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«La maison aux 67 langues»: drôle et intelligent

C'est une très bonne pièce, on s'y amuse bien sûr, mais on sait aussi que le drame se poursuit et qu'il n'est pas près d'une résolution.
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Maxim Paré Fortin

C'est une initiative d'Ariel Ifergan, le directeur artistique de Pas de Panique, de s'intéresser à cette pièce du dramaturge torontois Jonathan Garfinkel. Et vraiment, quelle bonne idée! Présentée à la Licorne, La Maison aux 67 langues nous entraîne dans les méandres du conflit israélo-palestinien, mais d'une façon totalement inusitée.

On rit beaucoup en suivant les aventures improbables de ces personnages et on comprend peut-être un peu mieux à la fin de quoi il retourne.

La prémisse de la pièce est totalement absurde: Shimon (Daniel Gadouas, une présence forte, comme toujours) général de l'armée israélienne, trouve un panier en osier qui dérive sur les eaux du Jourdain. Dans le panier: un bébé. Shimon élève Alex (Gabriel Szabo) et ils iront s'installer dans une maison abandonnée, une maison qui parle et qui a les traits de la toujours merveilleuse Violette Chauveau.

Mais Abu Dalo, un Palestinien, vient réclamer la maison où sa famille a vécu pendant 300 ans. À travers cela, il y a Alex qui, à 15 ans, veut faire la révolution du cunnilingus afin de rapprocher et de réconcilier les deux peuples; un chameau qui parle (Frédéric Desager, suave); la préceptrice d'Alex, Rivka (Alice Pascual) qui ne sait pas trop comment gérer les ambitions diplomatico-sexuelles d'Alex et la fille d'Abu Dalo, Suha, (Mounia Zahzam), très en colère qui est venu enterrer un Ziploc où se trouvent ce qui reste de sa mère après que l'édifice où elle se trouvait ait été détruit par un missile.

Tout cela est complètement fou et très amusant. Gabriel Szabo (vu il n'y a pas longtemps dans Fanny et Alexandre) compose un Alex mignon comme tout, d'une intelligence et d'une naïveté exquises dans son désir de faire la promotion du cunnilingus comme sauveur du Moyen-Orient. Ariel Ifergan, docteur en littérature, se retrouvera à écrire les mémoires de Shimon, un fusil sur la tempe. Il campe un personnage nuancé à la recherche des multiples vérités qui sont le lot de tous les conflits. Mounia Zahzam est délicieuse même lorsqu'elle est très fâchée et Alice Pascual est convaincante en mentor dépassée.

Mais la distribution parfaite est bien Violette Chauveau dans le rôle de la maison. Avec humour et parfois de la dérision, elle fait parfaitement état de l'importance de l'enracinement, du sentiment d'appartenance qui accompagne les concepts de pays et de nation, évoquant ainsi toutes les nostalgies plombant ceux à qui on a enlevé cette partie d'eux-mêmes.

Le tout est amené dans la métaphore, subtilement et avec finesse.

Tout comme ce chameau qui se retrouve à Paris où il lit Le Monde à la terrasse d'un café tout en devisant sur le fait qu'il n'y a rien de tel comme de changer de pays pour redécouvrir sa propre personne. On parle aussi dans la pièce de la déshumanisation de l'ennemi et de l'importance de l'éducation, mais toujours de façon oblique, presque nonchalante et qui porte d'autant plus de par cette subtilité.

Traduite impeccablement par François Archambault, mise en scène efficacement par Philippe Lambert dans le décor un peu chaotique, à l'image de la situation de Jonas Veroff-Bouchard et éclairée joliment par Julie Basse, La maison aux 67 langues de Jonathan Garfinkel n'est pas seulement une histoire de tourments personnels ou de combats épiques mettant l'une en face de l'autre, deux nations qui sont finalement bien semblables. C'est aussi la recherche d'une cohésion, d'une entente entre le cœur et les idées, d'une harmonie entre la vie qui commence ou se poursuit et le monde tel qu'il va. C'est une très bonne pièce, on s'y amuse bien sûr, mais on sait aussi que le drame se poursuit et qu'il n'est pas près d'une résolution.

La maison aux 67 langues: Une production Pas de Panique, à La Licorne jusqu'au 23 mars 2019.

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