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Patrice Desbiens en Homme invisible dichotomique

est double, comme son nom l'indique. Il a deux personnalités, l'une qui parle français, l'autre qui parle anglais. Dichotomie et schizophrénie, c'est son lot.
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Ce n'est certainement pas un hasard si L'homme invisible, The invisible man de Patrice Desbiens a vu le jour grâce à la participation de la faculté de théâtre de l'Université Concordia et de Harry Standjosky qui en assume la mise en scène et la musique. Ce n'est pas un hasard non plus si l'élément du décor le plus visible est un poteau de téléphone installé à 45 degrés qui évoque immanquablement la crucifixion. Car l'homme invisible est un crucifié de l'identité. Et la clôture culturelle sur laquelle il est assis doit parler pas à peu près à certains de nos anglos, ici à Montréal.

On retrouve dans ce texte la même urgence, la même errance, la même américanité que dans la poésie de Patrice Desbiens, originaire de Timmins en Ontario comme l'homme invisible de la pièce. Mais il y a aussi des allusions à un renard qui lui mange les jambes au Collège alors que, jeune garçon, il demeure silencieux et qui m'a rappelé ce petit Spartiate dans la Grèce antique qui a préféré mourir plutôt que de se plaindre alors qu'un renard aussi lui dévorait les entrailles. Car l'homme invisible est aussi un stoïque. Et il se doit de l'être puisque même si Baudelaire et Rimbaud viennent à l'enterrement de sa mère, cela ne le rendra pas plus visible.

L'homme invisible, The invisible man est double, comme son nom l'indique. Il a deux personnalités, l'une qui parle français, l'autre qui parle anglais. Dichotomie et schizophrénie, c'est son lot. Car ce qu'il exprime dans une langue n'est pas tout à fait la même chose dans l'autre et parfois il y a des concepts qui desservent davantage les méandres de sa pensée, qui sont plus justes dans l'une que dans l'autre. Jimmy Blais et Guillaume Tremblay sont ces deux côtés d'une même médaille et la connivence entre les deux comédiens, qui est manifeste, fait en sorte que le texte passe de l'un à l'autre en virevoltant, sans temps mort, avec un rythme quasi musical et où la gestuelle physique sert de complément. Autre musique : Harry Stanjosky joue de la guitare en début de spectacle et Gabriella Hook apporte sa belle voix à des incantations qui scandent les aléas de cette vie où tout ce qui est beau ne répond à aucune question.

L'homme invisible n'est peut-être pas allé assez loin (géographiquement parlant) pour conquérir sa visibilité. Il se retrouve à Québec, loin de son Ontario natal, mais Québec c'est aussi une quête d'identité, d'un autre ordre que celle d'un franco-ontarien de Timmins, mais qui demeure tout aussi pleine d'embûches et de questions non résolues, ou alors résolues à moitié. Mais je dois dire que j'ai aimé cette errance, ces désordres et ce désarroi qu'un texte à la fois cru et poétique rend si bien. Tout comme dans sa poésie, on y trouve le mal-être, la vie comme un perpétuel lendemain de veille, la gueule de bois permanente, mais qui semble conférer aux personnages une lucidité qu'ils ne possèderaient peut-être pas autrement. J'ai connu Patrice Desbiens sous d'autres cieux, il y a longtemps. Je l'ai revu à quelques occasions à Trois-Rivières au Festival de Poésie. Je sais très bien qu'il incarne parfaitement la notion qui veut que ce soit la souffrance et les excès qui mènent à la création. Et qu'il est l'exemple parfait d'une existence sous le signe du chaos et de la résilience.

L'homme invisible, The invisible man : à La Licorne jusqu'au 24 octobre 2014.

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