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«Les inconnus»: une façon nouvelle de dire les choses

Dans un bar, une jeune fille a perdu son portefeuille et demande à un jeune homme s'il l'a vu. C'est ainsi que débute, une pièce qui apporte un vent de fraîcheur et une nouvelle façon de voir et de traiter des choses.
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Dans un bar, une jeune fille a perdu son portefeuille et demande à un jeune homme s'il l'a vu.

C'est ainsi que débute le dialogue écrit par Julie-Anne Ranger-Beauregard. Intitulée Les inconnus et présentée à La Licorne, cette pièce apporte un vent de fraîcheur et une nouvelle façon de voir et de traiter des choses. Ici cela concerne l'amour, et si bien sûr le thème de boy, meets girl constitue un classique indémodable, la façon dont il est ici traité échappe aux clichés habituels, les contournant, les triturant et les mettant au défi pour donner un résultat qui m'a conquise.

Marie Bernier et Alexandre Fortin, Macha et Alexis, sont ces deux jeunes gens en quête d'amour, même s'ils ne l'avoueraient pas pour tout au monde. Elle est infatigable, obsessive et contrariante. Il est le prototype même du bon gars qui, admiratif, se laisse charmer par cette fille intrigante au langage parfois cru qui se défend bien d'être compliquée. Résultera une joute verbale, tendre parfois, brillante souvent, dure et cruelle aussi : le marivaudage de notre siècle. Et si le charme opère entre les deux comédiens qui sont excellents et dont la complicité est évidente, il opère aussi pour les spectateurs devenus voyeurs et qui se demandent bien comment cela va se terminer.

La salle de La Licorne est investie pour l'occasion d'une atmosphère fuligineuse, envahie par une espèce de léger brouillard qui, couplée à l'orage qui gronde, contribue à créer un moment hors du temps. La scène est coupée en deux par un grand mur transparent, symbolique de la difficulté à rejoindre l'autre et le sol est jonché de ballons et des reliquats d'une fête, à l'image des vies turbulentes de cette génération qui veut transformer le monde selon le désir de son cœur fanatique. L'on sent chez les protagonistes cette excitation, cette attente, ce sentiment d'être à l'orée de quelque chose d'important et de définitif, cette rencontre qui va peut-être changer la vie.

Ce qui m'a particulièrement plu c'est de voir (enfin!) l'évolution du rapport amoureux, du lien entre les hommes et les femmes, en tenant compte du fait que les jeunes filles de maintenant ont près de cinquante ans de féminisme derrière elles. Qu'elles le proclament ou pas importe peu. Force est de constater que cela change irrémédiablement la donne. Macha est une fille forte qui dit les vraies choses, qui ne s'embarrasse pas des habituels trucs utilisés pour séduire. Parfois, dira-t-elle, les gens ne sont pas complexes. Ils sont juste ce quoi ils ont l'air. Et c'est précisément ce qui va attirer Alexis, car évidemment Macha est très complexe, elle possède une vitalité et un langage remplis d'éclats et de substance. Elle est irrésistible. Et elle est un produit de son époque.

Les comédiens sont très bons, mais ils ont aussi un texte formidable à se mettre sous la dent. Julie-Anne Ranger-Beauregard possède une écriture maîtrisée et un sens très juste du ressort dramatique. Elle sait exprimer la sensualité et l'émotion et donner une voix remplie de sincérité à cette génération afin qu'elle puisse enfin parler d'amour. Mais autrement. Ce n'est plus le même romantisme, les codes ont changé, les femmes ont bien davantage le haut du pavé. Les stratégies demeurent semblables peut-être, mais le pacte est différent. Et c'est ce que cette jeune dramaturge a compris.

Macha va finir par le retrouver, son portefeuille. Pas comme elle l'aurait voulu et dans un contexte déchirant. La fin de la pièce est ouverte, on sort du théâtre sans savoir ce qui va arriver, avec un mélange de déception, d'attente et d'espoir. Comme Macha et Alexis qui vivent avec une tempête dans le cœur.

J'ai été captivée du début à la fin par ce texte. Et je me suis dit, après, c'est comme ça qu'on devrait parler d'amour au 21e siècle, avec de nouveaux fragments de discours amoureux.

Les inconnus: une production Le Crachoir en collaboration avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 30 septembre 2016.

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