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«Les secrets de la vérité»: comment rater la cible tout en amusant son public

C'est baroque, burlesque, puéril et complètement sauté.
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Josée Lecompte

Comment parler de cette pièce irracontable, une autre création d'Olivier Morin et Guillaume Tremblay présentée aux Écuries? Les secrets de la vérité a l'ambition de nous dévoiler ce qui se cache derrière les multiples conspirations, rumeurs et fausses nouvelles qui circulent dans notre monde et dont se délectent bien des gens. La cible est ratée, laissez-moi vous dire.

Mais c'est du Olivier Morin. On connait son style depuis L'assassinat du président, Épopée nord et La vague parfaite, Opéra Surf, spectacles fous et déjantés, extrêmement divertissants où on s'amuse beaucoup, mais qui manquaient tous de focus et de structure. Même problème avec Les secrets de la vérité. J'ai beaucoup ri, mais j'ai eu la très nette impression qu'il y avait sur scène une bande de collégiens hors de contrôle qui ont peut-être quelque chose à dire, mais qui manquent singulièrement de la maturité nécessaire pour nous le communiquer.

J'ai beaucoup ri, mais j'ai eu la très nette impression qu'il y avait sur scène une bande de collégiens hors de contrôle qui ont peut-être quelque chose à dire, mais qui manquent singulièrement de la maturité nécessaire pour nous le communiquer.

En vrac, il y a dans cette pièce une jeune femme, Cyndine Bournival, pauvre et peu éduquée, qui tombe enceinte après une visite nocturne d'un séduisant Jésus et qui accouche 15 heures plus tard de cinq bébés dont un seul survivra. Elon Musk, le chef d'entreprise multimilliardaire, fait la promotion de son projet SpaceX pour coloniser la planète Mars et veut le bébé de Cyndine (on ne saura pas trop pourquoi). Il y a aussi les tardigrades, ces bizarres bestioles qui semblent ne jamais mourir et qui seraient d'origine extraterrestre, les ChemTrails laissées par les avions dans le ciel qui viseraient à contrôler les populations, l'autopsie de Roswell, les gouvernements qui nous cachent des choses, des confréries mystérieuses qui se rendent à des réunions clandestines et plein d'autres choses alors qu'on cite en projection vidéo Einstein, Descartes et Danielle Steel. C'est baroque, burlesque, puéril et complètement sauté.

Tout est excessif : le jeu des comédiens, l'histoire qui part dans toutes les directions et qui n'a parfois ni queue ni tête, on se perd dans l'apparition de nombreux personnages et dans l'abondance des thèmes qui surgissent sans explication. Mais voilà, on s'amuse ferme et on ne peut que faire preuve d'indulgence devant cette créativité échevelée qui a pris le mors aux dents et qui nous entraîne sur les chemins de la plus totale invraisemblance. Il y a des projections vidéo et des répliques vraiment très drôles, un youtubeur paranoïaque, des références à la culture populaire qui m'ont énormément amusée et un bonheur évident de la part des comédiens à présenter ce sympathique fouillis.

Francis-William Rhéaume au projectorama, ce qu'on appelle généralement les projections vidéo, fait un travail remarquable : ce qu'on voit sur les écrans à un rythme parfois effréné est extrêmement drôle, souvent inattendu et est présenté avec une acuité et une efficacité devant lesquelles je m'incline. La musique de Navet Confit, ces complices habituels d'Olivier Morin, est parfaite. Inspirée un peu d'Enigma, elle contribue à l'atmosphère et adoucit les aspérités de ce texte quelque peu rugueux.

Cette pièce aurait pu être tant de choses, peut-être une savoureuse comédie humaine sur les mensonges et la quête de la vérité ou alors une robuste et fort drôle dénonciation de la bêtise inhérente aux croyances toutes faites qu'on veut nous imposer.

Cette pièce aurait pu être tant de choses, peut-être une savoureuse comédie humaine sur les mensonges et la quête de la vérité ou alors une robuste et fort drôle dénonciation de la bêtise inhérente aux croyances toutes faites qu'on veut nous imposer. Olivier Morin est capable de beaucoup plus, la preuve étant cette mise en scène de Peer Gynt d'Ibsen, pièce réputée injouable, qu'il a montée au Quat'Sous et dont je garde un souvenir ébloui. Mais il semble, encore ici avec Les secrets de la vérité, privilégier le cabotinage à la profondeur. Éternel adolescent surdoué, Olivier Morin nous amuse et on l'adore. J'espère qu'il dépassera cet état et nous donnera des pièces dignes de son talent. Il est capable de creuser le Canal de Panama. Les secrets de la vérité, c'est comme un enfant qui joue avec un bateau de papier dans le caniveau.

Les secrets de la vérité : Une production du Théâtre du Futur, aux Écuries jusqu'au 28 avril 2018.

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