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Le lac des cygnes: beauté froide

J'ai souvent ressenti de la confusion car les antagonismes ne sont pas toujours clairs avec trois ballerines qui dansent des rôles principaux et un scénario plutôt emberlificoté.
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Grands Ballets

J'ai vu Le lac des cygnes plusieurs fois, la dernière dans une production du Ballet national d'Ukraine en 2012. Où on avait changé la fin pour lui donner une conclusion heureuse alors que cette histoire d'amour contrarié est une tragédie. Le Ballet national de Pologne, qui présente sa version à la Place des Arts, a aussi modifié l'histoire pour la transposer à la cour impériale de Russie où le tsarévitch est déchiré entre deux amours, où le méchant Rothbart s'incarne dans le tsar et où le cygne blanc et le cygne noir deviennent Alix/Odette, un amour d'enfance, et Mathilde Kschessinska, une danseuse étoile et maîtresse du prince.

Le chorégraphe Krzysztof Pastor a gardé plusieurs éléments de Marius Petipa et ce qu'il ajoute de son cru ne déroge pas à la vision que l'on peut avoir du ballet classique. Mais il a eu la bonne idée d'exploiter l'athlétisme et l'impeccable technique des danseurs masculins ce qui donne des pas de deux entre le prince (Vladimir Yaroshenko, magnétique) et le hussard Volkov (Maksim Woitiul, formidable), des exercices militaires à la fois convaincants et extrêmement esthétiques et des scènes de danses folkloriques où les éléments mâles de la troupe sont mis en valeur.

Les morceaux de bravoure ne manquent pas dans ce ballet exigeant: entrechats, grands jetés, pirouettes et, bien sûr, les 32 fouettés de Chinara Alizade/Alix ce qui signifie que les cœurs sont comblés dans ce domaine. Le lac des cygnes est un ballet à la facture résolument classique et à grand déploiement: il nécessite de nombreux changements de décors (très réussis d'ailleurs les décors), un corps de ballet considérable et des danseurs principaux techniquement très forts, toutes choses que nous donne le Ballet national de Pologne. Et ajoutons à cela la participation de 23 enfants de 10 à 14 ans, étudiants de l'École supérieure de Ballet du Québec, qui se retrouvent sur scène avec ces professionnels de haut niveau pour jouer les pages et les enfants du tsar. Ils font un job tout aussi professionnel avec en prime un émerveillement qui fait plaisir à voir.

Mais j'exprime un bémol pour la transposition de cette histoire. Je ne vois pas ce que les changements à ce ballet apportent de plus. Et, en fait, j'ai souvent ressenti de la confusion car les antagonismes ne sont pas toujours clairs avec trois ballerines qui dansent des rôles principaux et un scénario plutôt emberlificoté. Le tsar (Robert Bondara, une belle présence sur scène) m'a semblé bien débonnaire pour finalement se transformer en méchant, le rôle que remplit le sorcier Rothbart dans la version originale. Et ces modifications font en sorte que la mort du cygne est quelque peu escamotée sans la puissance habituelle de cette scène à laquelle on est en droit de s'attendre et que l'impeccable corps de ballet/cygnes blancs ne donne pas la pleine mesure de son impact dramatique tout en composant quelques tableaux exquis. Il y a heureusement, pour nous consoler, la délicieuse et très difficile Danse des quatre cygnes qui est accomplie avec brio par Melissa Abel, Phoebe Liggins, Natalia Pasiut et Aneta Zbrzezniak, grâce leur soit rendue.

Et le troisième acte est exempt d'émotions. J'ai apprécié tout au long du ballet la technique précise, la pureté des lignes, l'accompagnement musical par l'orchestre des Grands Ballets mais il n'y a pas eu d'apothéose, ce moment où notre cœur se serre, où la musique nous emporte et où les larmes montent aux yeux devant tant de beauté et de tragédie. Je ne sais pas pourquoi on s'évertue à vouloir changer ce qui est déjà quasi parfait. L'âme du Lac des cygnes est unique depuis 1877 et même après avoir assisté à une véritable classe de maître sur la précision avec le Ballet national de Pologne, je suis restée sur ma faim, n'ayant pas retrouvé l'icône pour moi inaltérable que j'aurais voulu voir.

Le lac des cygnes: à la salle Wilfrid Pelletier de la Place des Arts, jusqu'au 2 mars 2019, avec des supplémentaires les 1 et 2 mars.

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