre vérité que le professeur Keating va les amener, vers un univers transformé selon les désirs de leurs cœurs. Le message de La Société des poètes disparus tient toujours.

Ce que nous ne pouvons exprimer parce que nous n'en avons pas le talent, des poètes l'ont fait avant nous. De Walt Withman à Robert Frost, en passant par Ronsard dont le «Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie» est aussi un carpe diem, il est bien d'envisager que la parole des poètes puisse nous sauver des stratosphères d'inanité auxquelles nous sommes confrontés. Comme le dit le Professeur Keating à ses étudiants: «vous serez juste une gang de gars assis, à lire des poèmes».

Oui, mais pas seulement.

La Société des poètes disparus: au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 26 avril 2019.

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