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Quoi de neuf? Molière!

Cette production est remarquable à tout point de vue. Claude Poissant nous propose une pièce d'une drôlerie irrésistible mettant en valeur le talent de tous les comédiens qui se retrouvent sur scène.
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Quoi de neuf? Molière!

Sacha Guitry répondait ainsi à ceux qui lui posaient la question. Et après avoir vu L'avare, mis en scène par Claude Poissant au Théâtre Denise-Pelletier, j'ai très envie de répondre de la même façon à qui s'informera de ce qu'il y a de nouveau dans ma vie.

Cette production est remarquable à tout point de vue. Claude Poissant nous propose une pièce d'une drôlerie irrésistible mettant en valeur le talent de tous les comédiens qui se retrouvent sur scène. La distribution de cette pièce est inouïe, chacun est parfait dans son rôle et la direction de comédiens, bondissante et jubilatoire, n'est pas en reste. Que ce soit les enfants d'Harpagon, Cléante (Simon Beaulé-Bulman) et Élise (Laetitia Isambert), lui, grand et efflanqué, elle, minuscule créature qui ont tout à fait l'allure d'enfants à qui on n'a pas donné beaucoup à manger (pour économiser). Ou encore le valet Laflèche (Gabriel Szabo), le plus drôle et adorable serviteur qu'on puisse imaginer dont le charme fou se traduit dans des mimiques et des gestuelles phénoménales. Ou alors Maître Jacques (Samuel Côté) à la fois cocher et cuisinier pour son maître, changeant littéralement de chapeau selon la fonction qu'il remplit, présence forte et imposante, tendre aussi lorsqu'il parle de ses pauvres chevaux qui ont faim, mais complètement dominés par le petit homme à la cupidité sans limites qui est en face de lui. Valère (Jean-Philippe Perras) est tout à fait mignon et retors juste ce qu'il faut dans ses tentatives de manipulation de l'intraitable Harpagon. Et Mariane (Cynthia Wu-Maheux) est la seule qui n'exagère pas et peut-être qu'elle devrait. Elle semble un peu effacée devant la galerie de personnages colorés et extravagants qui l'entourent.

Malgré tous les sparages auxquels vont se livrer Valère et Cléante pour arriver à leurs fins et empêcher des unions plus que désassorties, c'est Frosine (Sylvie Drapeau), altière et d'une séduction infinie en jupe, étole et talons hauts, qui va sauver la mise. On oublie souvent que si Sylvie Drapeau est une tragédienne hors pair, elle possède aussi un sens de la comédie extrêmement développé, ce qu'elle démontre ici pour notre plus grand plaisir en semblant s'amuser énormément. En Frosine, elle est la parfaite intrigante, ayant recours à tous les trucs de son sac à malices pour arriver à ses fins. Ses apparitions sur scène étaient ponctuées de nombreux rires à la représentation et c'était un délice de la voir et d'entendre sa belle voix grave.

Jean-François Casabonne nous livre ici une composition remarquable, menaçante qui n'est pas sans laisser le spectateur avec un vague malaise.

Et Harpagon : habillé en chemise, pantalon rayé et bretelles qui rappellent les braies du costume d'Obélix et aux yeux de rapace (ce que veut dire Harpagon en grec ancien), il a le visage cireux, la dégaine d'un mafioso, les yeux de quelqu'un qui ne reculerait devant rien pour assouvir sa monomanie. Jean-François Casabonne nous livre ici une composition remarquable, menaçante qui n'est pas sans laisser le spectateur avec un vague malaise.

La dernière image de la pièce est celle d'Harpagon sur le devant de la scène, avec sa cassette chérie contenant ses dix mille écus à qui il lance des regards amoureux, mais aussi très inquiétants. Car sous les amusantes réparties et le comique avec lequel jouent les comédiens, se pointe ce qu'il y a de plus laid et de plus méprisable dans la nature humaine. Le seigneur Harpagon est, de tous les humains, l'humain le moins humain, nous dit Laflèche. Peut-être bien. Ou peut-être aussi le plus humain des humains.

Mais malgré l'horrible Harpagon, ce spectacle est un grand bonheur. Il y a là-dedans des trouvailles qui donnent une autre dimension à l'éloquence de Molière, à ce texte au langage à la fois raffiné et familier qui est une musique pour nos oreilles. Et il est essentiel de se faire rappeler de temps en temps que Molière est incroyable, qu'avec ses comédies profondes il sait comme pas un nous distraire en nous édifiant, nous faire penser en même temps qu'il nous fait rire avec la gravité dissimulée entre les lignes de ses textes. Et que c'est exactement ce que fait L'avare avec beaucoup de panache et de façon inspirée, nous faisant entrevoir à travers nos réactions amusées les sphères les plus âpres de l'expérience humaine.

L'avare : au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 8 avril 2017.

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