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Judy Garland: curieusement sans émotions

ne mérite, selon moi, aucun prix ni mention d'honneur. C'est une pièce qui manque singulièrement de substance et à laquelle le metteur en scène, Michel Poirier, n'a pas su insuffler ni drame ni émotion.
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La pièce Judy Garland, la fin d'une étoile, de Peter Quilter connaît depuis 2005 un succès international. Traduite en plusieurs langues, elle a été jouée partout à travers le monde et a remporté de nombreux prix. Ce que j'ai vu au Théâtre Jean-Duceppe ne mérite, selon moi, aucun prix ni mention d'honneur. C'est une pièce qui manque singulièrement de substance et à laquelle le metteur en scène, Michel Poirier, n'a pas su insuffler ni drame ni émotion.

Pourtant, Dieu sait que le matériau est riche...Enfant vedette, Judy Garland devient une star internationale grâce entre autres au film The wizard of Oz, elle chante, elle danse, elle joue la comédie, son immense talent et son charisme compensant (pour les producteurs) ses traits irréguliers et ses problèmes de poids. Mais le rythme effréné de sa vie aggrave sa dépendance à l'alcool et aux médicaments. On croit qu'elle souffrait probablement de bipolarité, ce qui explique les excès, les sautes d'humeur et les extravagances de toutes sortes qui définissent le personnage. Elle est morte à Londres en 1969, à 47 ans d'une surdose de médicaments, accidentelle selon le coroner.

La pièce traite d'un épisode de la fin de la vie de Judy Garland (Linda Sorgini). Elle doit donner des concerts à Londres, histoire de renflouer ses finances plus que précaires, mais elle n'est manifestement pas en état de le faire. Elle se retrouve dans une chambre d'hôtel du Ritz avec son fiancé, qui deviendra son cinquième mari, Mickey Deans (Eric Robidoux) et avec Anthony (Roger La Rue), le pianiste qui l'accompagnera. Mickey tente de la sevrer de l'alcool et des pilules, Anthony devient le confident et l'ami et Judy continuera sa descente aux enfers et son voyage sans retour dans l'autodestruction.

Le traitement que fait Peter Quilter de tout cela m'a semblé vieillot, éculé, bourré de clichés et dénué de tout charme. La traduction de Michel Dumont n'aide en rien puisqu'on a droit à un fatras variant du très familier et à l'occasion vulgaire québécois émaillé de mots anglais utilisé par Linda Sorgini en Judy Garland au français plutôt châtié du pianiste. Pianiste qui est Britannique dans la pièce en version originale puisque ça se passe à Londres. Mais on ne sent pas cela du tout, ça pourrait se passer n'importe où.

Eric Robidoux, si extraordinaire en Stanley Kowalski dans Un tramway nommé désir joue ici d'une manière qui m'a semblé détachée, sans aucune implication émotive, sans que l'on saisisse un instant les motivations de son personnage. Est-ce qu'il l'aimait vraiment? En voulait-il à son argent? Désirait-il véritablement la sauver d'elle-même? Tout ça demeure bien vague. Roger La Rue est de son côté excellent. Ce comédien qui se spécialise dans les seconds rôles leur confère toujours une dimension palpable, une humanité majuscule. Ce qu'il fait, il le fait toujours très bien et le pianiste gai qu'il incarne (alors qu'on ne parlait pas vraiment de ces choses en 1968) devient grâce à son interprétation, un personnage tout en pudeur et en détermination. Linda Sorgini, pour sa part, en fait des tonnes. Elle chante plutôt bien, mais je n'ai pas été émue une seconde par son rendu d'un destin aussi tragique. Je crois que son jeu manque de nuances et d'intériorité et qu'elle échoue à nous faire sentir toute la fragilité et la vulnérabilité de Judy Garland.

Il y a aussi que le texte demeure dans un premier degré consternant. Tout est littéral, expliqué à gros coups de truelle, plâtré sans élégance et on en remet par-dessus sans faire un instant appel à l'intelligence du public...Tout de même, c'est rare qu'on parle de l'anéantissement d'une âme sans tirer de larmes aux spectateurs. Il n'y a pas de sentiments dans cet étalage de nostalgie, on y parle du passé avec une syntaxe du passé sans jamais creuser dans ce mélange d'animal et de divin qui faisait de Judy Garland ce qu'elle était. Car elle était parfaite. Et totalement imparfaite.

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