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, un texte de la dramaturge allemande Dea Loher, raconte ce qui arrive à la suite de l'accident qui cause la mort d'un petit garçon de huit ans dans une petite ville pas très riche de l'Allemagne. On assiste au désarroi des parents et de l'entourage immédiat, on voit comment les rapports sociaux sont affectés et comment le chaos et la résilience peuvent se côtoyer au sein d'une même communauté.
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Sur une scène dépouillée où dominent le blanc, le gris, le beige, huit personnages vont s'installer et nous convier à pénétrer leur vie, leur cœur, leur quotidien dans une ultime tentative de reconstruction de ce qui a été détruit. Ils ont tous en commun des espérances enfuies et des rêves à côté desquels ils sont passés. C'est ainsi que le spectateur se sentira interpellé.

Le dernier feu, un texte de la dramaturge allemande Dea Loher, raconte ce qui arrive à la suite de l'accident qui cause la mort d'un petit garçon de huit ans dans une petite ville pas très riche de l'Allemagne. On assiste au désarroi des parents et de l'entourage immédiat, on voit comment les rapports sociaux sont affectés et comment le chaos et la résilience peuvent se côtoyer au sein d'une même communauté.

Car on parle ici d'un fait divers qui se transforme en quête métaphysique. L'intérêt n'est pas de dire l'événement mais bien d'en examiner les conséquences sur les personnes qui se trouvaient, dans tous les sens du mot, dans sa proximité. Tout le monde se sent responsable d'une façon ou d'une autre de la mort de l'enfant de huit ans, mais cette culpabilité se concrétise si l'on peut dire dans un propos quasi-désincarné et à la limite abstrait, qui n'est pas la tasse de thé de tout le monde. Les monologues et dialogues, sauf pour l'un des personnages, se transforment en exercices intellectuels de haute voltige, évacuant forcément les moindres traces d'émotion pour ne s'en tenir qu'à une analyse toute cérébrale. La douleur ressentie suite à la perte, au deuil, s'en trouve ainsi édulcorée parce qu'intellectuelle. Et, assez bizarrement, on ne saura rien d'Edgar, le petit garçon, il sera complètement évacué, n'existant qu'en creux de par le vide qu'il aura laissé. C'est un théâtre qui exige beaucoup de la part du spectateur, et aussi de la part des comédiens.

Justement de ce côté les morceaux de bravoure ne se comptent plus. Les interprètes du Dernier feu sont tous excellents, surtout Maxime Denommée qui, en vieillissant, apporte tout un chapelet de nuances à son registre. Louise Laprade joue une Rosemarie, la grand-mère du petit garçon, qui exprime les lacunes du travail de mémoire, incapable qu'elle est de se rappeler de son petit-fils sauf lors de terribles moments de lucidité. Il n'y a que Peter et le chien Humbolt, qui se révèle être un sac à puces, qui apportent un peu de légèreté à tout ce propos qui n'est pas des plus joyeux. Peter Batakliev est touchant et drôle dans ce rôle du presque-idiot du village qui se préoccupe sincèrement de son ami Olaf et du chien, bien sûr. Il est le pendant réaliste et humoristique à tout ce déferlement existentiel qui surgit de la bouche des autres protagonistes exprimant culpabilité, oubli, déni et mensonges sans qu'il ne semble y avoir de rédemption en vue. Je n'ai des réserves que pour la présence de Jérôme Minière qui joue Olaf, un petit rôle où il chante/rap son texte. Je ne sais pas si cela s'inscrit dans la pièce ou s'il s'agit d'un choix de mise en scène mais à mon avis cela détonnait un peu avec l'ensemble.

Denis Marleau est toujours égal à lui-même. La mise en scène est d'une sobriété à toute épreuve mais aussi terriblement efficace avec son esthétique glacée. La projection sur écran à l'arrière-scène des divers accessoires ou du chien et du chat contribue au dépouillement nécessaire pour rendre ce texte intelligent qui n'a besoin que de comédiens extrêmement bien dirigés, ce qui est le cas ici.

Et je sais que ce même texte résonnait en eux avec puissance et que le but était de transmettre une réalité qui nous est d'habitude invisible. Mais à travers les dialogues et monologues de Dea Loher il n'y a pas de lien émotif qui se tisse avec le spectateur et la souffrance demeure désincarnée. Je suis restée froide devant cette impeccable démonstration théâtrale.

L'Allemagne a donné à la civilisation de grands philosophes, des mathématiciens remarquables, de prodigieux musiciens de même que les meilleurs instruments de précisions et les meilleures voitures au monde. J'ai cru déceler chez Dea Loher ce souci maniaque peut-être inhérent au peuple allemand, de mettre de l'ordre dans le fatras des idées, des sentiments et des émotions, d'exprimer le plus précisément possible ce qui n'est peut-être pas exprimable. Le résultat est incertain et j'aurais aimé ressentir davantage mais je comprends aussi qu'on puisse parler d'anéantissement sans tirer de larmes.

Crédit photo : Caroline Laberge

Le dernier feu est une co-production du Théâtre Ubu et de l'Espace Go et est présenté à l'Espace Go jusqu'au 16 février 2013

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