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«Mes enfants n'ont pas peur du noir»: une étrange famille

On ne sait pas qui ment et qui dit vrai dans la pièce de Jean-Denis Beaudoin,, présentée au Théâtre d'Aujourd'hui. Une pièce qui plaira aux amateurs de films d'horreur tout comme à ceux qui sont fascinés par l'exploration des composantes de l'esprit humain.
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On ne sait pas qui ment et qui dit vrai dans la pièce de Jean-Denis Beaudoin, Mes enfants n'ont pas peur du noir, présentée au Théâtre d'Aujourd'hui. Et il n'y a pas pire trou noir que celui dans lequel on choisit de s'enfermer. Ce texte évoque les sorcières de Macbeth, Henry James et ses incursions dans le fantastique (qui n'est peut-être que la vision d'un esprit dérangé) ou encore The shining avec la violence dans laquelle sombre une personne que l'on côtoie depuis toujours. C'est une pièce qui plaira aux amateurs de films d'horreur tout comme à ceux qui sont fascinés par l'exploration des composantes de l'esprit humain.

Une famille étrange, un peu sinistre, vit dans le fond des bois : la mère (Monique Spaziani) qui semble dépassée par ce qui se passe autour d'elle, mais qui ne l'est pas tant que ça après tout, et ses deux fils Joe (Jean-Denis Beaudoin) et Sam (Steve Gagnon). Il y a aussi Will (Dayne Simard) qu'on a trouvé perdu dans la forêt. Se joint au groupe Sarah (Pascale Renaud-Hébert), amoureuse de Joe. Une silhouette noire, mystérieuse et menaçante (Nicolas Germain-Marchand) surgit et hante les lieux de façon récurrente. Les deux frères se détestent et tout leur est prétexte pour exprimer très violemment la haine qui les habite. Ce n'est pas nécessairement reposant, mais il y a une fascination certaine qui s'exerce dès le départ, car on sent qu'il y a beaucoup plus que de la simple chicane dans ces échanges acrimonieux sur un maillot de bain qui traîne sur le plancher.

Car Jean-Denis Beaudoin réussit à mettre la table pour quelque chose d'autre avec des allusions à certaines habitudes, laissant un délire paranoïaque s'installer et nourrissant le climat d'inquiétante étrangeté qui prend peu à peu toute la place. Cette famille bizarre qui vit dans un endroit lugubre loin de tout a bien des choses à cacher. Les propos malveillants et les gestes méchants ou malsains nous laissant entrevoir la véritable nature des relations qui existent au sein de ce trio infernal.

Les comédiens sont tous investis dans leur rôle respectif. Monique Spaziani en mère bizarre et déjantée, bien loin du concept que l'on peut avoir de la maternité épanouie, est étonnante. On croit absolument à cette fraternité entre Steve Gagnon et Jean-Denis Beaudoin qui se haïssent, se déchirent, mais s'aiment aussi, d'une certaine façon. Pascale Renaud-Hébert incarne une Sarah remplie d'étonnement et parfois de crainte devant cette famille capable de toutes les extravagances. Et Dayne Simard assure une présence quasi touchante à ce Will dont la vraie et surprenante nature nous sera révélée vers la fin de la pièce.

À la mise en scène, Édith Patenaude (dont j'ai pu voir l'excellent 1984 au Théâtre Denise-Pelletier) compose superbement avec le petit espace de la salle Jean-Claude-Germain, qui ajoute en fait à l'atmosphère étouffante présente tout au long de la pièce. C'est une mise en scène qui souligne subtilement les dynamiques tordues de cette famille iconoclaste. Il y a un espace salon, l'espace cuisine où se déroule une grande partie de l'action et l'extérieur, la forêt immense et sombre, lieu de toutes les menaces, symbolisée par des 1x12 plantés à la verticale. Les comédiens évoluent avec aisance dans ces lieux, le spectateur les suit et se trouve tout de suite confortable avec ces diverses évocations. Jean-François Labbé, au décor et à l'éclairage, a fait un travail impeccable.

Jean-Denis Beaudoin possède une voix originale et une façon très personnelle de raconter une histoire. J'aurais peut-être retranché une dizaine de minutes au texte, je crois que cela aurait ajouté encore plus à sa force et à son efficacité. Mais tel qu'elle est, menée de main de maîtresse par Édith Patenaude et servie par ces talentueux comédiens, je dois dire que c'est une pièce qui est restée avec moi, qui m'habite encore et à laquelle je repense souvent. Certes, ces enfants-là n'ont pas peur du noir. Ils savent qu'il existe à l'intérieur d'eux-mêmes des zones encore bien plus obscures.

Mes enfants n'ont pas peur du noir : une production La bête noire au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 3 décembre 2016.

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