Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Les flâneurs célestes»: surprenants et attachants

On trouve parfois des âmes sœurs dans les endroits les plus incongrus. C'est ce qui arrive à Evan, le jeune garçon un peu coincé qui travaille dans un café d'une petite ville du Vermont alors qu'il fait la rencontre de Kevin et de Jasper qui squattent le balcon arrière de l'établissement.raconte cette improbable rencontre et la plausible complicité qui va en découler.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

On trouve parfois des âmes sœurs dans les endroits les plus incongrus. C'est ce qui arrive à Evan, le jeune garçon un peu coincé qui travaille dans un café d'une petite ville du Vermont alors qu'il fait la rencontre de Kevin et de Jasper qui squattent le balcon arrière de l'établissement. Les flâneurs célestes, la pièce d'Annie Baker, présentée à La Licorne, raconte cette improbable rencontre et la plausible complicité qui va en découler.

Éric Robidoux et Mathieu Quesnel sont les deux types paumés, mais sympathiques, qui boivent un thé un peu spécial et qui composent des chansons à la guitare, dans un décor qui se résume à peu près à deux chaises bringuebalantes. Habillés à faire frémir Jean Airoldi, ils n'ont évidemment pas d'allure, mais on découvre bientôt que Jasper, qui est un drop-out du secondaire, est à écrire un roman, ma foi très bon et que Kevin, qui a abandonné l'université, est un génie des mathématiques qui a sombré dans la folie. Bon, il n'est pas dangereux, bizarre seulement, et parfois d'ailleurs pas si fou que ça. Mais ce qui est fascinant c'est d'observer cette relation où les deux comparses se respectent, se complètent et s'entraident dans un univers où il n'y a pas beaucoup de place pour eux. Evan qui, au départ, veut les chasser de ce lieu qu'ils ont investi va se révéler un allié et apprendre quelques petites choses sur la vie et les êtres humains, bien plus qu'il n'aura jamais pu le faire dans son univers de jeune juif moniteur à ses heures dans un camp musical.

J'ai beaucoup aimé les choix de traduction de David Laurin. Evan (Laurent McCuaig-Pitre), un jeune comédien plein de promesses qui fait montre d'une extraordinaire sensibilité dans son personnage de stuck-up, s'adresse la plupart du temps en anglais aux deux autres protagonistes qui, eux, lui répondent en français. Et ça fonctionne parfaitement dans notre univers québécois bicéphale. La langue familière du texte constitue aussi du gâteau pour Mathieu Quesnel, toujours excellent dans ce genre de choses, mais qui nous touche aussi de façon singulière lorsqu'il lit de sa voix graveleuse des extraits du roman sur lequel il travaille. Et il y a Éric Robidoux. Pour l'avoir vu récemment dans Oxygène au Prospero et dans Un tramway nommé désir à l'Espace Go où il incarnait un formidable Stanley Kowalski, je sais la polyvalence de ce comédien. Ici, dans ce personnage démuni, incapable de fonctionner adéquatement, mais qui comprend bien des choses, il est renversant. Jean-Simon Traversy, à la mise en scène, a saisi tous les enjeux et toutes les subtilités de ce texte.

On pousse la ritournelle aussi dans ce spectacle, dont une version Folk/Bluegrass de Eye of the tiger. Il y a également une hilarante énumération des nombreux noms envisagés par nos deux bozos pour leur band de musique. David Laurin a choisi un de ces noms, Les flâneurs célestes, comme titre français à la pièce qui s'intitule The Aliens en anglais. Ce qui m'a fait penser aux Clochards célestes de Jack Kerouac (et à la Céleste de Babar bien que ça n'ait aucun rapport). Flâneurs ou clochards ils sont, je crois bien, de la même race.

Evan va comprendre grâce à ses deux nouveaux amis, la solitude, la misère physique et la maladie mentale, il va constater aussi que la créativité n'a pas besoin de lieux confortables pour s'exprimer. Le lien qui l'unit à Jasper et Kevin est quelque chose de puissant, de plus grand que lui et va lui permettre de tenter des choses dont il ne se serait jamais cru capable.

Les flâneurs célestes est une pièce âpre et attachante avec des personnages pleins d'une tendresse diffuse. On y assiste à la passation d'un fragment d'humanité, ce qui est peut-être un pouvoir occulte ou alors un noble secret. Un pouvoir ou un secret trouvés là où on s'y attendait peut-être le moins.

Les flâneurs célestes : Une production de LAB87, à La Licorne jusqu'au 20 novembre 2015

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

La cantate intérieure

8 pièces de la rentrée culturelle à voir à Montréal

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.