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«Mon héros Oussama»: de quoi nous sommes (peut-être) capables

La pièce met en exergue le climat de peur qui règne dans nos sociétés, peur de l'autre, de ce qui est différent, de nous-mêmes aussi et de quoi nous serions capables si l'occasion de commettre certains gestes se présentait.
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Ce qui ressort surtout, je crois, ce sont les espérances enfuies et les rêves inatteignables de ces personnages pour qui faire face à la cruauté du monde se résume à s'approprier cette cruauté.
Courtoisie
Ce qui ressort surtout, je crois, ce sont les espérances enfuies et les rêves inatteignables de ces personnages pour qui faire face à la cruauté du monde se résume à s'approprier cette cruauté.

Il y a du Dennis Kelly chez Fabien Cloutier et du Fabien Cloutier chez Dennis Kelly. Dans Mon héros Oussama de l'auteur britannique présentée dans la salle intime du Prospero, on retrouve les thèmes chers à ces deux dramaturges: la violence contenue, la rage incontrôlable existant dans le cœur de chaque être humain et qui ne demande qu'à s'exprimer, quitte à balancer par-dessus bord le vernis de civilisation qui contribue à cohésion des sociétés.

Mon héros Oussama est une pièce remplie de violence, dans le propos comme dans les actes.

Nous faisons connaissance avec d'antipathiques personnages: Francis et Louise, frère et sœur paumés qui en veulent à tout et à tous, Mark et Manu, lui obsédé par les très jeunes filles et elle qui se prête au jeu de la perversité. Et Gary, étrange adolescent dont le questionnement et l'espoir d'obtenir des réponses prennent une bizarre tangente lorsqu'il décide de faire un exposé oral à l'école sur Oussama Ben Laden, adoptant une perspective autre que celle à laquelle nous avons été habitués.

Mais des poubelles explosent et des garages sont incendiés dans le quartier. Francis, Louise, Mark et, accessoirement, Manu vont kidnapper Gary parce que, bien sûr, c'est lui qui doit être le responsable de tous ces incidents. De là à amalgamer Gary au terrorisme, il n'y a qu'un pas. Une séance de torture s'ensuit avec une inévitable conclusion, Gary symbolisant l'agneau sacrifié sur l'autel de la paranoïa.

La pièce est pleine de cris et de vociférations.

Les comédiens véhiculent toute cette violence, ce qui crée forcément un malaise, magnifié par la mise en scène efficace et sans fioritures de Reynald Robinson. Eric Cabana est un Mark ambigu qui se prête au jeu de cette Manu (Élizabeth Smith) dont il est amoureux et qui se dérobe constamment; Anne-Justine Guestier est une Louise qui se laisse entraîner à poser des gestes innommables auxquels elle semble prendre beaucoup de plaisir; Gabriel Simard incarne un Francis furibond (et qui mange parfois ses mots), le genre de personne qu'on ne veut pas connaître. Et Gabriel Szabo trouve le moyen d'être à la fois étrange et lumineux dans ce personnage d'adolescent meurtri qui ne trouve sa place nulle part.

Puis, il y a une rupture de ton à la fin de la pièce.

Francis, Louise et Mark racontent chacun une anecdote, qui fait figure, en quelque sorte, de rédemption pour chacun d'eux. De l'assistance apportée par l'exécrable Francis à un jeune homme attaqué sur la rue à la recette de saumon teriyaki de Mark, ces gens qui viennent de torturer à mort un de leurs semblables semblent délaisser la noirceur et la laideur pour aspirer à une certaine lumière. L'effet est, je dois dire, insolite et déstabilisant. Devons-nous les croire, ces gens capables de tout qui, soudain, se transforment en humanistes et en bons samaritains? Pas sûr...quoique...

Mon héros Oussama met en exergue le climat de peur qui règne dans nos sociétés, peur de l'autre, de ce qui est différent, de nous-mêmes aussi et ce dont nous serions capables si l'occasion de commettre certains gestes se présentait. Ce qui ressort surtout, je crois, ce sont les espérances enfuies et les rêves inatteignables de ces personnages pour qui faire face à la cruauté du monde se résume à s'approprier cette cruauté.

Mon héros Oussama: Une production du Collectif Les Fauves, au Prospero jusqu'au 20 avril 2019.

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