Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le nombril du monstre: voyage dans la paternité

La BD a mené Félix Beaulieu-Duchesneau au théâtre et dans sa créationprésentée à La Licorne, le théâtre le ramène à la BD mais pour parler d'un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, soit la paternité.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

La BD a mené Félix Beaulieu-Duchesneau au théâtre et dans sa création Le nombril du monstre présentée à La Licorne, le théâtre le ramène à la BD, mais pour parler d'un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, soit la paternité.

Il s'appelle Félix à cause de Félix Leclerc (on peut plus mal choisir un prénom) et la statue de notre icône nationale, celle du parc Lafontaine où il affiche une dégaine nonchalante avec son manteau sur l'épaule, va accompagner l'auteur et comédien tout au long de cette aventure qui consiste à se mettre en couple, à penser à peut-être faire des bébés et à finalement en avoir. Parcours logique et, disons-le, attendu, car sinon, et bien, il n'y aurait plus d'humanité ce qui serait fâcheux. Avec beaucoup d'humour et de très mignons dessins, Beaulieu-Duchesneau incarne une tonne de personnages tout en décrivant ce qu'il a vécu lorsqu'il a bien fallu qu'il laisse de côté son égoïsme de petit garçon pour endosser le vêtement de la maturité.

Je disais qu'il incarnait beaucoup de personnages et pour avoir vu ce comédien dans une dizaine de productions, je peux répondre de son talent et de son registre. Il est simplement étonnant lorsqu'il devient sa blonde Sandrine, son père, sa mère, une délicieuse sage-femme qui distille le miel de la tendresse humaine, ses divers chums et Félix Leclerc bien sûr. Il incarne tous ces gens avec un parfait maniérisme et des changements de voix et de ton complètement convaincants. Avec quelques toiles qui se déroulent à partir du plafond et une table astucieusement agencée, les dessins qu'il fait complètent, ajoutent et concrétisent le propos de fort jolie façon donnant comme résultat un spectacle d'une grande originalité qui oscille entre l'humour, le questionnement et la profondeur.

J'ai cependant un reproche: le personnage de Sandrine, la mère de son enfant, la femme de sa vie, qui demeure hélas superficiel et sans épaisseur. On ne connait pas Sandrine, on ne sait rien d'elle, on retient qu'elle est parfois fatigante, qu'elle frôle aussi à l'occasion l'hystérie, elle se résume à être la blonde générique d'un spectacle qui ne l'est pas et j'ai trouvé dommage qu'elle soit ainsi escamotée. Oui, il voulait parler avant tout de ses angoisses face à la paternité, mais le portrait qu'il fait de la génitrice demeure réducteur.

Le nombril du monstre souligne avec justesse que la plupart des jeunes gens qui font des enfants ne sont absolument pas préparés pour cela et qu'ils n'ont aucune idée du long et parfois pénible contrat dans lequel ils s'engagent.

Le nombril du monstre souligne avec justesse que la plupart des jeunes gens qui font des enfants ne sont absolument pas préparés pour cela et qu'ils n'ont aucune idée du long et parfois pénible contrat dans lequel ils s'engagent. Félix Beaulieu-Duchesneau établit d'ailleurs le parallèle entre la création tout court et le fait de mettre au monde un enfant. Les deux sont difficiles, pleins d'embûches et de questionnements et il faut parfois se résoudre à de terribles concessions si l'on choisit la vie de famille. Les femmes, depuis toujours, en savent quelque chose et je trouve rafraîchissant et essentiel qu'un homme se penche aussi là-dessus et fasse le constat qu'on peut difficilement tout avoir et tout réussir.

En dépit de certaines faiblesses, Félix Beaulieu-Duchesneau a écrit et joue pour nous un spectacle attachant où la finale se cristallise dans une tendresse sincère et un joli moment d'émotion. Fils cadet, qui est papa et qui m'accompagnait ce soir-là, a été ému et moi de même. J'applaudis au fait que les hommes parlent enfin de la paternité plutôt que de se réfugier dans le stoïcisme silencieux auquel nous ont habitués notre littérature et notre théâtre. Les Québécois milléniaux ont peu, ou pas du tout, de modèles masculins forts et capables d'exprimer ce qu'ils ressentent avec ce que cela implique de contradictions et d'erreurs. J'aimerais que Le nombril du monstre ait une suite propre à pulvériser les clichés et à défricher encore davantage cette terre quasi vierge qu'est la paternité assumée et sentie.

Le nombril du monstre : Une production Félix Beaulieu-Duchesneau en codiffusion avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 12 mai 2017.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mai 2017

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.