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«Le brasier»: feu, feu, joli feu

Ne boudez surtout pas votre plaisir : voir sur scène trois comédiens du calibre de Paul Ahmarani, Kathleen Fortin et Dominique Quesnel faire et dire toutes sortes de folies est particulièrement jouissif, surtout que ces comédiens semblent s'amuser terriblement.
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Le feu, littéral ou intérieur est le thème qui habite Le brasier, la pièce de David Paquet présentée au Théâtre d'Aujourd'hui. Ne boudez surtout pas votre plaisir : voir sur scène trois comédiens du calibre de Paul Ahmarani, Kathleen Fortin et Dominique Quesnel faire et dire toutes sortes de folies est particulièrement jouissif, surtout que ces comédiens semblent s'amuser terriblement.

C'est une histoire ...compliquée. Trois triplettes, Claudette (Paul Ahmarani) Claudine (Kathleen Fortin) et Claudie (Dominique Quesnel) habitent un triplex. Claudette a un fils, Gabriel, qui veut mettre le feu à la maison. Claudine passe son temps à faire des biscuits immangeables. Claudie est pleine d'une colère féroce face à tout ce qui l'entoure. Claudette va mettre son enfant dans une cage (tiens, comme la mère de Joël, Noël et Citroën dans L'Arrache-cœur de Boris Vian). Claudie va souligner régulièrement que leur mère leur criait qu'elle aurait dû mettre un stérilet, tabarnak! Claudine voit un thérapeute et lui ment. Ces gens-là ne vont pas très bien psychologiquement, ai-je pensé.

Après une tragédie impliquant ces trois personnages, changement de ton. Un homme Asperger, bizarre, sans aucune habileté pour les contacts humains, fait la rencontre d'une femme qui vient de perdre son chat. Et vous n'avez pas idée tant que vous ne l'avez pas vu du registre incroyable déployé par Paul Ahmarani et Dominique Quesnel qui endossent ces deux rôles. Après avoir été une mère poule, bien qu'inadéquate, Paul Ahmarani devient cet ado attardé un peu demeuré, mais plein d'un charme discret qui assène quelques vérités alors que Dominique Quesnel, de harpie frustrée et quasi sanguinaire, incarne une femme fragile et démunie qui aimait plus que tout son animal de compagnie. Dans la dernière partie, Kathleen Fortin, dans un monologue un petit peu long, mais livré de façon sentie, boucle la boucle comme un serpent qui se mord la queue et nous fait comprendre tous les liens qui unissent ces personnages plus ou moins tordus.

Tout ça dans un décor aussi farfelu que le texte : Un rideau couleur de flamme (qui change avec les éclairages) et qui est fait, avons-nous découvert, du même matériau que les rubans de plastique que l'on accrochait aux poignées de nos bicyclettes quand on était petits. Il y a aussi une espèce d'arbuste au milieu de la scène qui devient siège ou bûcher symbolique. Je disais que le texte était farfelu : je crois qu'il ne s'agit pas ici d'une pièce qu'on peut qualifier de chef-d'œuvre immortel et qui va marquer d'un sillage indélébile le firmament du théâtre québécois. C'est amusant, le tragique occupe une place certaine, mais la réflexion ne va pas très loin. La grande force de ce texte ce sont les comédiens. Philippe Cyr, à la mise en scène, a dû prendre son pied en travaillant avec des gens de ce talent et de cette qualité.

David Paquet souligne dans le programme de la pièce qu'il s'est inspiré des tragédies grecques pour cette histoire où la famille se retrouve victime de son hérédité. J'y ai plutôt vu l'influence des romans-feuilletons du 19e siècle, comme Patira de Raoul de Navery ou La porteuse de pain de Xavier de Montépin où les mères qui ont perdu leurs enfants et les enfants qui ignorent leur véritable identité pullulent. Je préfère cette référence en fait parce que l'histoire qui nous est racontée dans Le brasier est d'une notable extravagance et que si les personnages ne sont pas maîtres de leur destin, je n'ai pas perçu leur responsabilité face à eux-mêmes. Mais c'est sûr qu'on peut en discuter.

C'est un peu le procès du feu, cette pièce. Le feu qui dévaste les vies et les souvenirs, le feu de la passion qui réveille des pulsions inavouées et qui détruit l'âme. Le feu qui permet de faire des biscuits. Même s'ils ne goûtent pas bon. On n'en sort pas. Cette découverte qui a permis à l'humanité d'avancer et de se démarquer des autres primates est aussi incandescente que nos émotions. Et même si j'ai passé un bon moment à voir sur scène trois comédiens exceptionnels je me suis dit que, comme pour le feu, le texte du Brasier recèle davantage d'éclat que de substance.

Le brasier : Une création de l'Homme allumette, au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 15 octobre 2016.

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