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Pique de Robert Lepage: une planète sans atmosphère

J'emprunte cette métaphore de la planète sans atmosphère à Donna Tartt dont je viens de terminer. Elle s'applique très bien à cette création de Robert Lepage qui a voulu mettre en scène un univers à qui il manque le principal: une respiration.
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J'emprunte cette métaphore de la planète sans atmosphère à Donna Tartt dont je viens de terminer The Goldfinch . Elle s'applique très bien à cette création de Robert Lepage qui a voulu mettre en scène un univers à qui il manque le principal: une respiration.

Pique se déroule à Las Vegas, vous savez bien: « What happens in Vegas... » Et dès le départ on assiste à des vignettes: un mariage entre deux Québécois célébré par un imitateur d'Elvis, deux femmes de chambre qui nettoient une chambre d'hôtel, l'aire sécurisée de l'aéroport où se trouve une Française venue à Las Vegas pour un congrès de productions télévisuelles, un homme dans un bar qui reçoit des appels téléphoniques aux connotations inquiétantes et dont les cartes de crédit sont toutes refusées, un indien qui marche dans le désert, des soldats américains qui s'entraînent pour d'éventuels raids contre les talibans. Ça prend 25 minutes avant de comprendre que tous ces personnages vont plus ou moins entrer en interaction.

Je m'incline devant la qualité de la mise en scène de Robert Lepage: elle est inventive, parfois envoûtante, extraordinairement habile et bien rodée. De même, l'utilisation de la scène circulaire dévoile des trésors d'ingéniosité qui laissent place à une géographie de l'espace exploitée de façon magistrale. Les comédiens sont tous bons dans les divers rôles qu'ils jouent, méconnaissables de l'un à l'autre, je serais bien en peine de vous dire précisément qui faisait quoi. Bref, techniquement, c'est un spectacle impeccable.

Crédit Photo : Erick Labbé

Mais. Parce qu'il y a un mais.

J'ai regardé ma montre à plusieurs reprises. Avec ses 2h25 sans entracte, Pique est beaucoup trop long et ne retient pas notre intérêt. Les dialogues et les situations sont trop explicites, ça manque d'ellipses qui auraient pu contribuer à resserrer l'action. Les anecdotes qui se déroulent sous nos yeux ont comme toile de fond l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003. Mais à part les mésaventures de deux soldats et de leur capitaine sadique, on ne voit pas bien le rapport, les autres protagonistes ne semblant en faire aucun cas. À plusieurs reprises aussi, je me suis dit: I don't care. Je ne me suis pas du tout intéressée à cette traversée de destins voués à l'échec et, bien honnêtement, je me contrefoutais de ce qui pouvait leur arriver. C'était trop long, trop lent, trop éparpillé. Aussi intéressant que de regarder la sécheuse sécher le linge.

Et si ce spectacle ne réussit pas à capturer l'imagination, cela tient, je crois, au fait qu'il ne recèle aucun impact émotif et beaucoup trop peu d'humour. Il n'y a une certaine dose de férocité et de tension dramatique que dans les scènes de cul. À d'autres moments qui se voudraient intenses, on ne sent aucune puissance, aucune profondeur, de ce quelque chose d'indicible qui nous remue et vient nous chercher dans nos derniers retranchements et qui nous fait un petit peu comprendre ce que c'est qu'être humain.

Des personnages qui ont débarqué dans ce monde par inadvertance, un seul connaîtra à la fin une certaine rédemption. Mais pourquoi lui? Et qu'advient-il des autres? Leurs motivations demeurent embryonnaires, incertaines et floues. Il manque à tout cela une étincelle, un liant, une glu qui ramasserait tous ces éléments hétéroclites et les sublimerait.

Je le répète, 2h25, c'est interminable. Et s'il y avait eu un entracte, je serais partie.

>Pique est présenté à La Tohu jusqu'au 25 janvier 2014.

EN IMAGES

«Jeux de cartes: Piques»

«Pique» de Robert Lepage

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