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«On ne badine pas avec l'amour»: Musset éternel

J'ai retrouvé avec satisfaction ces réparties spirituelles, ces dialogues brillants, cette langue ornée, cette mécanique théâtrale extraordinairement habile qui est l'une des caractéristiques de Musset. Ces personnages qui semblent si légers recèlent des trésors de profondeur et les sentiments et émotions qu'ils expriment sont aussi universels que résolument modernes.
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«On est souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois ; mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.»

Il s'agit là probablement du passage le plus connu et toujours terriblement actuel de la pièce de Musset écrite en 1834. Et le théâtre Denise-Pelletier présente On ne badine pas avec l'amour, dans une mise en scène bondissante et dynamique de Claude Poissant. Pour le plus grand bonheur des spectateurs.

Dans un décor géométrique et stylisé, on retrouve le couple immortel de Camille et Perdican, ces deux jeunes gens qui se connaissent depuis toujours et qui sont destinés l'un à l'autre. Mais il n'y aurait pas d'histoire ou de ressort dramatique sans un obstacle. Ici, il est de taille : la jolie Camille, désabusée à 18 ans et ayant perdu la foi dans la nature même de l'amour, a décidé de se consacrer à Dieu, le seul amant qui, croit-elle, ne la décevra pas.

En plus d'une mise en scène aimable et pleine d'humour, la production peut compter sur une distribution impeccable (sauf pour un élément sur lequel je reviendrai plus tard). Le très, très charmant Francis Ducharme (il ne s'appelle pas ainsi pour rien, le nom c'est le destin) incarne un Perdican tour à tour adorable et ratoureux, qui aime sincèrement, mais qui est prêt à se livrer à toutes sortes de machinations pour arriver à ses fins. Toutes les jeunes filles de la salle poussaient des soupirs lorsqu'il était sur la scène. Je les ai un peu enviées, moi pour qui le cœur ne bat plus que dans les escaliers...Henri Chassé est parfait en Baron père de Perdican quelque peu dépassé par la situation. Martin Héroux et Denis Roy sont des Bridaine et Blazius désopilants, tous deux plus intéressés au boire et au manger qu'au bien-être de leurs congénères. Christine Pasquier est hilarante en Dame Pluche, douairière et chaperon qui ne voit rien de ce qui se passe sous ses yeux. Et Rachel Gratton est une Rosette mignonne comme tout dans sa simplicité et sa naïveté. Adrien Bletton et Olivier Gervais-Courchesne sont les choristes, commentant l'action avec la pertinence et la clairvoyance qu'on attend d'eux.

Mais, Camille. Je vais mettre ça sur la nervosité d'un soir de première, mais je suis désolée de dire qu'Alice Pascual n'était vraiment pas à la hauteur. Elle parlait trop vite, elle débitait son texte comme si elle voulait s'en débarrasser en escamotant souvent la fin de ses phrases. Niveau émotion, c'était zéro. Il y avait un tel décalage entre elle et le charismatique Perdican que je me suis demandée si elle jouait dans la même pièce. Je souhaite vraiment que sa performance s'améliore, car c'était la seule fausse note d'un spectacle par ailleurs excellent qui m'a procurée un réel plaisir. J'ai retrouvé avec satisfaction ces réparties spirituelles, ces dialogues brillants, cette langue ornée, cette mécanique théâtrale extraordinairement habile qui est l'une des caractéristiques de Musset. Ces personnages qui semblent si légers recèlent des trésors de profondeur et les sentiments et émotions qu'ils expriment sont aussi universels que résolument modernes.

Il y a des années, alors que j'enseignais un cours sur la poésie du 19e siècle (Ô poète, prends ton luth et me donne un baiser...), à la Saint-Valentin, le 14 février, Le Devoir avait mis en première page un extrait d'une lettre de Musset à George Sand. Brandissant le journal devant les étudiants de ma classe, je leur avais fait la démonstration de la pérennité de ces sentiments : le coup de foudre, l'amour, la passion, la tromperie, la perte, le manque. Je leur avais aussi dit que les poètes sont là pour ça : pour dire beaucoup mieux que nous, lorsque les mots nous manquent, ce que nous éprouvons. Toutes ces choses qui compliquent, mais embellissent la vie et souvent avec une grâce mêlée de tristesse. Parce que, n'est-ce pas, comme l'a si bien dit Musset, La vie est un sommeil, l'amour en est le rêve. Et vous aurez vécu si vous avez aimé ...

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