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«Ma mère est un poisson rouge»: trop d'histoires

Je ne reçois évidemment pas le théâtre pour enfants comme ses destinataires. J'ai un esprit davantage...critique. Et je dirais ici qu'il y a, dans ce court laps de temps, trop d'histoires, trop de matériel, que la pièce oscille entre l'humour, la farce et le désespoir le plus profond, et que le dosage n'est pas tout à fait au point.
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Il y a deux histoires dans Ma mère est un poisson rouge, la pièce de Marie-Christine Lê-Huu pour les 6 à 10 ans présentée à la Maison Théâtre. La première concerne Xavier, dont la famille a été frappée par une tragédie, et la seconde est celle de Mika, petit voisin émigré qui deviendra son ami. Du côté de Xavier c'est sombre et triste. Du côté de Mika c'est vivant et coloré. Il y a aussi un personnage féminin, Imma, objet de l'affection de Xavier et complice des deux garçons, mais elle n'a pas d'histoire.

Xavier a été témoin de la mort de son père lors d'un voyage de la famille dans de lointaines contrées. Sa mère va très mal réagir, sombrant dans la dépression et se réfugiant dans sa chambre, symbolisée par le poisson rouge dans son bocal et abandonnant Xavier à lui-même. Le petit garçon va se bourrer de sucreries, se coucher quand il veut sans se brosser les dents et avouer que ses notes à l'école frôlent le point de congélation. Il sera rescapé de son marasme par la présence de son petit voisin, Mika, dont la famille issue d'un pays slave, ne répond pas non plus aux normes habituelles. Les parents travaillent tout le temps et Mika est laissé aux bons soins de sa Babouchka qui perd la tête et on s'aperçoit bien vite qu'il s'occupe davantage d'elle que l'inverse. C'est plein de deuils à vivre dans Ma mère est un poisson rouge et ce qui ressort c'est qu'il n'y a pas de recette universelle.

Le décor est composé de boîtes en carton, de quelques valises et de chapeaux qui vont se révéler multifonctionnels tout au long du spectacle, et cela de façon très ingénieuse. Une caméra va projeter en temps réel sur un écran des moments, des souvenirs concernant les personnages, avec entre autres une écharpe rouge qui représente l'amour. L'absence et le manque sont très bien rendus, par petites touches délicates et touchantes. On trouve aussi beaucoup d'astuces et de charmantes trouvailles dans cette mise en scène faite par l'auteur du texte. Et les comédiens sont parfaits : Jean-François Pronovost (que j'avais pu apprécier dans As Is ) incarne un Xavier fragile et démuni, mais qui est plus fort qu'il ne le sait. Sasha Samar est irrésistible en Mika, se jouant du quatrième mur et apportant au texte ce grain de folie qui plaît tant aux enfants (et aux grands aussi). Isabelle Lamontagne, qui est Imma mais aussi la mère, est très bonne et je regrette que son rôle n'ait pas été davantage étoffé. Mais il y a déjà trop de choses dans cette pièce.

Je ne reçois évidemment pas le théâtre pour enfants comme ses destinataires. J'ai un esprit davantage... critique. Et je dirais ici qu'il y a, dans ce court laps de temps, trop d'histoires, trop de matériel, que la pièce oscille entre l'humour, la farce et le désespoir le plus profond, et que le dosage n'est pas tout à fait au point. Le plus, c'est qu'il y a une profondeur certaine à ce texte. Le moins c'est que le jeune public ne sait pas sur quel pied danser. Et la révélation, à la fin, des circonstances de la mort du père et des conséquences pour Xavier, persuadé que c'est de sa faute, m'a semblé surgir de nulle part. On escamote tout cela en quelques phrases, on lui dit que, mais non, ce n'est pas de sa faute et voilà. Mais cette intense culpabilité n'avait pas été mentionnée avant dans la narration : on ajoute une autre épaisseur à des thèmes déjà complexes et à une histoire déjà touffue. Il y aurait, en soi, une pièce de théâtre sur ce sujet uniquement, comme il y en aurait une autre sur l'histoire de la Babouchka de Mika, émigrée qui ne parle pas la langue, qui oublie tout et pour qui c'est naturel de faire un pique-nique au milieu de la route. Trop de fils, pas assez de temps pour les broder tous.

Le propos ne demeure donc qu'effleuré à cause de la nature et de l'intérêt des anecdotes greffées au sujet principal. Et j'ai eu l'impression que le jeune public présent à la Maison Théâtre, aurait voulu s'esclaffer davantage. Eva B., 7 ans, qui m'accompagnait m'a dit après la représentation :« J'ai bien aimé, mais je n'ai pas aimé quand c'était triste ». Moi, j'aurais mieux aimé si l'histoire de Xavier avait été exploitée sans ces multiples à-côtés, et avec tout le potentiel qu'elle recelait.

Ma mère est un poisson rouge: Une production du Théâtre de l'Avant-Pays, à la Maison Théâtre jusqu'au 6 novembre 2016.

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