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Pour écrire, Benoît Drouin-Germain s'est inspiré des jeux et de ce qui se produisait dans le Colisée de Rome il y a 2000 ans pour permettre à des comédiens d'exploiter leur gladiateur intérieur. Le public est donc invité à applaudir, à huer, à commenter (certains ne s'en privent pas) tout au long de la représentation.
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L'empereur fait une entrée spectaculaire en quasi-triomphe, sur ce qui tient lieu d'un char d'apparat tiré par les trois comédiens qui seront les protagonistes des jeux de ce soir-là. Christophe Payeur en empereur est... impérial et il annonce au public médusé qu'il nous offre ces jeux pour célébrer la splendeur de Rome. Amateur d'histoire romaine comme je suis, je jubile.

C'est ainsi que débute ce Ludi Magni (Les grands jeux) à l'Espace libre, deux heures fort divertissantes où, le soir de la première, on sait déjà que ce spectacle va évoluer, qu'il y aura des ajustements, que les comédiens vont probablement changer leurs histoires afin de séduire l'auditoire qui a un mot à dire dans une issue qui peut leur être fatale. Enfin, pas pour de vrai, mais vous voyez ce que je veux dire.

L'auteur Benoît Drouin-Germain, aidé à la mise en scène par Daniel Brière, s'est inspiré des jeux et de ce qui se produisait dans l'arène du Colisée de Rome il y a 2000 ans pour permettre à des comédiens d'exploiter leur gladiateur intérieur. Car il s'agit d'une compétition féroce et c'est le meilleur ou plutôt celui ou celle capable de manipuler la foule pour son propre profit qui va remporter la palme. Concept intéressant qui donne lieu à des moments forts, à d'autres, plus faibles, mais qui soutient l'intérêt tout au long des deux heures du spectacle. On ne s'ennuie pas une minute, je vous jure.

Le public est donc invité à applaudir, à huer, à commenter (certains ne s'en privent pas) tout au long de la représentation où les cinq épreuves vont se succéder sans temps mort. Incarnant des auriges avec des espèces de petits chars d'inspiration romaine (avec SPQR, Senatus populusque romanus, Pour le sénat et le peuple de Rome, l'emblème de l'empire inscrit dessus), les trois comédiens compétiteurs, Sonia Cordeau, Marie-Pier Labrecque et Mathieu Quesnel vont tenter de nous séduire le plus possible afin d'éviter un terrible destin.

Et comment séduire? En racontant les meilleures histoires. C'est la première épreuve où Sonia relate son expérience de caissière chez Zellers, expérience qui a duré trois jours, Marie-Pier sa présence aux compétitions d'haltérophilie aux Jeux du Québec à Rimouski en 2001 et Mathieu (fidèle à lui-même) son audition pour le Puppetry of the Penis World Tour de passage à Montréal. C'est franchement assez drôle et c'est fascinant de voir les comédiens jouer sans filet, sans texte proprement dit, de les entendre raconter avec leurs mots des expériences personnelles. Je dois dire qu'ils s'en tirent plutôt bien. Mais l'empereur s'ennuie...

Il faut donc hausser la barre. Les comédiens vont chanter, imiter, se démener de toutes sortes de façon, répondre à des questions de culture générale, ils vont tricher aussi avec la complicité de l'auditoire et tout cela alors qu'un charmant jeune homme vend de la bière, du vin et du popcorn à un public ravi. La compétition prend cependant une autre dimension lors de la quatrième épreuve où les deux filles sont évaluées physiquement par Mathieu avec ce que cela implique de critères impossibles ou de commentaires subjectifs. Ici, la salle a réagi fortement devant le sexisme (voulu, il va sans dire) de l'exercice. Car la compétition c'est aussi cela, s'efforcer pour une femme de ressembler à des créatures arrangées et photoshoppées à mort, quête impossible s'il en est. Et à laquelle on se prête, hélas.

La dernière épreuve consiste à raconter une histoire triste. Marie-Pier m'a tiré des larmes et Mathieu m'a émue considérablement alors que Sonia, malgré un bon filon, n'a pas réussi à me toucher. Mais, finalement, c'est Mathieu qui a été jeté aux lions et pour départager la gagnante, Sonia Cordeau et Marie-Pier Labrecque ont récité des vers latins (mais traduits en français) de Martial et Horace. Un exercice, ma foi, plus difficile qu'il n'y paraît et dont elles se sont tirées honnêtement. Mais je crois que les écoles de théâtre devraient remettre la rhétorique au programme. Et les alexandrins.

Bref, une fort agréable soirée que ce moment à l'Espace libre. Marie-Pier a gagné, mais elle y a mis le prix...elle assassine l'empereur et prend sa place. On a beaucoup fait ça d'ailleurs à Rome. Le soir suivant, c'est elle qui jouera l'empereur et elle sait déjà comment cela finira. Mal.

Ludi Magni: une production du NTE, à l'Espace libre jusqu'au 9 mai 2015.

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