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Petites bûches: des enfants perdus

J'ai vu, je crois bien, toutes les pièces pour adultes que Jean-Philippe Lehoux a écrites et c'est un auteur que j'aime beaucoup.
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J'ai vu, je crois bien, toutes les pièces pour adultes que Jean-Philippe Lehoux a écrites et c'est un auteur que j'aime beaucoup. Mais c'est la première fois que j'assistais à une représentation d'une de ses pièces pour enfant. C'est à la Maison Théâtre et cela s'adresse au 8-12 ans.

Le voyage est le thème qui habite toute l'œuvre de ce jeune et talentueux dramaturge. Petites Bûches ne déroge pas avec cette histoire d'un petit garçon qui perd de vue ses parents à l'aéroport d'une ville d'Europe de l'Est et qui se retrouve à errer dans un univers inconnu et quelque peu hostile. Le décor très évocateur de Julie Giroux tient du terrain vague jonché de rebuts et de la cour des miracles avec de vieilles voitures et un carrousel désaffecté. C'est là que Marco (John Doucet) fera la rencontre de deux sœurs, Rose (Danielle Le Saux-Farmer) et Sarah (Chloé Tremblay), deux enfants qui ont perdu leurs parents dans des circonstances tragiques et qui survivent grâce à mille magouilles et à pas mal d'astuces. Roch Castonguay incarne Angelo, italien en exil, mi-clown mi philosophe qui vit lui aussi au petit bonheur la chance dans cette ville étrangère. De ces rencontres improbables vont découler une prise de conscience de la part de Marco et un constat sur l'humanité qui n'est jamais aussi bonne ou aussi mauvaise qu'on le pense.

Les deux comédiennes qui jouent Rose et Sarah sont formidables. Elles conservent tout au long de la pièce leur accent slave et se révèlent un peu gitanes, un peu bohémiennes, prétendant pouvoir prédire l'avenir et tenant des propos parfois inquiétants. Angelo est attachant, rejeté de tous, crevant de solitude et ne voulant qu'exprimer son humanité auprès de ses semblables. Marco est joué avec ce qu'il faut de naïveté et d'étonnement devant ces vies parallèles qui lui sont révélées, lui qui a été élevé dans la ouate par des parents formidables qui l'ont amené un peu partout à travers le monde, car leur travail consiste à réparer les pays, selon les explications du petit garçon. Le contraste avec les deux sœurs est saisissant. Elles qui font preuve d'une certaine dureté et de beaucoup de cynisme face à une existence qu'elles n'ont pas choisie. Et l'on constate le dénuement de ces enfants sales aux vêtements dépenaillés qui mangent des restes de sandwiches trouvés Dieu sait où et qui diabolisent Angelo auprès de Marco, l'accusant de découper les enfants avec la scie qui l'accompagne partout, les petites bûches du titre.

Le texte comporte beaucoup de moments forts et adopte un ton sans concession, faisant appel à l'intelligence des spectateurs.

Marco va se laisser prendre au charme d'Angelo et passer par-dessus les préjugés qu'ont tenté de lui mettre dans la tête les deux sœurs. Et lors d'une scène très réussie, l'on va apprendre comment les petites filles se sont retrouvées dans cette situation précaire. La scène en question est suffisamment réaliste et intense pour frapper l'imaginaire d'un jeune public et lui faire comprendre les enjeux du désir de liberté et de la fuite devant l'oppression. Le texte comporte beaucoup de moments forts et adopte un ton sans concession, faisant appel à l'intelligence des spectateurs. Je n'y ai cependant pas retrouvé l'humour décapant dont fait généralement preuve Jean-Philippe Lehoux. Il a choisi ici de traiter gravement d'un sujet qui, il est vrai, se prête difficilement à la farce et à la blague.

Oui, il y a des gens méchants, étranges et profiteurs et il est préférable de ne pas se perdre dans une ville inconnue lorsqu'on a dix ans. Mais il y a aussi des personnes étonnantes aux parcours inouïs dont le cœur est rempli de bonté et qui vont venir à l'aide des enfants égarés. Petites Bûches nous fait comprendre cela avec beaucoup de conviction et d'humanité.

Petites Bûches : Une production du Théâtre de la Vielle 17, à la Maison théâtre jusqu'au 28 mai 2017.

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Mai 2017

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