Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Simone et le whole shebang»: pipeline et désespoir

Eugénie Beaudry, l'auteur de, confirme le talent de cette jeune dramaturge qui a le rare don de créer des personnages à la fois ordinaires et inouïs.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Eugénie Beaudry, l'auteur de Simone et le whole shebang qu'on pourrait traduire librement par Simone et toute la patente, confirme le talent de cette jeune dramaturge qui a le rare don de créer des personnages à la fois ordinaires et inouïs.

Sur la scène du Théâtre Denise-Pelletier, Simone, Simone-Alice et Jesse White recréent un univers en perdition où rien ne va plus, une communauté qui a perdu son sens en même temps qu'elle a perdu son moteur économique. Un thème que l'on retrouve dans Le trou , une autre pièce d'Eugénie Beaudry que j'ai vue il y a deux ans au Prospero et que j'avais beaucoup aimée.

C'est à Fort McMurray en Alberta que ça se passe, où un boom d'emplois super payants liés à l'exploitation du pétrole a attiré des travailleurs de tout le pays. Simone-Alice (Eugénie Beaudry) est mariée à un anglophone, Peter (Robin-Joël Cool) qui travaille dans les champs de sable bitumineux et qu'elle ne voit qu'épisodiquement. Elle fait venir sa mère, Simone (Louise Bombardier), de Montréal. Simone est une comédienne qui a connu son heure de gloire, au théâtre et à la télévision (elle a joué Mademoiselle Julie de Strinberg et un des rôles principaux dans Le Clan Beaulieu) mais est maintenant alcoolique et sans argent en plus, à l'occasion, de perdre la tête. Sa fille l'installe dans une résidence pour personnes âgées où Simone va faire la connaissance de Jesse White, un Acadien de 70 ans qui parle chiac et qui est confiné à une chaise roulante. Les échanges entre les deux sont savoureux. Simone va se trouver, étonnamment, des affinités avec ce Jesse grincheux qui dit les vraies affaires.

De son côté Simone-Alice se soumet à des traitements de fertilité, car elle veut désespérément un enfant. Les échanges téléphoniques avec Peter sont souvent acrimonieux, elle lui reproche son pick-up de cent mille dollars et le peu d'intérêt qu'il manifeste devant ses problèmes à elle.

Avec sa mère, ce n'est pas non plus l'harmonie. Simone ne sait pas, n'a jamais su qui est le père de sa fille, ayant connu une jeunesse pas mal échevelée et sa personnalité narcissique en quête perpétuelle de reconnaissance publique n'en a pas fait la mère la plus aimante et présente qui soit.

Les quatre comédiens sont tous fabuleux. Louise Bombardier est divine en diva déchue. Eugénie Beaudry est parfaite en fille et femme qui veut bien faire et qui se trompe lourdement dans ses choix. Vincent Bilodeau est incroyable dans ce rôle de Jesse White, nostalgique d'une jeunesse où il était un beau garçon qui chantait et séduisait tout ce qui bougeait.

Le seul bémol que je peux formuler c'est la confusion que j'ai ressentie pendant une bonne vingtaine de minutes au début de la pièce alors que Robin-Joël Cool joue deux rôles: celui de Peter, le mari de Simone-Alice, et Jesse White à 35 ans. Je ne comprends pas pourquoi on n'a pas enregistré les interventions de Peter, qui sont ponctuelles et courtes, lorsqu'il téléphone à sa femme. Ça m'a pris un bon moment (et à ma complice de ce soir-là aussi) avant de comprendre que le comédien (par ailleurs excellent) endossait deux personnalités. Oui, c'est écrit dans le programme (en tout petit), que le comédien joue deux rôles. Mais je crois que cela devrait s'exprimer de façon limpide lorsqu'on est assis dans la salle. Ce qui n'est pas le cas et je crois que c'est un choix de mise en scène discutable.

Mais je suis persuadée qu'Eugénie Beaudry est l'une de nos jeunes auteurs les plus prometteurs. Elle est en train de construire quelque chose d'unique avec ces préoccupations qui tentent d'exprimer l'essence de ce que veut dire le déracinement. Et avec ces personnages extraordinaires à qui elle donne vie sur papier et sur scène et qui sont absolument convaincants et terriblement attachants, je crois qu'elle a le bon filon. Et sur fond de pipeline, elle donne une finale à sa pièce qui va permettre à Simone (et à toute sa patente) de faire une dernière sortie de scène spectaculaire, à la hauteur de ce qu'elle aurait souhaité.

Simone et le whole shebang, une production du Laboratoire théâtre, au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 23 avril 2016.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Samedi 26 mars à 19:30

Journée mondiale du théâtre 2016

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.